La Charité mal ordonnée
258 pages
Français

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La Charité mal ordonnée , livre ebook

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Description

« Le monde est une pendule rouillée : il avance, il recule, il se casse, il se brise en aiguilles coagulées de temps. Vous autres, qui voulez vous régler sur l’astre des pendules, vos heures s’entrechoquent, coulées de bave de vos cratères immondes. Bourgeois stupides ! Ce sont vos dents qui claquent de terreur. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 avril 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342004328
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0071€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Charité mal ordonnée
Gérard Ferrière
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
La Charité mal ordonnée
 
 
 
 
Personnages. Par ordre d’entrée en scène
 
 
 
Charles Feuchtwänger
Anne Feuchtwänger
Hélène Feuchtwänger
Henri Merlevede
Madeleine Merlevede
Paul Loubatière
Raymond Dellerue
Claudine Dellerue
Charles Gallez
Richard Feuchtwänger
Anne
Personnel, maître d’hôtel, jeunes gens et jeunes filles
 
La scène est en hiver, dans la bastide des Feuchtwänger.
Nuit de Noël.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Prologue
 
 
 
 
Le rêve
 
 
 
Personnages
Le président : Jean de Malestroit, évêque de Nantes et de Saint-Brieuc.
Assesseur : Jean d’Ansières, évêque du Mans.
Avocats : Guillaume de Montigné, avocat à la Cour séculière. Jean Blanchet, bachelier ès Lois.
Le promoteur : Charles Gallez.
L’accusée : Anne Feuchtwänger.
Premier faux témoin : Richard Feuchtwänger.
Second faux témoin : Charles Feuchtwänger.
La Foule ( voix )
 
Musique : prélude de l’acte I de Lohengrin de Richard Wagner : le rideau se lève sur le tribunal extraordinaire de l’Inquisition, à Nantes, en juillet 1440. Scène derrière un voile de tulle. Au lever du rideau, tous les personnages sont immobiles, figés comme un tableau type La Cène de Léonard de Vinci, autour d’une table en demi-cercle ou en U. Une sorte de brume se lève, portée par la musique : les protagonistes vont s’animer aux tutti de l’orchestration. Un rai de lumière pâle auréole l’accusée.

 
 
