Système Argos
178 pages
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Description

Système Argos, c’est une histoire d’amour entre une vieille dame en fin de vie et son infirmière, dans le quotidien de celle-ci. Ses yeux voient tout comme ceux d'Argos, le géant de légende, Panoptès, qui avait des yeux partout – cinquante dormaient et cinquante veillaient –, qui a donné son nom au système de géolocalisation permettant de surveiller et de sauver. C’est une histoire qui bouleverse leurs vies, parce qu’elles se ressemblaient, se comprenaient, avaient la même sensibilité et le même regard. Une histoire de voyages, de montagnes, de mer et d’errance à travers la souffrance humaine...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 11 mai 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414440559
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194 avenue du Président Wilson – 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com
 
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
 
ISBN numérique : 978-2-414-41185-6
 
© Edilivre, 2020
Argos
Le système Argos, c’est quoi ?
Du beau nom de ce géant de légende qui avait des yeux partout, une préfiguration de l’ordinateur, de l’intelligence artificielle, des réseaux sociaux, de notre vision élargie du monde. Le nom du système provient du grec Argos (ou Panoptès, celui qui voit tout). Dans la légende, il s’agissait d’un géant doté d’un très grand nombre d’yeux. Il pouvait ainsi tout voir, tout le temps, partout, cinquante dormaient et cinquante veillaient.
Le système Argos est un système de géolocalisation et de collecte de données par satellite dédié à la surveillance environnementale mais aussi, c’en est une application, dédié aux secours.
Il est avant tout destiné à l’étude et à la protection de l’environnement à l’échelle planétaire, essentiellement le suivi des animaux dans leur périple et leur vie. Par exemple, on a pu suivre un albatros à bec jaune parti de l’île d’Amsterdam dans l’océan indien chercher sa nourriture pendant quinze jours, on voit comment il pêche et comment il se sert des vents et des pluies. On a vu vivre tous les animaux, on a vu s’exprimer notre planète. Les messages de la balise s’envolent vers des satellites en orbite et reviennent vers des stations terrestres. C’est fabuleux, on peut connaitre les grandes migrations, les traces des animaux et jusqu’à leur rythme cardiaque, le souffle des volcans, les vagues des rivières.
Comme Dieu qui voit tout, partout, tout le temps.
Puis il y a l’autre utilisation, consécutive, du système : de même qu’il lit l’environnement, il peut lire la détresse :
Les balises sauvent les navires en perdition, les explorateurs en difficulté n’importe où dans le monde…
Jean-Louis Etienne, le marcheur des pôles, seul sur les étendues de glace, l’utilisait pour donner ses positions en Arctique… et si besoin appeler au secours.
J’ai imaginé cette balise posée sur les infirmières à la fois pour suivre leur périple de vie si étrange, en garder la trace, la sauvegarder, mais aussi pour transmettre leurs appels de détresse devant la vie, la détresse des humains jetés sur la terre.
“Système Argos” raconte la mort d’une vieille femme aimée, en même temps que le quotidien d’une infirmière et mène une réflexion sur l’écriture et le langage, une autre de mes obsessions, car le langage rappelle Argos, explore tout, voit tout, observe l’écheveau de nos destins, tisse le néant, crée l’existant.
Un janvier hors du temps Objet : Nuit bleue
Je n’ai pu écrire avant, je n’avais guère le temps, mais là tout s’est précipité, le temps a toujours été mon vieil ennemi – comme la mort, miroir l’un de l’autre sans doute – est-ce pour cela que je suis toujours en retard, même si je connais depuis longtemps l’effet boomerang du retard ?
Après tout, le temps est une invention humaine, ni mon chat, ni mon chien ne semblent le connaitre, alors qu’en est-il de la mort, miroir du temps ? Une invention humaine aussi ?
Après la soirée de lecture littéraire chez une amie, j’ai eu ce qu’on pourrait appeler une «  nuit bleue  ».
Rien à voir avec les nuits où les Corses font tout sauter dans leur île. La nuit était couleur des gyrophares d’ambulances.
Non, j’ai passé la nuit aux urgences de l’hôpital St Roch, au milieu des clochards, dans les couloirs glacés, ouverts aux vents de l’hiver, ce n’est pas la première fois que ça m’arrive. La dernière fois, c’était il y a quelques années, quand je travaillais de nuit aux grandes urgences, accueillant les blessés graves de la route, les suicidés, les flingués de la mafia, avec un flic à l’entrée, accueillant aussi les jeunes tétraplégiques de vingt ans, dégringolés de leurs rêves à moto – cela m’avait tellement traumatisée ces jeunes, que j’en avais fait le sujet de mon diplôme de fin d’études infirmières.
« L’approche psychologique du jeune tétraplégique »
Comment imaginer l’horreur d’avoir vingt ans et de se trouver définitivement immobile, rien d’autre qu’un cerveau, les yeux, la respiration d’une machine ? L’angoisse de sa néantisation !
Comment imaginer ce que cela peut faire d’entendre un chirurgien expliquer à son jeune interne admiratif qu’il va pouvoir s’exercer à faire sur toi sa première trachéotomie, tandis que les infirmières se détournent, en larmes ?
