Une voyageuse en Iran
226 pages
Français

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Description

« Dans la rue, ma robe syrienne, le style de mes sandales noires attirent les regards. Lors de mon premier voyage, mes lanières multicolores avaient été pointées du doigt par des adolescentes gloussant de rire, ici l'utilisation du cuir est plutôt rare, l'originalité exclue. De même qu'en Ouzbékistan, les rues sont sillonnées par des chaussures de formes classiques, uniformément noires ou beiges, alors que les devantures de certains quartiers offrent différentes couleurs, à défaut d'autres modèles. Dans un ciel qui vire à l'indigo, apparaît la croix d'une chapelle. Je cherche l'immeuble qui en dissimule l'entrée ou un passage, mais on se retourne sur moi, demain peut-être... » Téhéran, Mashhad, Tûs, Yazd, Meybôd, Ispahan... L'appel de l'ailleurs était trop tentant : l'été 2005, Lorraine Pobel s'envole seule pour la troisième fois pour l'Iran. Son témoignage ne se veut ni politique ni religieux, mais la chronique d'une découverte, une approche plurielle, comme en occasionne tout séjour dans une société donnée. Coutumes, architecture, arts, vie quotidienne... c'est une part de la culture iranienne que ce carnet de voyage nous invite à découvrir, au-delà des idées reçues.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 mai 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342037753
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Lorraine Pobel
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Une voyageuse en Iran
 
3 500 km à travers le pays
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Société des Écrivains

 
 
 
 
Remerciements
 
 
 
À la famille qui m’a accueillie à Téhéran
 
À mes amis et professeurs pour leur relecture.
 
 
 
 
Avant-propos
 
 
 
Même s’il s’appuie parfois sur des références précises, mon propos ne se veut ni politique ni religieux mais la chronique d’une découverte, une approche plurielle, comme en occasionne tout séjour dans une société donnée.
 
La translittération comporte des approximations dont voudront bien m’excuser les persophones et arabophones.
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
Voyage immobile
 
 
 
Je voyage seule depuis longtemps, j’ai toujours aimé les frontières. Ouvertes.
L’Iran pourquoi ?
On me demande parfois sans aménité : « Qu’est-ce que tu vas faire là-bas » ? Je vais visiter « mes grands-parents ». Aucune formulation plus adéquate, quoique très réductrice, ne me vient à l’esprit. Dans un premier temps, « curiosité » était le maître mot.
Deux fois déjà, celle-ci m’a entraînée dans cet état théocratique chiite 1 , polymorphe au plan géographique, ethnique, linguistique et religieux. La langue étant dépositaire de l’âme d’un peuple, le français et mon anglais utilitaire ne me seront d’aucun secours pour tenter d’appréhender l’âme iranienne. Certaines interrogations resteront pendantes bien qu’au fil des expériences, questions et réponses « se déplacent » mais n’est-ce pas le propre et l’intérêt de tout voyage ?
 
26 juin. « Je ne suis pas encore partie et je suis déjà là-bas », les images, les anecdotes, les sons, affluent en ma mémoire.
 
28 juin. J’ai emprunté une K7 à la bibliothèque : Dotâr et chants : « Tradition barde du Khôrâsân », accord entre les cordes vocales et les deux cordes : do târ, un renvoi à l’essentiel, à l’économie de moyens, la voix humaine accompagnée de celle un peu aiguë de l’instrument qui précède la voix et la soutient. Dans la musique moderne les deux se lieraient d’avantage.
 
30 juin. « Je suis déjà là-bas ». Quarante-sept millions d’inscrits ont élu le président Ahmadinejad avec plus de 61 % des voix, dont environ la moitié de femmes.
« Je suis déjà là-bas », immergée dans la chaleur de l’été, dans le bouillonnement des passions, dans l’épaisseur du silence.
 
1 er   juillet. « Je suis déjà là-bas ». 37 °C. Je sors, court vêtue et tête nue, un confort, une liberté bientôt interdits. L’occasion se présente d’acheter des gâteaux, pourquoi pas dans une boutique iranienne ? Le commerçant m’offre une figue et une très grosse pistache, une variété locale, source de l’une des plus importantes fortunes, celle de l’ex-président Rafsandjani (1989/97).
Le boutiquier et moi bavardons un peu, il me donne l’adresse approximative d’un « bon » centre soufi traditionnel, où se trouverait un Français. Le commerçant me conseille d’aller ensuite à Boukhara et à Samarcande. Ma surprise ne le déstabilise pas, puisqu’il répond sans sourciller : « Je parle de la grande Perse ». Pour ce trentenaire, le temps et l’histoire 2 n’existent pas !
Le Journal du soir annonce : « le nouveau gouvernement iranien a fait brûler sur une place, la drogue saisie », on passe sous silence les peines encourues par les trafiquants, que je sache, la mort.
 
2 juillet. Des collègues me questionnent « Vous n’avez pas peur de partir là-bas » ? Si la peur, l’une des gardiennes de la vie, lâchait ses chiens, je bouclerais mes bagages pour une destination potentiellement moins dangereuse, le récent attentat en Angleterre n’a-t-il pas causé cinquante victimes ? Je demande parfois, avec un brin de fausse naïveté : « Peur de quoi » ? Mes interlocuteurs me considèrent alors en silence, n’osant dire ce qui doit effleurer l’esprit, « folle » ou « aventurière ». Ce préjugé me fait sourire, je cède à mes désirs, nourris mes centres d’intérêts, dans certaines limites.
Si le Ministère déconseillait formellement le voyage, je m’abstiendrais.
 
6 juillet. Un article du Nouvel Observateur traite de « L’argent pâle » en Iran. Le nouveau président Ahmadinejad, considéré comme « messianique » par certains, avait établi sa campagne sur la réduction de la fracture sociale et l’opacité des finances des Organismes caritatifs, l’aumône 3 étant le troisième des piliers de l’islam, des sommes énormes circulent.
Bien évidemment l’embargo occidental, depuis 1980, ne constitue pas la seule entrave à la croissance économique, mais il entretient et aggrave fraudes et corruption, participe au maintien des inégalités. Je ne sais plus quel homme politique vivant a écrit, en substance : « que ce type de mesure serait un jour considéré comme un crime contre l’humanité ».
 
7 juillet. Je ne suis pas encore partie et « je suis déjà là-bas ». Les recommandations comme « fais attention à toi » deviennent une douce petite musique. Rôdée aux exigences du sunnisme et du chiisme, je n’enfreins pas sciemment les règles, mais potentiellement une erreur, un quiproquo restent toujours possibles, ma présence être ressentie comme provocante à la suite d’incidents indépendants de ma personne.
Les Iraniens accueillent plutôt bien les Français, alors mektûb, « c’est écrit » comment le dit-on en persan ? Ou inhsâ Allah, expression qui ne signifie en aucun cas qu’il faille s’abstenir d’agir, mais que Dieu selon Sa volonté, accordera ou non ce que Sa créature sollicite.
 
9 juillet. Mieux vaut prévoir une trousse de médicaments, même si aucune maladie particulière n’est à redouter. Dans une pharmacie de Yazd, j’avais acheté une plaquette de six cachets d’aspirine, non effervescents, mais surtout sans boîte ni notice ni date de péremption.
 
10 juillet. L’horreur peut m’attendre au coin de la rue ? Des pendaisons publiques ont eu lieu à Téhéran. En 2004, cent cinquante-neuf corps, (moins qu’en 2003) se sont balancés au crochet d’une grue, à l’aube. La lapidation 4 peut remplacer la pendaison, pour « celles qui forniquent », or la sourate 4,15 prévoit de punir « d’assignation à résidence » en attendant un autre ordre, s 24,2 cent coups de fouet… Il est douloureux de savoir qu’une exégèse moderne, globale des Textes 5 et châtiments demeure aléatoire et non essentielle. Certains juristes, théologiens, penseurs, mettent en lumière une autre approche de l’islam, des voix réformatrices s’élèvent depuis des siècles, non seulement en Iran mais dans tous les pays musulmans.
Pour tout autre chose l’irrévérencieux Omar Khayyâm, à la vie dissolue interrogeait Allah :
 
Si parce que je fais mal, Tu me punis par le mal
Quelle est donc la différence entre Toi et moi,
dis ?
 
11 juillet. Sur les berges de la Seine, dans la douceur du matin, s’embrassent « les amoureux des bancs publics » comme chantait Georges Brassens, leur attitude évoque le baiser photographié par Doisneau. L’éloquence joyeuse du geste créant l’empathie pour ceux qui « se foutent pas mal du regard oblique des passants honnêtes », au nom d’une certaine conception de la pudeur, je n’aurai plus l’opportunité de la ressentir.
Je vais dans un monde autre.
 
Je m’offre un dernier café dans un bistrot. Une part de ma préparation au voyage consiste à en limiter la consommation une semaine avant l’envol afin de moins pâtir du manque de caféine.
 
Une petite joie secrète m’habite.
J’adore prendre l’avion et celui-ci va se poser à Téhéran.
 
 
 
 
Téhéran
 
 
 
Les voyageurs d’Iran Air se pressent au contrôle des passeports. Vêtue de blanc, teint lumineux visage peu maquillé, je la remarque. À Téhéran, pour la première fois « ambassadrice » de beauté pendant deux jours, elle va représenter une Société française de crèmes de soins corporels ; la demande est forte, précise Agnès. Pour les hommes aussi ? Oui, pour les hommes aussi !
 
À bord, le tchador bleu nuit brodé or avec visière des hôtesses, place le touriste dans l’austère singularité Iranienne. Les passagères gardent leur voile 6 ou leur foulard seulement obligatoire à l’arrivée. Ma chevelure libre, mon tee-shirt rose se remarquent. Nous restons au sol une demi-heure, le « miracle » se produit enfin, accélération, puis l’envol, plus près des étoiles. Suspendues.
Mon voisin de siège lit avec application un journal iranien, tout échange paraît compromis. Pendant mon séjour, je devrais me contenter de deux Quotidiens, du Canard Enchaîné et d’un roman « Les Jardins de Lumière » d’Amin Maalouf, je dois donc choisir avec pertinence les occasions de bouquiner. J’ai sorti le Canard de mon sac, mais en ce moment s’offre le spectacle des nuages, des cirrus blancs, plumes légères. J’essaie d’ouvrir ma ceinture de sécurité, quand, sans un mot, l’inconnu me la retire des mains avant de reprendre sa lecture et moi ma contemplation. Soudain la tablette du siège devant moi s’ouvre, mon voisin intervient aussitôt. Interloquée, plaquée contre mon dossier et attentive à ce que nous ne nous effleurions pas, je le remercie à nouveau. Un certain temps après, je me lève trop vite pour apercevoir la mer, le journal tombe de mes genoux, l’homme me lance un regard désapprobateur qui m’intrigue autant qu’il me fait sourire en mon for intérieur. La tentation de lire les « perles » du Canard étant trop forte, j’ai fini par y céder. Ces petites histoires cocasses provoquent un rire silencieux visiblement consternant pour mon voisin. Qui suis-je aux yeux de cet homme ? Une pauvre femme seule ? Incorrecte ? Inconsciente ? Prise de fou rire, un rire contenu, comme je sais le faire, j’avale mes lèvres, ma gorge vibre, mon ventre se creuse, je viens d’imaginer que ma « nounou » est un agent de sécurité.
Les nuages déployés avec grâce ou dressés tels des icebergs sur un improbable océan, des cumulus superbes pour rêver, écrire ou peindre, me ravissent. Je prends mes premières notes, oublie tout. Des stew

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