Le bruit du monde m est rentré dans l oreille
88 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Le bruit du monde m'est rentré dans l'oreille , livre ebook

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88 pages
Français

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Description

Le collectif Quelques unes d'entre nous s'est constitué après les révoltes d'octobre-novembre 2005 pendant lesquelles le groupe de femmes de la maison des Tilleuls avait été mobilisé aux côtés des habitants. Elles interrogeaient la place des femmes dans la société et les représentations que l'on en donne. Ce texte, fruit des groupes de parole et d'écriture s'inscrit dans un travail de fond pour se réapproprier la parole.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2008
Nombre de lectures 240
EAN13 9782336280950
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2008
5-7, rue de l’Ecoit polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairicharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296055698
EAN : 9782296055698
Le bruit du monde m'est rentré dans l'oreille

Elsa Solal
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Une aventure formidable Il y a un seul monde Contributions Le bruit du monde m’est rentré dans l’oreille
Les noms peuvent être changés, masqués. C’est un texte écrit à partir de ma rencontre avec les femmes de Blanc-Mesnil, de la maison des Tilleuls et de la situation politique en général, traitée de façon humoristique.
Le texte est découpé en séquences (tableaux) avec des moments d’isolement sur une personne. Il fonctionne à partir de l’idée d’un chœur et d’un coryphée, chaume pouvant Prendre la parole. Il peut donc être joué comme un monologue par une comédienne ou par vingt.
E. S.

I. L’Assemblée nationale
Khadija. Tout a commencé avec la directrice de la maison des Tilleuls, autour d’un thé. Et puis il y a eu Marina et la photographe Joss, et les femmes de là-bas en Afghanistan, puis il y a eu l’expo, le plus beau jour de ma vie. Et puis voilà, c’était parti, certaines d’entre nous n’avaient jamais mis le nez dehors, et le voyage continue.
Anissa. Tout le monde est là ?
Le groupe. Oui.
Khadija. Il faut que j’y aille ! Ça, c’est l’écrivain avec qui on travaille, on a fait des groupes de parole, et un atelier. Si, si ! Organisés par nous ! Ah oui ! J’avais oublié ! On vient de Blanc-Mesnil, de Scinc-Saint-Denis, enfin, on vient d’un peu plus loin... Mais ça c’est une autre histoire ! Ou plutôt c’est toute notre histoire ! J’arrive !
Anissa. Shahinez Haddou, Kahina Izem. Elles sont où !?
Le groupe. Sur le pont en face.
Anissa. Vos papiers, tout le monde a ses papiers ?! Le rendez-vous était à dix heures précises... Il est 10 h 45. Aah ! Bon. Tant pis. On y va. Hii c’est pas possible ! Le foulard ! Mon Dieu ! Ils vont jamais nous laisser passer avec le foulard de Aïcha, et de Djamila.
Aïcha. Je quitte pas le foulard. Non, non !
Djamila. Non, non !
Anissa. Pour une fois. Tu pourrais bien.
Aïcha. Non, je te dis, je quitte pas le foulard. C’est mon rapport personnel à Dieu!
Anissa. Mais pour une fois, tu peux pas J’oublier une seconde ton rapport perso ? Le temps de la visite ? Personne te voit, hein...
Charlotte. Je suis sûre que le Seigneur, dans sa grandeur, il comprendra... dans ton rapport perso tu mets : Seigneur toi qui es infini, qu’est-ce qu’un foulard pour toi ? Rien... Toi qui es tout puissant je te porte dans mon cœur mais pas sur ma tête, le temps de la visite de l’Assemblée nationale, hein et je mettrai un cierge à l’église... à la mosquée.
Ekram. On met pas de cierges à la mosquée.
Anissa. Ah non ? Dommage... Eh bien... je ferai une offrande. de... gâteaux.
Ekram. On n’achète pas Dieu avec des sucreries.
Anissa. Je dirai dix Ave Maria...
Aïcha. Non, non, non.
Rim. S’ils laissent pas rentrer Aïcha, et Djamila, on ne fait pas la visite. On est solidaires.
Toutes. Ouais !
Anissa. C’est pas possible ça. Tant pis, on verra bien, on y va. Ah ! voilà Kahina et Shahinez !
Elles arrivent , disent bonjour à tout le monde, longuement... Retrouvailles en arabe, ma hrrbyle, en français.
Anissa. Dépêchez-vous ! L’agent fait l’appel.
Elles entrent une à une et passent sous le portique .
L’agent de surveillance (fait l’appel, il butte sur les noms, y arrive avec peine ). Shahincz Haddou, Aïcha Benhamou, Kahina Izem, George Sand, Rhama Benabdelraman, Djamila Zeitoun, Rim Ramzi, Charlotte Mesplède, Anissa Tepsi, Murielle Gonzalo...
Charlotte. Absente, Murielle, elle est repartie dans son pays, pas de papiers, c’est la fameuse loi sur le regroupement familial que vous nous avez pondue.
L’agent. Khadija Takedoum,
Anissa (le corrige ). « Kha », répète avec moi Mons’ieur l’agent : Kha.
L’agent de surveillance. Ka.
Anissa. « Kha », kha, c’est guttural. Ah, tu peux pas Mons’ieur. Je sais. (Avec un large sourire) Moi je connais ça ! Y‘a des mots qui coincent, comme yaourt. Et, océanographique. Et, occidental, néandertal, et général, généraux, banal... Les mots me manquent parfois. Les mots, c’est comme les formulaires de la Caf, y’en a toujours un qui manque !
L’agent. Ekram. Benjelloun,
Soudain, une sonnerie d ’ alarme se déclenche.
Ekram. Aïe, maman ! J’ai rien fait ! (Elle lève les mains en l ’ air . )
Khadija. Ekram. On a dit : déposer tous les objets métalliques sur le tapis roulant ! Pour contrôler: Ekram ! Pour contrôler ! Oui !
L ‘ agent de surveillance attend, elle dépose un à un , bracelet, collier , bagues... à l’infini.
Ekram. C’est de l’or, et de l’argent et celui-là du toc. (À l ’ agent de surveillance ). C’est les bracelets de maman, je ne les quitte jamais ! Et celui-là c’est... (L’agent, impatient d’en finir, la coupe et lui dit de passer .) C’est bon ? Je peux ? Tu es gentil toi, merci beaucoup. Dieu te le rendra mon fils.
Entre le Secrétaire du groupe du Parti politique X.
Le Secrétaire du groupe du Parti politique. Bienvenue Mesdames à l’Assemblée nationale ! Nous sommes heureux de vous accueillir, Madame la Députée regrette infiniment de ne pouvoir être présente. Elle m’a chargée de vous souhaiter: Bienvenue ! Suivez les flèches, merci. (Il sort.)
Anissa. On reste groupées hein...
Djamila. C’est magique...
Shahinez. C’est la caverne d’Ali Baba et la lampe merveilleuse.
Charlotte ( en montrant la photo encadrée du Président) . Et lui c’est le bon génie.
Kahina ( en passant ). Monsieur le président, les femmes du 93 vous saluent.
Shahinez. Frotte, frotte le cadre. Des fois que le génie, il sorte et apparaisse pour réaliser mes vœux.
Aïcha. Comme c’est beau !
Charlotte. Le silence, la sérénité de ces lieux, calmes, à l’aise...
Khadija. C’est étudié pour se sentir fort comme une montagne.
Djamila. Chut ! Mais qu’est-ce qu’y se passe, c’est quoi ce boucan ?
Khadija. C’est Ekram. Elle a vu les peintures, elle peut plus avancer.
Ekram. Je peux pas regarder! Ils sont tous à moitié nus. Et celui-là le pauvre, ça me choque ! Mon Dieu, je peux pas regarder !
Djamila. C’est Delacroix, Ekram. Delacroix est un grand peintre, très célèbre, qui a fait les peintures en 1833. C’est une allégorie, et ça, la niche, c’est la niche du trône du roi Louis-Philippe.
Ekram. Une niche Comme les chiens !? Pour un roi ?! Eh bien si ça c’est une niche, je me fais chien demain ! Mon Dieu ! J’ai jamais vu ça de ma vie. Toute ma vie j’ai jamais vu ça, je suis née à Thoras, ici depuis 63, toute ma vie passée sans voir l’Assemblée nationale ! Je n’ai rien vu de toute ma vie... Ça me rappelle la guerre, mon village ils l’ont bombardé, détruit, plus rien. Je connais, ils sont venus chercher les hommes en Algérie pour faire la guerre. Ils ont laissé les femmes et les enfants pleurer. Je me rappelle, ça a duré 7 ans, 6 mois et 18 jours, de 54 à 62.
Khadija. 1954 à 1962, oui, je sais.
Aïcha. Regarde le cuir et du velours ! Tu crois qu’on peut s’asseoir ?
Rahma. On va se gêner !
Kahina. Les cuirs de la République...
Rahma. On dit les ors de la République pas les cuirs.
Shahinez. Poser ses fesses sur du cuir et des velours, là où des gens trèèès célèbres ont posé leurs fesses trèèèès prestigieuses, pendant qu’ils prenaient des décisions trèèèès importantes pour le monde ! C’est quelque chose quand même.
George. Quel calme... C’est inquiétant presque, non ?
Aïcha. Quelle paix...
Toutes ensemble. Loinnn du monde...
Shahinez. Et ce silence... Jamais entendu un silence comme ça.
Khadija. C’est pour réfléchir en paix. Prendre des graaandes décisions...
Toutes. Loinnnn du monde.
Aïcha. On pourra dire : on l’a touché !
Kahina . Quoi ?
Aïcha ( comme une gamine ). Les fesses du ministre qui s’est assis là. ( Elles rient ).
Khadija. Je suis quelqu’un aujourd’hui, je suis là, donc je suis, pas rien. Je marche sur du velours. Je suis quelque chose. C’est à moi. Ça m’appartient.
Shahinez. Ici l’allée de gauche, ici l’allée de droite, c’est parce que les députés de droite et de gauche réfléchissent ici, chacun a son côté... en paix.
Toutes. Loiiin du monde.
George. L’or de la République, tout de même c’est quelque chose... Regarde-moi les tables !
Soudain , toutes en chœur: Ooh 

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