La Dernière chance
280 pages
Français

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La Dernière chance , livre ebook

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Description

« Monique est une petite merveille de créature. Il est impossible que je ne retrouve pas la petite merveille qu'elle est... Infects soient les médicaments psy qui dénaturent une créature... Il est temps que je parte pour Morlaix. Que j'arrive aux Glycines en avance, plutôt qu'en retard. Elle m'attend. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 septembre 2013
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342011555
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0071€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Dernière chance
Yves Demay
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
La Dernière chance
 
 
 
 
Personnages
 
 
 
Les trois personnages ont une soixantaine d’années.
- Monique
- Yves
- Alfred
 
 
 
Acte I, Tableau 1.
 
 
 
Studio en désordre. Nuit, puis matin.
Monique et Yves.
Yves
C’était ici son lieu, à la pauvre Nénée, née dans les Pyrénées. Combien de décennies elle a vécu ici ? Cet enclos vaut son prix à deux pas des Champs-Élysées. Alfred et moi, on se partagera l’héritage. Alfred qui a toujours été aux bons soins de Nénée. La maison de retraite lui aura été épargnée, grâce à Alfred. Je reconnais cela à Alfred, à sa décharge.
Monique
Ta mère m’a été plus proche que ma mère. Toutes deux sont réunies, désormais. Paulette est enterrée depuis douze ans. Nénée enterrée depuis une semaine. Elle m’a été plus qu’une belle-mère. Dans mon souvenir, elle est à jamais quelqu’un pour moi.
Yves
Elle dormait là dans son lit médical. Elle se levait jusqu’au fauteuil. On ne prend plus de place quand on est Nénée.
Monique
Elle est décédée discrètement.
Yves
À l’insu de tout le monde, sans attirer l’attention… On ouvre la fenêtre, non ?
Monique
Si tu veux. J’ai fini d’emballer ses habits dans les deux valises. ( Elle ouvre le placard .) Tu vois, Nénée, ton placard est vide. Mon placard à Brignogan sera rempli par tes habits. Je les ferai retailler et tes étoffes me draperont. Elle avait conservé ses bijoux. Je ne veux rien perdre de Nénée.
Yves
L’autre jour, avant sa mort, je marchais sur la plage. Cette plage qui donne sur la statue de Marie.
Monique
Je vois.
Yves
En marchant, j’ai pensé à deux alexandrins :
« Une mère qui meurt est son immensité
Qui disparaît d’un coup dans une éternité. »
Monique
Ô mon poète !
Yves
La mer était haute, et le corps de Nénée était empli de vie. Je me disais que la vie qui l’emplissait allait bientôt se dissoudre dans l’éternité. Les savants nous rabâchent que les atomes de notre corps sont les mêmes que les atomes des étoiles et des galaxies. J’ai du mal à le croire. Les atomes qui composaient le corps de Nénée se sont éteints à ses quatre-vingt-onze ans. Ils n’ont pas vécu des milliards d’années comme le font les atomes qui composent les galaxies. Les atomes des corps mortels diffèrent de ceux de l’Univers… Ils diffèrent en quoi ? Cette question, je peux me la poser… J’ai peut-être… peut-être une réponse… Enfin, bref… Les habits sont emballés… Les atomes qui composent ses vêtements résisteront longtemps au Temps, plus longtemps que n’ont résisté les atomes de son corps. Ses atomes se sont désactivés à quatre-vingt-onze ans… Que la Vie continue… Tu crois que les gouttes de Laroxyl te feront le même effet que les gouttes de Rivotril ?
Monique
J’obéis à Bur. C’est mon psy. Il m’a prescrit ces gouttes… Je n’ai plus le même sommeil qu’avant.
Yves
Tes nuits étaient si bonnes avec le Rivotril, Monique. Quel dommage que le Rivotril ne soit plus en vente ! C’était un excellent somnifère. Sa suppression peut te causer de grands dommages. Je me méfie de ce Laroxyl.
Monique
Bur sait ce qu’il fait – il me connaît depuis des années. Ça devrait marcher.
Yves
Espérons… Vu l’heure qu’il est, on n’a plus qu’à se coucher.
