Un foyer intellectuel et artistique dans le Jura bernois, 1780-1850
81 pages
Français

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Un foyer intellectuel et artistique dans le Jura bernois, 1780-1850 , livre ebook

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Description

Le XIXe siècle a un an lorsque Charles-Ferdinand Morel et Isabelle de Gélieu unissent leur destinée. Dès lors, ils formeront un couple en vue grâce à leurs multiples activités sociales, religieuses, politiques, artistiques et littéraires. De nombreuses personnalités de passage dans le Jura bernois s’arrêtent dans leur demeure, un lieu de rencontres, d’échanges sur l’art et la littérature, de débats sur les idées nouvelles.


Les réalisations auxquelles le Doyen Morel a contribué – la création d’une caisse centrale des pauvres, d’une caisse d’épargne et d’un orphelinat, la rédaction d’une constitution, l’éle­vage de mérinos – amorcent des évolutions qui marqueront les sociétés futures par leur audace. Quant à Isabelle de Gélieu, notoriété lui est acquise par ses romans et ses traduc­tions littéraires.


Mais derrière cette façade de vie mondaine, qu’en est-il de l’intimité du couple ? Interrogeant les frontières entre vie privée et vie publique, vie cachée et vie visible, sept historiennes et historiens offrent une approche renouvelée de ces deux personnages et de leur siècle. L’image qui en ressort est plus contrastée que celle présentée jusqu’à aujourd’hui. Mari et femme vivent côte à côte mais à la lecture des écrits d’Isabelle, on saisit que l’amour n’est plus présent. Dès lors, comment continuer à vivre ensemble sans s’aimer ? Comment trouver l’énergie pour créer, lorsque les difficultés financières, les disputes et une forme d’indifférence envahissent le quotidien ?

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782889303779
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0120€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2021
Case postale 5
2002 Neuchâtel 2
Suisse
 
 
 
www.alphil.ch
 
Alphil Diffusion
commande@alphil.ch
 
 
© Mémoires d’Ici
Centre de recherche et de documentation du Jura bernois
Rue du Midi 6
2610 Saint-Imier
Suisse
 
 
ISBN papier 978-2-88930-375-5
ISBN epub 978-2-88930-377-9
 
 
Les Éditions Alphil bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2021-2024.
 
Publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique.
 
Image de couverture : © Nusbaumer-graphistes, Delémont
www.nusbaumer.ch
 
Illustrations en page 10 :
– buste de Charles-Ferdinand Morel (Corgémont, 2018 © Wikimedia Commons) ;
– portrait d’Isabelle Morel-de Gélieu (huile sur toile, 65 x 50 cm, vers 1860 © Musée jurassien d’art et d’histoire à Delémont, photographe Pierre Montavon).
 
Responsable d’édition : Marie Manzoni


Sigles des Archives et Institutions
AAEB
:
Archives de l’ancien Évêché de Bâle (Porrentruy)
AEB
:
Archives de l’État de Berne (Staatsarchiv Bern)
AEN
:
Archives de l’État de Neuchâtel
ArCJ
:
Archives cantonales jurassiennes (Porrentruy)
BPUN
:
Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel
MDI
:
Mémoires d’Ici, Centre de recherche et de documentation du Jura bernois (Saint-Imier)
Les sources sur lesquelles sont basées les études réunies dans cet ouvrage proviennent principalement du fonds déposé par la commune de Corgémont au Centre de recherche et de documentation du Jura bernois. Ce Fonds Doyen Morel (Commune de Corgémont) est désigné ici par la formule Fonds Morel. Les auteurs remercient Madame Anne Beuchat-Bessire pour son aide dans la mise à disposition des documents.


Laurent T ISSOT
Charles-Ferdinand Morel et Isabelle Morel née de Gélieu : un couple entre ombres et lumières
«  Là où il y a de la lumière, il y a nécessairement de l’ombre, là où il y a de l’ ombre, il y a nécessairement de la lumière. Sans lumière il n’y a pas d’ombre, et, sans ombre, pas de lumière. Carl G. Jung a expliqué ces choses- là dans un de ses livres.  »
Haruki M URAKAMI
Même sous le soleil, le buste érigé en 1865 à Corgémont en l’honneur de Charles-Ferdinand Morel, dit le Doyen Morel, n’est pas à proprement parler flatteur. Le visage est grave, sévère, dur. Le sculpteur, Raphaël Christen, n’a pas voulu en donner une autre image. Le regard perçant et le menton relevé renforcent l’idée que l’homme n’aimait guère les contradictions ; les rouflaquettes sculptées comme des lances accentuent le sentiment que les plaisanteries n’étaient pas son fort. On lui préfère infiniment le portrait, réalisé vers 1815 par un peintre anonyme, de son épouse Isabelle, née de Gélieu, au regard plein de douceur, nostalgique, mélancolique, interrogateur, expression d’une vie dont, à l’âge de 36 ans, les attentes semblent déjà s’estomper sous le coup des contraintes quotidiennes et peut-être de l’ingratitude de l’existence. Aucun buste ne lui a été édifié, son mari gardant le rôle prééminent que son rang imposait et que la place de la femme n’osait remettre en question. La hiérarchie des genres se lit dans celle des représentations, lui s’imposant avec force et puissance dans l’espace public, elle confinée sur le mur d’une collection privée à l’abri des regards.