le président
Anne, levez-vous ! Nous, Jean de Malestroit, évêque de Nantes et de Saint-Brieuc, président du tribunal extraordinaire de l’Inquisition, nous disons que vous êtes accusée des crimes d’hérésie, blasphème, inceste, sacrilège, fornication avec les démons, relapse et violation des immunités de l’Église ( un temps ) . Acta est fabula , dixit Auguste.
Qu’avez-vous à répondre pour votre défense ( long silence ). Vous ne répondez rien ? ( sentencieux ) Toute parole est présence : les absentes ont toujours tort et vous l’êtes, par votre silence ( un temps ). Vous êtes donc coupable ( désignant l’assemblée ) : l’accusée est coupable.
Un temps.
l’accusée
Suis-je belle ?
le président
Tu as les yeux d’Isolde.
l’accusée
Enfin Isolde vint et le soleil illumina la forêt… Et si je suis Isolde et si mes yeux vous sont une hérésie, un blasphème et sans doute une insulte, alors c’est la vérité vraie : je suis coupable…
P. 1
le promoteur , rêveur
Enfin, Isolde vint et le soleil illumina ma forêt… ( un temps ). ( À l’accusée ) Renonce, Anne, renonce : tout mérite de périr et la perfection que tu portes et la perfection qui te porte.
le président
Silence, vous n’avez pas la parole !
le promoteur
Tu as les yeux d’Isolde, Anne. Renonce, Anne, renonce, tu ne peux pas t’éteindre !
le président , furieux
Des mots, des mots, des mots : cette femme est une plaie profonde… ( un temps ) . ( À l’accusée ) Eh bien ! qu’avez-vous à nous répondre ?
l’accusée
Je n’ai personne à convaincre. Je ne saurais parler au-delà de mon savoir. Je suis étrangère à l’ignorance, mais je n’en sais pas davantage.
le promoteur
C’est moi seul qui connais !
le président , ironique
Vous ? promoteur et ministère Public à la fois ? Savez-vous, dans un mensonge unique souder toutes les corruptions ? Et si du chaos, entre le mensonge et la vérité, éclatait une lumière soudain ; de quel sexe serait-elle ?
le promoteur
La mort : la lumière fossile, les rides du temps imaginaire, le dernier cri du quant-à-soi, le miroir des simples âmes anéanties.
le président
Tout cela est humain. ( À part ) Divide ut regnes , dixit Nicolas Machiavel, le Prince. ( À voix haute) Qu’en pensent les avocats ?
assesseur
Les avocats reposent, Monseigneur.
le président , furieux
C’est une insulte au tribunal ! Ces juristes affadis et pédants ne rêvent que d’éclipses.
le promoteur , avec sérénité
Paix, mes seigneurs. ( Très bas ) Une neige pure, la force noire, tombe et noie d’une ombre blanche toutes les formes humaines : c ’est l’Inutile. ( Un temps ) Il n’est pas sage d’invoquer l’ Inutile : voilà pourquoi, toute prière est vaine.
le président , à part
Ars lunga, vita brevis , dixit Hippocrate : citation, l’Inquisiteur : Moi. ( Au promoteur ) Vous avez la parole.
le promoteur , à l’accusée
Anne, tu m’as élevé au-dessus de la mort : à travers les fibres de ta chair et les flots de ton sang, je me suis reconnu et j’ai justifié Dieu, notre amour, celui qui n’avait pas de fondement d’être, toi et moi, moi et toi, nous ensemble, le lui avons donné. Oui, là où nous étions ensemble, il y avait une âme entière… une âme entière, structure fragile et transparente, temple d’éternité. ( Un temps ) Anne, hélas ! C’est moi qui t’avais accusée ( en crescendo ), afin d’être ton Dieu, ton pain : le pain est le dieu de tout homme affamé ! Brise-moi dans tes mains fragiles, mâche-moi, digère-moi ! Afin que je devienne la chair de ta chair et le sang de ton sang, toi dont la perfection se joue de ma perfection, toi dont l’amour se joue de mon amour ( exalté ). Ne faut-il pas détruite l’Inaccessible ? ( La désignant au Tribunal. ) Voici le soleil qui plombe la flamme de ma bougie. Qu’il paraisse et je ne suis qu’une ombre !
l’accusée
Prends garde, la nuit fait suite au jour : protège la lumière.
le promoteur
Je la protège si je l’éteins. Quand la bougie est éteinte…
P. 2
le président
« Toutes les femmes sont belles », dixit Plutarque, Préceptes conjugaux .
l’accusée
Je peuple ce que je veux et d’un néant jaillit soudain de je ne sais quelle étoile, j’incruste une larme de sang sur le sourire de Dieu !
le promoteur , amer
Anne, chacune de tes paroles, chacune de tes vertus, chacune de tes splendeurs sont pour l’oiseau blême de toi-même.
l’accusée
Je connais bien le cygne qui devient une femme.
le promoteur , fougueux
Tu es la femme devenue le cygne de mon signe : ne nous dépouille pas de ton parfait orgueil : Toi, toi, toi, toi tout entière, ombre et lumière, actrice et spectatrice de toi-même…
le président , furieux
Mais qui accuse ici ? Et qui défend ? Ce jeu est exaspérant.
le promoteur
Je veux révéler la part de mystère, l’autre part est néant. Je veux dire : elle est mienne. ( À Anne ) Si tu nous livres ta moisson de soleil, quelle fleur produit l’ombre ?
l’accusée
La mort.
le promoteur
Si tu nous cèdes le fruit de l’ombre, que mûrit ton soleil ?
l’accusée
La mort.
le promoteur
Je le savais ! Ô grande nuit, souffrance oblique qui efface nos avenirs, mort souveraine, défaite de l’amour, veux-tu, ma sœur et ma bénédiction, veux-tu me prendre par la main ? Anne, Anne, Anne ! Voilà pourquoi : c’était donc toi la mort que j’attendais ! Comme tu l’as rajeunie, cette chaste édentée aux parfums délétères ! Jeune femme, illustre de beauté, belle, belle au-delà de tout, belle aux cheveux d’or et yeux d’Isolde, qui flotte et désespère, qui séduit et qui blesse… ( Un temps ) Anne ! voilà pourquoi je t’ai mandée et accusée au Tribunal de ceux qui s’acharnent vivants : je veux qu’ils te désirent sans t’atteindre jamais. Tu serais à moi, à moi seul, afin de me conclure ( violent ). Et je maudis les métaphysiques, les arts, sciences, musiques, les guerres et les paix, les fleuves et les saisons, tous les gestes humains, tout ce qui vit, tout ce qui rêve, tout ce qui pense, tout ce qui veut.
Je maudis l’espérance, la beauté et l’amour et la gloire et le silence afin de te vouloir, toi seule, impénétrable, inviolable et inhumaine.
la foule , comme un écho
Te vouloir, toi seule, impénétrable, inviolable et inhumaine.
le promoteur , au président
Monseigneur, que connaissez-vous de cette vérité ?
le président , avec impatience
Mais qui donc est ministère Public ! Mais où donc est la défense ? Ceci est intolérable. ( Montrant Anne. ) Cette femme est coupable. Je le sais, vous le savez, le Tribunal le sait, les avocats le savent. ( Impérieux ) Réveillez les avocats ! Qu’ils proclament la gloire de la justice.
Anne
La justice des hommes, ou la justice de Dieu ? Ou bien…
On secoue les avocats. Long silence .
le promoteur
Tout ce qu’ils diront est à côté de nous.
Montingé , s’étirant
Ô lassitude ! dans l’espace et dans le temps, je dialoguais avec la sphère et voici que la tempête humaine disloque votre peuple et votre peuple implore et votre peuple secoue les juristes assoupis dans la barque du temps : maîtres, maîtres, nous sombrons, nous sombrons, sauvez-nous !
( Un temps ) Et je me dresse et je mesure votre tourmente. Je dis : éléments, apaisez-vous, vent, fais silence, grêle, taris-toi ! ( Un temps ) De quoi s’agit-t-il, Monseigneur Jean, évêque de Nantes et de Saint-Brieuc ?
le président , désignant Anne
Cette femme…
Montigné
Est coupable.
P. 3
Blanchet , à Montigné
Souffrez, Messire Guillaume, que je m’efface afin que brille, solitaire, le soleil surhumain de votre art oratoire.
Montigné
Je souffre. ( Blanchet se rendort… Montigné le considère avec dédain. ) Bienheureux les pauvres en esprit, car ils auront le sommeil facile et réparateur. (À l’assemblée ) Que puis-je pour vous servir, mes Seigneurs ?
le président
Trancher la question !
Montigné
O lassitude ! Tranche-t-on la question comme le col d’un manant ? Il faut des preuves, Monseigneur ( silence ) . Personne ne produit de preuves ? Alors, rien n’est prouvé : la question ne peut être tranchée et tout est remis en question.
le promoteur
Messire Guillaume, que la farce soi

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