Une Française de Fabrication
36 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Une Française de Fabrication , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
36 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Ce livre retrace le parcours d'une jeune fille de 20 ans dans son chemin vers l'intégration. A mi chemin entre l'essai et le témoignage, il s'agit d'un véritable petit manifeste pour la tolérance et permet de comprendre ce qu'est l'immigration et son coût psychologique.

Informations

Publié par
Date de parution 30 juillet 2013
Nombre de lectures 1
EAN13 9782312012711
Langue Français

Extrait

Une française de fabrication
Sophia Hocini
Une française de fabrication











LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Edouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2013 ISBN : 978-2-312-01271-1
J’ai longtemps hésité avant de prendre ma plume afin de vous faire partager mon histoire. Vous comprendrez par la suite pourquoi cette hésitation. Une histoire qui m’a changée à jamais et qui reste ancrée en moi, frappée du sceau de la vie. Mon histoire est très intiment liée à ce phénomène que l’on connaît à la fois très bien (du moins que l’on croit connaître) et qui à la fois nous dépasse totalement. Je veux parler d’immigration. Un mot lourd de sens et surtout de vécu. Les amalgames les plus insensés sont associés à l’immigration. Tantôt responsables des déficits, tantôt responsables des attentats terroristes. Dès que vous ouvrez la bouche, vous êtes lâchement ramenés à vos origines, « ah oui c’est vrai, je ne suis pas une « vraie » française ». Souvent l’on m’a dit, « mais de quoi te plains-tu, si tu n’es pas contente, tu n’as aucune obligation de rester ». Comme si certains avaient bon droit et d’autres pas.
L’immigration.
Tout part d’un déplacement. Comme ça on pourrait croire que c’est anodin. C’est d’ailleurs ce pourquoi aujourd’hui les immigrés sont remis en cause. Pourquoi n’êtes-vous pas restés chez vous ? Vous n’avez qu’à faire un effort pour vous intégrer ! Tout part d’un voyage qui vous bouleverse et vous change à jamais. Dès lors, vous n’êtes plus tout à fait le même. On vous arrache aux bras d’une mère patrie pour vous abandonner à une autre qui ne vous accepte pas toujours. Vous, vous l’aimez de plus en plus, vous vous attachez à elle, mais vous ne lui ressemblez pas tout à fait, elle vous rejette. Un peu. Parfois totalement. Avec ses enfants, c’est pire. Ils vous rient. Ils vous toisent. Eux, ils font partie de la famille depuis des générations. Vous, depuis 12 ans. Depuis seulement 12 ans. On vous le fait remarquer d’ailleurs. 12 ans, ce n’est rien. Puis vous vous surprenez même à renier votre mère naturelle. Vous ne voulez plus rien qui vous rattache à celle-ci, vous voulez que votre nouvelle mère patrie vous aime et vous chérisse comme elle le fait avec les enfants qu’elle a vus naître. Mais vous, ce n’est pas pareil. Vous êtes déjà sevrés. C’est difficile. Très difficile. Alors vous êtes dans l’imitation. Vous essayez de faire pareil. Vous vous habillez pareil, vous essayez d’imiter l’accent, les manies. Longtemps devant le miroir vous jouez à être le parfait français, dans des petits jeux que vous inventez. Pendant des heures vous vous montrez intransigeant. Aucune faute n’est admise. Mais ça sonne faux. Alors, de nouveau, on vous rit. Et vous, en cachette, vous pleurez. Votre mère naturelle ne veut plus de vous car vous l’avez laissée tomber, votre mère patrie d’adoption n’arrive pas à vous apprivoiser. Et vous êtes seul, profondément seul. Vous avez beau pleurer, crier, faire de grands gestes, sourire de toutes vos dents, faire tous les efforts que vous voulez, personne ne veut plus de vous. Mais enfin, est-ce normal qu’on dise de nous que nous sommes des français de fabrication ? Que nous ne soyons pas acceptés au même titre que « les autres français » ? Je vous le demande, est-ce normal que des milliers et des milliers de personnes se trouvent dans une détresse identitaire ? C’est avec douleur et désespoir que je vous confesse cela. Et je vous le répète, trouvez-vous normal que des gens soient exclus par tout un système qui refuse de les intégrer, qui refuse de voir que désormais ils sont siens. Le fait est que l’immigré doit faire face à un effacement terrible. Il n’est plus tout à fait de son pays d’origine. Après tout, qu’est-ce qui l’y lie ? Une langue. Quelques coutumes. C’est tout. Toutefois, il n’est pas vraiment non plus un français. Il manque, je pense, ce soupçon d’authenticité et c’est ce qu’on vous fait comprendre très clairement. Quoi que vous fassiez, cela sonnera faux. Quoi que vous fassiez, votre nom vous trahira toujours, votre