Monique
Tire les rideaux. La lumière dans la cour me gênerait. On improvise notre nuit de camping avec ces matelas par terre. ( Elle s’allonge. ) Ouf, quelle journée ! Je ne voudrais pas en refaire une pareille.
Yves
Depuis six nuits, depuis l’enterrement, tu dors mal. Ce Laroxyl n’est pas bon. Tu sais ce que te disait le chef psychiatre : « vous, si vous ne dormez pas deux nuits, c’est l’hôpital à coup sûr. » Et tu dors peu d’heures pas nuit, en ce moment.
Monique
Quand on sera revenus chez nous, dans mon cadre, je retrouverai mes assises. Dans mon cadre, j’ai passé haut la main l’opération aux poumons de mon cancer. Mon cancer est éradiqué… Tu as les boules Quies ?
Yves lui tend une boîte.
Tiens.
Monique
À ce jour d’aujourd’hui, je devrais être morte. Je n’en reviens pas. Une ablation de mon lobe de poumon, et me voilà en vie sur un coup de bistouri.
Yves
Le chirurgien à Brest, en te sauvant la vie, a sauvé la mienne par ricochet. Car sans toi, avec qui être, je ne pourrais pas être. Merci, Bouch’, de vivre…
Monique
La chimio fut difficile.
Yves
Cette épreuve, tu l’as passée avec grâce. Je te soulève mon chapeau… Enfonce bien à fond tes boules. On est le week-end et les proprios du dessus vont peut-être venir. Au cas où ils feraient du bruit.
Monique
Nénée devenait sourde. Les bruits ne l’atteignaient pas.
Yves
Donne-moi deux boules aussi. ( Elle lui tend les boules .) On ne sait jamais. Tu dors maintenant ?
Monique
Oh que oui ! Avec le Laroxyl et ma fatigue, j’ai une chance de dormir plus que les autres nuits.
Yves
J’éteins ( Il éteint la lampe. Noir sur la scène. Une lumière filtre à travers le rideau fermé .) À demain.
Monique
Tu es bien sûr de toi… Qui sait si demain existera ? Chut…
Yves
Chut. ( À mi-voix.) C’est l’avantage de vivre en dormant : le temps ne compte plus.
Coup de balancier d’horloge dans le noir , la lumière qui filtre par le rideau s’éclaircit .
( Se mettant debout et à lui-même .) Déjà si tôt !
Monique
Ah, tu es réveillé !
Yves
Toi aussi ? Que ta voix est glauque…
Monique
De toute la nuit, je n’ai pas fermé l’œil… Tu as entendu ?
Yves
Non. Quoi ?
Monique
Au-dessus ! Depuis minuit, ils se parlent. Ils sont rentrés à minuit.
Yves
Ah merde, merde… Ils parlaient fort ?
Monique
Des voix qui riaient et parlaient. Toute… toute la nuit. Et ça parlait au téléphone. Un martyre toute la nuit.
Yves
C’est bien notre veine. Tu n’avais pas tes boules Quies ?
Monique se mettant debout.
Elles ne tiennent pas au fond. Elles ont glissé. ( Presque criant .) Toi, tu n’as rien entendu ? Pas fermé l’œil… J’attendais que tu te réveilles. C’était long, long…
Yves
Ta voix, Monique, ta voix ! Avec cette voix-là, c’est l’HP au bout ! Ta voix a toujours été l’indicateur de ton état d’esprit, et elle n’a plus la forme du ton humain. Ah ! là, là !
Monique
Toute la nuit, crispée. Toi, je t’entendais dormir.
Yves
Que tu as été en souffrance durant toutes ces heures ! Et dans le noir. ( Il allume la lampe.) La journée va être éprouvante pour toi. J’en pleurerais de penser à ce que ta nuit a dû être dure… On se fait un café ?
Monique
Écoute, je ne pourrais plus dormir ici. On ira à l’hôtel.
Yves
Lequel ? On a assez d’argent.
Monique
L’hôtel où j’allais quand je commençais l’École hôtelière.
Yves
Bien.
Monique
Hôtel Médéric. Demande aux renseignements.
Yves
Tout de suite. Le seul but est que tu dormes la nuit prochaine… Allô, l’Hôtel Médéric, dans le 17 e . Merci. Voilà Bouch’… J’appelle l’Hôtel… Oui, une chambre est-elle libre cette nuit et la semaine prochaine ? Entendu ( Il raccroche .) Cent euros par nuit. Je paierai les 700 euros.
Monique
Tu peux ?
Yves
Je le peux et je le veux… Pas question de revenir ici. Trop risqué.
Monique
On ira en taxi. Avec nos sacs… Il y a aussi que j’ai eu froid toute la nuit… Le chauffage ne marche presque pas.
Yves
Le tout, c’est que tu puisses dormir la nuit prochaine… J’imagine ce que tu as vécu cette nuit.
Noir sur la scène.
 