En mettant côte à côte ces deux représentations, nous avons en résumé toute l’histoire des relations hommes-femmes, histoire maintenant connue d’une triste réalité, mais d’une inexcusable injustice. Mais au-delà de cette visibilité masculine et de son corollaire, l’effacement féminin, de nouvelles études peuvent compléter ce que nous disent des images ancrées dans des contextes qui en ont figé les déterminations. Charles Morel, le stéréotype du pasteur intransigeant, du notable ingénieux et déterminé, du philanthrope désintéressé ? Isabelle Morel, celui de l’être féminin porté vers l’amour des lettres, gérant sa demeure avec efficacité et soucieuse de l’éducation de ses enfants ? L’histoire ne s’est pas arrêtée à ces incarnations et les contributions rassemblées dans cet ouvrage montrent comment et pourquoi. Sous l’intransigeance froide du mari et la fragilité tortueuse de l’épouse se cachent des aspects bien plus lointains de ce que nous a livré jusqu’à aujourd’hui l’historiographie.
C’est dans ce face-à-face renouvelé que le rôle de l’historien et de l’historienne trouve sa justification. Bien plus, l’exploitation du Fonds Morel à Saint-Imier livre des faits nouveaux sur la façon dont la période, appelée Sattelzeit  – temps-charnière par Reinhart Koselleck, peut être exemplifiée. Ce « temps charnière » représenté par le tournant des années 1800 s’identifie par l’étroite imbrication des «  concepts d’espace et de temps, créant entre les deux une dynamique interactive génératrice de nouvelles perspectives  » 1 . Rappelons qu’à côté du temps naturel et du temps biologique, Koselleck distingue un temps historique qui se compose de «  nombreuses temporalités, qui se recouvrent les unes les autres  », esquissant ainsi le concept de strates du temps, «  Zeitschichten  » 2  : «  car le temps historique – si cette notion doit avoir un sens – est lié à des ensembles d’actions sociales et politiques, à des êtres humains concrets , agissants et souffrants, aux organisations et institutions qui en dépendent . Tous adoptent des modes d’exécution précis, inhérents à eux seuls, avec chaque fois un rythme temporel qui leur est propre.  » 3
Les existences de Charles-Ferdinand Morel et de son épouse Isabelle s’inscrivent parfaitement dans les intuitions de l’historien allemand. En dégager les contours requiert de pouvoir compter sur des sources d’archives que le Fonds Morel est certainement en mesure d’offrir. Correspondances, ébauches de textes littéraires, politiques ou économiques, essais, journaux intimes, bref tout ce dont le chercheur ou la chercheuse espère pouvoir disposer en matière de traces d’existence s’y trouve. Il faut savourer ces moments de grande joie qui donnent l’impression que la recherche historique peut aller très loin dans l’exploration des sentiments, des émotions, des stratégies, des intimités. Les assemblages que ces sources permettent d’opérer et les recoupements rendus ainsi possibles restent d’une très grande richesse, car ils nous font voir des vies humaines trop souvent ramenées à des linéarités qui ne dévient pas d’un pouce tant du côté du mari affairé que de l’épouse silencieuse. Mais il faut raison garder, ces sources même considérées comme plus intimes et personnelles peuvent cacher leur lot de ruses, de non-dits, de biais, d’esquives.
Elles ouvrent cependant la voie à décoder ce qu’ont représenté les moments qui ont marqué ces existences. Ainsi, temps de la jeunesse et de l’apprentissage, temps du couple, temps sociaux, temps religieux, temps politiques, temps économiques s’enchevêtrent et s’entrechoquent au gré des décisions, des rencontres, des volontés et du temps qui passe. Sans tomber dans un voyeurisme de mauvais aloi, ces sources nous font prendre conscience de ces épaisseurs – de ces «  strates  » pour reprendre l’expression de Koselleck – qui composent ces existences ; des épaisseurs qui rendent compte non seulement des transformations qui s’opèrent sur beaucoup d’aspects, tant publics que privés, dans ces périodes troublées de la fin du  XVIII e  siècle et du début du  XIX e  siècle, mais aussi des entraves qui en freinent l’achèvement ou annihilent même toute conclusion.
Temps de la jeunesse et de l’apprentissage
Comment envisager sa vie avant de la mener ? En étudiant les journaux tenus par Charles-Ferdinand et Isabelle dans leur jeunesse et en les couplant avec les correspondances qu’ils maintiennent avec leurs parents, Sylvie Moret Petrini s’est intéressée à ce que nous disent des traces d’écriture de jeunesse de nos deux personnages. Pratiques largement connues dans les familles privilégiées comme celles des Morel et de Gélieu, la tenue d’un journal personnel et les correspondances avec les parents soulignent les efforts constants des enfants pour être en phase avec les attentes familiales. Mais faire plaisir à papa et à maman n’aboutit pas forcément à rester frileusement sur des chemins qui seraient imposés d’en haut et que l’on ne remettrait pas en question. Les pratiques répondent avant tout aux besoins personnels des futurs époux qui forgent leur propre identité. Sous l’influence de la femme de lettres Isabelle de Charrière, Isabelle de Gélieu identifie un objectif qui est avant tout d’entraîner sa mémoire et son écriture sans laisser de côté des fonctions spirituelles ou morales, alors que Charles-Ferdinand porte une attention soutenue à sa formation personnelle avec les soucis de ne pas gaspiller ses journées à l’inutile et de transmettre ses pratiques aux générations futures. Tenir un journal et correspondre révèlent donc déjà des traits de caractère que l’on pourrait distinguer selon le genre, l’intériorisation pour elle, la préparation à une carrière pour lui. S’ils recèlent des ambitions, délimitent des zones d’action, avivent des attentes, ces écrits n’ont cependant rien de définitif et on ne peut parier sur le fait que l’aveu de sincérité soit total. Qui sait ? Mentir à soi-même ou cacher des actes à des proches

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