Habeas corpus
52 pages
Français

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Habeas corpus , livre ebook

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Description

Nietzsche écrivait : "On est artiste à ce prix : éprouver ce que tout non-artiste nomme forme, comme contenu, comme la chose même. De ce fait, on appartient sans aucun doute à un monde à l'envers : car désormais tout contenu apparaît comme quelque chose de simplement formel, - y compris notre vie" (Volonté de Puissance, § 818). C'est ce qui m'intéressait en écrivant Habeas corpus : non pas l'anecdote et ma vie, mais la forme, une forme de théâtre, implicite, banale, quotidienne, inaperçue et que tout le monde a pratiquée, pratique ou pratiquera à l'occasion d'une visite médicale, par exemple

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2011
Nombre de lectures 56
EAN13 9782296801790
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0374€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Habeas corpus
 
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
ISBN : 978-2-296-54248-8
EAN : 9782296542488
 
Bernard Proust
 
 
 
 
Habeas corpus
 
 
 
 
 
 
 
 
L’Harmattan
 
Théâtres
 
Déjà parus
 
Suzanne FOEZON, Sainte-Suzanne, pavillon 32, 2011.
Genevieve BUONO, Mille et une nuits , 2011.
Jean-Baptiste ARCAN, The Geneva project , 2011.
Jose Pablo FEIMANN, Le crépuscule du Che. D'après Cuestiones con Ernesto Guevara durante la larga noche que precedio a su muerte, 2011.
Alain LEFEVRE, Le Briquet du Roy d'Armes. Théâtre historique , 2011.
Alain LEFEVRE, Les oiseaux méritent-ils l'arbre sur lequel ils se perchent ? Théâtre historique, 2011.
 
L'espace est vide.
Lumière crue, froide (bleu clinique).
Contre-jours. Faces faibles.
Une diagonale matérialisée par un rai de lumière en forme de trapèze, du lointain (à cour) à l'avant-scène (à jardin).
À l'avant-scène, à jardin, une petite table et deux tabourets, sous une douche.
À l'avant-scène, à cour, une paire de bottines sous une douche.
Autre douche au centre.
 
Voix off. Une chaise dans le clair-obscur d'un espace presque nu.
 
L’acteur entre.
Il descend dans la lumière. Il s'arrête au centre face au public. Il se déshabille.
Il a posé soigneusement ses bottines à l'avant-scène, à cour, et ses vêtements sur la chaise.
Il est presque nu.
 
Musique ( Pierre Henry, Variations pour une porte et un soupir) .
Ça siffle là dans ma tête.
Ça siffle en permanence, là, dans les oreilles, entre les oreilles, au fond des oreilles.
C'est strident.
 
Ça siffle quand j'y pense.
 
Là maintenant j'y pense : ça siffle comme un tube de néon, dans une cuisine,
en plus aigu,
en beaucoup plus aigu.
 
Parfois je n'y pense pas.
Souvent je n'y pense pas.
 
La plupart du temps, tout va bien.
 
Mais le silence est insupportable.
Intenable.
Ou plutôt : il n'y a jamais de silence.
 
En ce moment, ça crie dans ma tête.
J'y pense.
 
Ça n'empêche pas la concentration, non,
ça ne m'empêche pas de penser,
de me distraire en
pensant à autre chose.
 
Ça ne m’empêche pas
de fixer autre chose.
 
D'entendre autre chose.
Musique ou parole.
Musique surtout...
On m'a dit : ce sont les séquelles de l'encéphalite.
 
Et de trois ans de nivaquine, avant l'Afrique,
pendant et après.
 
Je n'avais pas le choix.
C'était la malaria ou ça.
Je n'ai pas choisi,
je ne savais pas.
Personne ne m'a rien dit.
 
Les acouphènes, ça ne se soigne pas.
Penser à autre chose... et se taire...
 
Il reste au centre.
 
L'âme ?
Vous voulez dire : l'esprit ?
De quoi parlez-vous ? De quoi parle-t-on quand on parle d'âme ?
De la vie ?
Attendez !
La vie,
la vie se confond avec le corps vivant, non ?
C'est le corps vivant.
Le corps en vie.
La machine vivante...
 
Elle s'arrêtera, la vie.
Un jour.
Et basta.
Voilà tout.
Je n'ai pas peur.
J'ai peur de la vie.
 
De la fin.
L'âme n'est pas une chose, une chose
qui s'échappe du corps,
qui s'échappe du corps
comme un papillon d'un scaphandre...
 
L'esprit ?
Une fonction du corps.
Un produit du corps,
comme la marche.
 
Ça va quand ça va.
 
Un temps.
 
Oui, ça me fait peur.
Peur de ne plus être là avant l'heure...
D'être un mort vivant.
 
Alzheimer, c'est une preuve non ?
 
Il va à jardin.
 
Dans un commissariat comme ça, un jour à Marseille -j'accompagnais une amie qui voulait porter plainte contre son mari, un jaloux qui la battait parce qu'elle était strip-teaseuse -,
un jour à Marseille, un petit homme d'une soixantaine d'années, un prêtre -il portait la croix au revers de sa veste grise ; il avait un col de clergyman -,
un petit homme rasé de frais, perdu, sans papiers, souriant, aimable, ne sachant ni pourquoi, ni où il était, ni qui il était -sans doute venu, dit un policier, pour une réunion d'évêques, où ils ont fini par l'emmener, pour l'identifier -.
 
Un temps.
Un long temps.
 
J'ai peur
de la déchéance.
 
Un temps.
 
La tête ? Non.
 
Psychiquement, tout va bien.
J'ai fait deux thérapies -j'ai aussi fréquenté quelque temps un centre d'alcoologie -, tout ça pour apprendre que je vais bien.
Enfin, que je vais au mieux.
 
J'ai mon angoisse.
Et je sais d'où elle vient.
Je ne parle pas de l'existence, qui est angoissante en elle-même.
Je parle de l'angoisse de mon père, de la mienne, de celle que j'ai longtemps crue mienne, quand Maman est partie en tournée de concerts en Allemagne -elle est pianiste -

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