 
 
Acte I, Tableau 2.
 
 
 
Chambre spacieuse d’hôtel . Sacs sur le sol. Affaires sur le lit.
Monique et Yves.
Yves, seul avec l’éclairage sur son visage.
Que Monique m’inquiète ! Elle, la si fragile !
Il y a sept ans, la folie à la main habile
Lui tordit son cerveau qui perdit la raison.
Puis durant deux années, elle eut pour horizon
Les hauts murs de l’HP et les splendides grilles.
Je crains de tout mon cœur que son esprit vacille
À nouveau. Oh, certes, moi aussi je fus fou,
Jadis ! J’ai plusieurs fois chuté au fond du trou.
Mais, la solidité du fond de ma nature
A fait que sain et sauf, avec mon âme pure,
Je ressors libéré de l’étau de l’enfer,
Qu’on appelle folie ; et sans en être amer.
Monique, se peut-il qu’elle ne soit point guérie
Et qu’à nouveau, hélas, elle tombe en folie ?
J’ai confiance en elle. En elle autant qu’en moi.
Elle qui m’a choisi et qui fut mon seul choix.
Certes, c’est à l’HP que je l’avais connue
Mais sa folie à elle, est-elle révolue ?
Je suis très inquiet. Elle, dont le cerveau
Est aussi délicat que celui d’un oiseau.
Éclairage de la chambre. Un calendrier au mur.
Yves arrache la date du calendrier.
Deuxième jour. Tu n’as dormi que deux ou trois heures cette nuit. Chaque jour, je m’inquiète davantage.
Monique
Je suis restée des heures assise dans le fauteuil. En te regardant dormir, j’avais des idées noires. Tu penses à mes anciennes tentatives de suicide. Ne t’affole pas. J’en suis guérie.
Yves
Ta dernière TS : la Saint-Sylvestre, en 2000. Les pompiers redoutaient que l’eau te passe dans les poumons. Ils t’ont gardée une heure dans le camion de secours, à te soigner. Si tu récidivais, tu risquerais de séquelles irréversibles.
Monique
J’en suis consciente. Tu n’étais pas la cause de mes TS.
Yves
Je n’étais pas la cause de ton envie de vivre, à ces moments-là.
Monique
Dès fois, on aspire à voir l’envers de la vie. Ce que l’inverse réserve est parfois plus tentant que l’endroit qui désole. Je voulais voir avant l’heure ce que l’envers de la vie me réservait.
Yves
On peut être curieux de la mort. Cette curiosité est satisfaite pour chacun… Demain, Bouch’, tu vas chez ta dentiste. On ira ensemble.
Monique
J’espère.
Yves
Ta dentiste est devenue la mienne.

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