accent vous trahira toujours. Votre teint bronzé même en hiver ainsi que cette chevelure brune et bouclée vous trahiront toujours. Et toujours, vous serez regardé comme celui qui n’a sa carte d’identité française que depuis un an, dix ans ou trente ans. On vous fera toujours la même remarque : « tiens, ça vient pas de chez toi ça ? ». Chez moi, c’est la France. Chez nous, c’est la France ! Mais chez moi c’est également partout dans le monde. Même si au fond de vous, vous y croyez dur comme fer, même si vous avez fait le choix de la nation française, même si votre cœur est désormais coloré de bleu, de blanc et de rouge, on vous renverra toujours à vos origines. Tant qu’on fera la différence entre les « vrais français » et les autres, ce sera la même rengaine. Tant que l’on trompera les gens sur le rôle des frontières, la haine de l’autre ne cessera pas d’être omniprésente. Tant que l’on n’admettra pas que les frontières ne sont que des limites de souveraineté et pas des limites d’identité, il y aura toujours cette souffrance, celle que subit cette « sous-France », celle des immigrés, aux niveaux économique, social et surtout psychologique. Le patriotisme est la cause de tous les problèmes et c’est parce que des gens ont voulu à un moment revendiquer qu’ils avaient telle ou telle « identité nationale » que l’on a connu les catastrophes du début du siècle dernier. C’est parce qu’à un moment des gens ont dit « moi je suis ceci ou je suis cela » en rejetant violemment l’autre que du sang a coulé. Du sang qui pourtant est aussi rouge que le mien, que le tien, que le vôtre. Français, anglais, colombien, algérien, japonais, russe. Non ! Rien de tout cela ! Moi, je ne vois que des humains ! Je ne vois que des femmes et des hommes. L’humanité est le résultat d’un immense métissage à l’échelle de toute notre planète. Si, à un moment, des gens n’avaient pas dépassé les préjugés, n’avaient pas été un tout petit peu plus intelligents, nous ne serions pas là. Or, la vérité est que ces femmes et ces hommes sont simplement au service de tel ou tel pays, ils essaient de le servir le plus fidèlement possible. Enfin, cela n’implique en rien un quelconque péril identitaire. D’une part, parce que l’Histoire de tout pays s’écrit tous les jours et son identité se réinvente également tous les jours et, d’autre part, parce que l’Histoire est et ne peut pas être mise à mal par qui que ce soit comme on a pu l’entendre à propos d’une supposée influence des immigrés sur l’identité française. Bien lamentable, vous me l’accorderez, ou bien, que l’on me prouve le contraire si cela est vrai. Mais moi, je vous montrerai qu’aucune menace communautaire n’est à craindre des immigrés. En tout cas, pas plus que l’incessante évolution que nous connaissons et qui est simplement naturelle. Comme on dit, tout change, tout évolue, seuls les imbéciles ne changent pas. Il ne faut pas craindre le changement. Il ne faut pas craindre ce qui est différent. C’est parce que l’immigré n’a pas peur de changer, n’a pas peur de ce qui est différent, qu’il a volontiers quitté un équilibre pour aller ailleurs, pour s’installer ailleurs et créer un nouvel équilibre ici ou là.
Mais qu’on n’ose pas nous parler de « civilisations qui ne se valent pas », de « préférer celles qui appliquent l’égalité et la démocratie ». Comment peut-on se positionner en donneur de leçons ? La France a-t-elle toujours été un modèle en termes de valeurs républicaines et démocratiques ? Non, je ne le crois pas. Trop de personnes semblent oublier que, pendant des siècles et des siècles, on a asservi 95% d’une population au nom de la royauté, au nom d’une élite dont les poches étaient pleines et qui donc, en raison de leur titre de noblesse, s’accordaient le droit de les opprimer. Plus tard, après maintes expériences politiques, abjectes elles aussi du point de vue des droits des Hommes, on oublie alors qu’il n’y a même pas encore tout à fait 70 ans, on avait connu la pire catastrophe humaine, coûtant la vie à quelques 50 millions d’âmes, ce à cause de leur confession, de leur origine et de leur apparence. Voilà ce à quoi a mené la montée des ligues dans ces années-là, la montée d’une xénophobie et d’une haine de l’autre sans égal. Lorsque, à l’abri des bombes, les Français criaient « vive Pétain » et qu’ils dénonçaient leurs voisins, des gens qu’ils voyaient tous les jours, des Français eux aussi mais qui ont eu le tort d’être juifs. Et comme si cela ne suffisait pas, la France retombe à nouveau dans la folie impérialiste. Comment peut-on dire que « les civilisations ne se valent pas » quand on sait que l’on a encore p

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents