Quand la vie s en va
124 pages
Français

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Description

Emilia Masson, archéologue, spécialiste des mythes et rites fondateurs de nos civilisations européennes, nous entraîne dans un voyage aussi scientifique qu'initiatique aux côtés de sa fille Ariane et de son long cheminement de la vallée des merveilles à la vallée d'un enfer. Et quand la vie s'en va, ce sont bien des vies qui risquent la dérive. Elle le fait comme une mère et comme une scientifique. Le récit est cru, mais l'émotion maîtrisée, toujours présente. Emilia Masson a l'œil exercé de celle qui sait trouver le signe dans l'amas de pierres. Un regard lucide sur le mari de sa fille qui permet d'appréhender le lien entre les drames de la vie, la naissance puis l'extension par à-coups avec espoirs et désespoirs médicaux et moraux, de la terrible maladie. Elle passe au crible les attitudes, les comportements, les lâchetés insoupçonnées et les dévouements inattendus. Elle nous fait découvrir un univers médical, celui de l'Institut Curie avec, au cœur de l'excellence, ses anges et ses trolls. Il y a dans ce livre du témoignage, du reportage et de la spiritualité. Un hommage à une fille trop déçue par un homme pour penser pouvoir être aimée comme pourtant elle l'était. Un hommage matérialisé au bout du chemin par une tombe à la pureté antique. Un livre unique sur un sujet presque encore tabou autour d'une figure lumineuse... Quand la vie s'en va, on prend alors conscience de toute sa valeur... avant que le fil d'Ariane ne soit définitivement coupé par le cancer, cette Atropos, cette norne d'aujourd'hui au visage hideux.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 février 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342150902
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0041€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Quand la vie s'en va
Emilia Masson
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Quand la vie s'en va
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.

 
Photographie de couverture  :
Ariane sur la terrasse de la Closerie des Lilas (28 septembre 2011)
 
Pour le docteur Thierry Dorval, figure lumineuse de la cancérologie française
 
 
 
À celles et à ceux qui ont adouci les derniers instants d’Ariane
Prologue
Faire son deuil ! Que signifie au juste cette expression qui imprègne de plus en plus notre langage quotidien ? Voici la question qui taraude mon esprit depuis qu’Ariane a fait ses adieux à ce monde. Le 8 août 2012. Au petit matin. Car ce travail de deuil ne me laissa point la possibilité de l’entamer. Ni selon les normes prévues ni sur un mode imprévu. Ce fut tout le contraire ! Le deuil s’est emparé de mon être, il y a répandu ses racines, m’a transformée en objet. Son objet. À la place d‘une libération éventuelle, ce fut la soumission.
Prise dans la nasse de cette force insaisissable, je revis sans cesse les douze mois qui ont précédé le départ d’Ariane. Douze mois d’épreuves qu’elle subissait dans son corps, qu’elle subissait dans son cœur. Heure après heure, jour après jour, mois après mois, je m’appliquais à absorber ses souffrances, à lui réfléchir une image rassurante, à la doper d’énergie. À la bercer dans l’affection. Efforts, certes, restés sans effet sur ses peines de cœur et encore moins sur sa maladie. Mais ils établissaient entre nous une sorte d’osmose qui procurait à chacune un brin de réconfort.
La période pendant laquelle ma fille s’éteignait fut jalonnée d’épisodes et de circonstances multiples. Leur succession rapide s’est gravée dans ma mémoire mais sans me laisser le temps de les discerner en profondeur. À présent, ils défilent en boucle dans mon esprit à la manière d’un film ralenti, prennent du relief. Leur complexité se dévoile. Les méandres de la nature humaine se dessinent. Les états d’âme de ma fille remontent en surface.
Ces remémorations m’ont-elles incitée à les confier à des feuilles blanches ? Ou bien le recours à l’écrit m’a-t-il paru comme un gage d’apaisement ? Et Ariane ? Toujours présente, toujours à mes côtés, aurait-elle pris l’initiative de me tenir la plume afin qu’on partage l’enfer de ses souffrances, qu’on découvre ce chemin de croix qui la menait inéluctablement vers l’au-delà ?
Deux témoignages parallèles tressent le présent récit. Conséquence de ma dualité, elle-même due sans doute au signe des Gémeaux dont je suis native. Côté personnel, c’est Castor. Côté intellect, c’est Pollux. Le premier fait écho à un vécu chargé d’émotions. Le second retrace avec véracité les perceptions d’un regard, attentif et implacable en toutes circonstances. Narrés tous les deux dans le même souci d’un style neutre et sans emphase. Qu’il s’agisse de faits marquants ou de menus détails. Ponctués d’interrogations afin d’échapper au piège de prises de position.
Les pages qui suivent permettront-elles à chacun d’aborder leur lecture dans un esprit libre de préjugés et ouvert à la réflexion ?
 