Elle n’est pas naturelle, la fameuse empathie, nous sommes si déformés, par nos études, nos théories, notre intellect, notre culture. Comment nous mettre à la place de l’autre ? Comment nous ébrouer de toutes ces peaux enfilées sur nos nudités ? Nous mettre à nu ?
Est-ce-que ça s’apprend ? Le faut-il ? Ou vaut-il mieux rester objectif, sans affect ? À distance ? D’objet à objet ? Dur ? Impitoyable tel dans ces westerns ou ces thrillers qui nous fascinent.
Je les ai suivis ces jeunes, de l’hôpital jusqu’à la presqu’ile de Giens, quelques mois après leur accident, quand la vie irrépressible remonte en eux, car cela fait partie du miracle de ce monde, la vie irrépressible toujours qui remonte ; un jour on réussira à tout détruire mais l’herbe reviendra « palpiter aux fentes des pavés » Victor Hugo.
C’est à cela que je pensais cette nuit, je revoyais la presqu’île bleue, l’odeur de la Méditerranée, le parfum de sel des pins parasols, plein de pommes de pins à pignons, le crissement strident des cigales, le sable doré des plages, les paniers de souvenirs.
C’était parce que sa propre fille avait eu un tel accident et s’était retrouvée paralysée, immobile à jamais, qu’un millionnaire avait fondé à Giens, ce centre de rééducation spécialisée, avait donné son domaine, ses terres, ses plages qui n’avaient plus de goût pour lui, cette vue merveilleuse qui n’avait plus de sens, le bruit des vents de mer qui ne lui parlaient plus, les embruns qu’il n’aimait plus.
«  pauca meae » je mettrai sur ta tombe un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur », pleurait Victor Hugo.
J’avais retrouvé dans l’une des chambres, pleine de soleil, le même gamin qu’à « mes » urgences, mais passionné de cinéma, actionnant avec sa bouche un magnétoscope et visionnant tous les films du monde, il dictait des articles critiques et vivait, vivait encore au travers des images de la vie. Penché sur l’écran je voyais son profil de gosse briller dans le soleil de Provence, heureux. Il est où le bonheur ?
Jamais je ne pourrai plus être la même après toutes ces expériences que j’ai vécues, jamais je ne pourrai plus raisonner comme on me l’a appris, jamais je ne pourrai plus rester dans l’étroitesse de nos sociétés, me stresser pour des inepties, m’engager pour des idéologies trop humaines, voir en l’autre autre chose qu’un être sacré qui est mon double, à la place de qui je pourrais être et qu’il n’y a aucune honte à laver, soigner, aider, aimer, comprendre.
J’ai compris au travers de tout cela, j’ai compris dans mon propre corps, pourquoi le Christ lavait les pieds des autres sans dégoût, pourquoi il donnait à boire aux criminels, pourquoi il ne jugeait pas Marie Madeleine, pourquoi il avait ouvert le monde à tous, j’ai compris pourquoi Siddhârta n’avait plus pu retourner à sa vie facile, plus jamais être endormi par les promesses de l’aube, avait cherché autre chose.
Compris, je crois jusqu’au tréfonds, la communion et à quel point l’autre c’était moi, à quel point nous étions inséparables dans nos destins.
Je ne vais pas dans les églises, même si je trouve que les messes sont belles, j’ose même dire que je préfère les discothèques et danser sur de la House violente toute une nuit au milieu de jeunes secoués de musique déchainée, d’espoirs, de rêves violents mais c’est fondamentalement pareil pour moi.
Le sacré est partout, il n’y a pas de dieu, il n’y a pas de religion qui nous ligote, il n’y a pas de loi pour nous asservir, au début était la vie, il n’y a que la vie…
Mais comment atteindre cette vision pure de la vie ? Par quels chagrins, quelles tragédies, quelle méditation y parvient on ? Par quelles fissures de l’âme ? Comment atteindre cette perfection ciselée des cristaux de neige posant leur finesse lumineuse, leur beauté d’acier sur les branches de l’hiver ?
Enfin, bref, j’ai passé la nuit aux urgences, dans les phares bleues des ambulances, pour accompagner une de mes patientes malade, elle n’avait pas voulu que le médecin l’envoie à l’hôpital, tant que je n’étais pas là pour l’aider à faire sa valise, ranger son argent, ses trois bijoux, fermer sa maison, elle avait attendu de pouvoir me joindre et le médecin s’était découragé, lui avait dit d’appeler le 15 si elle avait trop mal dans la nuit, si elle ne tenait pas jusqu’au matin. Le bon pour l’ambulance était sur la table, la lettre pour le médecin des urgences aussi.
Le silence.
Le petit deux pièces s’en allait à la dérive, il y avait partout des vêtements, des livres, des boites, des papiers, l’abandon, la saleté, les vieilleries, les cafards.
Pourquoi est-ce que je ne vois plus le sordide des choses, pourquoi est-ce qu’il n’existe plus pour moi ? Parce qu’il est surtout dans notre tête et qu’il y a autre chose à voir ? Parce que le sordide des choses est une lecture ? Un jugement ? Parce que tout cela m’a rendue stupide ? asociale ? Inadaptée ? Parce que j’ai déplacé sans le savoir ma connaissance ?
Il fallait que je l’aide, alors je l’ai aidée, j’ai fait sa valise, j’ai fermé sa maison, j’ai rangé son argent dans une enveloppe et enfermé tout ça avec quelques bijoux dans une penderie, j’ai mis la clef dans son sac… Elle a voulu que je dépote un petit cyprès bleu, car le mistral avait cassé le pot, sur sa terrasse et je m’étonnais en moi-même qu’on puisse penser à sauver un arbre au moment de part

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