À Veules-les-Roses Décembre 2015
Triste départ
La tête dans le coffre de ma voiture, j’éparpille les cibles convoitées par ceux qui risquent d’y faire irruption : pièces d’identité, argent, carte bleue, chéquier, clefs, téléphone portable. Jeu de cache-cache auquel je me livre à contrecœur avant de quitter Tende en direction de Nice. Pourtant, en cette journée de la fin juillet 2011, je le fais avec soulagement. Soulagement lâche car il me vaudra un petit répit. Les nouvelles que je redoute m’atteindront après la descente à Nice. Agrippée au volant, je m’applique à dissimuler l’inquiétude afin de ne pas alerter mes petits-fils. Assis sur le siège arrière, ils observent tranquillement le bord de mer. Sans se douter que ce nouveau pèlerinage à la Vallée des Merveilles devait permettre à leur mère de se soumettre à des examens médicaux. En toute discrétion.
La voiture une fois garée au parking du train-auto, je récupère les biens planqués dans le coffre. Je saisis le portable, l’ouvre d’une main tremblante. Il affiche un message oral d’Ariane : Les nouvelles ne sont pas bonnes, Maman. J’ai le cancer , annonce-t-elle d’une voix vibrant de dépit et de gêne. De culpabilité même. Deux petites phrases qui ne cessent de résonner dans mes oreilles.
Nouveaux efforts pour faire bonne figure, paraître enjouée face à Boris et Matteo. Des glaces dans un café sur la plage, voici qui va les distraire en attendant l’avion pour Paris. Pendant qu’ils terminent leur séjour en beauté, je parle avec Ariane. J’essaie de l’encourager, lui promets qu’on sera deux pour combattre son cancer. Nous partageons la même préoccupation. Comment annoncer la nouvelle aux garçons ? Comment éviter que la maladie de leur mère ne vienne s’ajouter au traumatisme causé par le départ de leur père ? Tâche délicate, tâche douloureuse, que nous convenons d’exécuter ensemble.
Faisant les cent pas sur les galets, j’observe les deux garçons en train de savourer leurs glaces. De sombres pressentiments m’envahissent, le chagrin m’accable. Que nous réservent les mois à venir ? Des épreuves encore plus rudes ? Le cauchemar qui secoue le ménage d’Ariane et de Philippe depuis 2010 va-t-il connaître de nouveaux épisodes ?
Depuis un certain temps, leur couple battait de l’aile. Si amoureux au départ, pour quelle raison ont-ils amorcé une descente aux enfers après seize ans de vie commune ? Leurs caractères se sont-ils affirmés avec le temps au point de générer une incompatibilité mutuelle ? Fragile dès son enfance, Ariane a développé avec l’âge une vulnérabilité extrême. Timorée par le manque de confiance, incapable de mesurer ses qualités et ses atouts féminins, elle était en proie à un pessimisme chronique. Jeune homme doux et affable, Philippe se transformait avec l’âge. Sa bienveillance faisait place à une dureté, sa gentillesse à une autorité dominatrice. Changement ou caractère inné qui s’éclôt avec la maturité ?
La métamorphose de Philippe connaît un nouveau bond avec l’apparition d’une autre femme dans sa vie. Dans les derniers mois de 2010. Des sillons de rigidité ne tardent pas à creuser son visage. La colère, aux reflets de méchanceté, à noircir son regard. Père de famille dévoué et affectueux, Philippe se détache en un temps record de sa petite tribu. Se détache au point d’en être agacé. Ariane devient alors la cible de ses remarques venimeuses. Elles fusent dans tous les sens, visent son physique au premier chef. Ses fils sont soumis à un traitement sans égards. Lors de ses sorties nocturnes, les veilles de Boris le laissaient-elles de marbre. Blotti contre sa mère, ce garçon, alors âgé de treize ans, attendait le retour du père qui, en guise d’explication, n’hésite pas à lui confesser ses penchants « pour une collègue ».
Pendant que Philippe s’installe dans une liaison amoureuse avec sa comptable de collègue, le cancer s’introduit dans le sein d’Ariane. Conséquence ou simple coïncidence ? On ne le saura jamais. À ce visiteur néfaste, elle laisse tout le loisir de prospérer. Comportement absurde ou logique suicidaire ? Ariane ne l’a jamais précisé. Une explication pour l’un comme pour l’autre ne serait-elle pas à chercher dans son désarroi ?
Et Philippe ? Pourquoi a-t-il fermé les yeux sur ce sein dont le volume augmentait dangereusement ? Pourquoi n’a-t-il pas pris le soin d’emmener Ariane chez le médecin ? Ou du moins, pourquoi n’a-t-il pas alerté sa belle-famille ? Mutisme absurde ou mutisme coupable ?
Au mois de janvier 2011, Philippe dévoile ses intentions. Il va quitter la maison. Départ déjà mis au point dans les menus détails. Même le jour est fixé. Il partira en février, au milieu du trimestre. Ariane cherche à lui faire repousser la date aux vacances d’hiver. En vain. Rien ne doit être modifié à ce programme qui fleure l’engagement. De ses garçons il n’avait plus cure. Lui-même se chargera de les informer. Au dernier moment. La veille du départ.
Les prévus étant sujets à des imprévus, Boris découvre avant l’heure le projet de son père. Nouveau déchirement, il agite son esprit déjà tourmenté, plonge comme un glaive dans sa sensibilité extrême. Porte en même temps un coup fatal aux rapports entre le père et le fils.
Sa réprobation, Boris la manifeste à la manière d’un animal blessé. Avec ses urines. Mettant à profit cette arme très personnelle, il en asperge le lit de son père ou encore il en remplit ses verres lors des repas.
Et Matteo ? Toujours protégé par le bouclier de l’innocence, il n’a pas perçu le drame qui se joue sous son toit. Aussi l’annonce du départ imminent de son père le fait-elle rire aux éclats. Réaction angélique d’un enfant de dix ans face à ce qui lui apparaît comme une bonne blague !
La montre m’avertit qu’il est temps de mettre fin à cet intermède sur la plage niçoise. D’un pas hésitant, nous nous dirigeons vers l’aéroport.
L’intrusion du cancer
Assise entre Boris et Matteo, je réfléchis sur la stratégie à adopter face à l’ennemi qui s’est invité dans leur foyer. Comment le présenter à ces deux garçons qui n’ont toujours pas surmonté l’abandon de leur père ? À sa désertion, chacun réagit selon son âge et son caractère. Replié sur soi, Boris refoule et sa rancœur et un état de tension permanente. Manifeste unique

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