THIAM ou Le Voyage
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THIAM ou Le Voyage , livre ebook

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Description

« A Djibélor, en ces temps anciens, l’air était sec comme le pelage d’un chacal et le ciel désespérément bleu. Les villageois avaient sacrifié tous les béliers de leurs troupeaux. Rien n'y faisait, la pluie ne venait pas. Bien sûr, au royaume de Jaarga, qu'on appelle aussi le Fuladou, le pays des Fulas, ce n'est pas comme chez vous où la pluie vous mouille à peine le bout du nez. Là-bas, quand il pleut, le ciel crache des torrents d’eau, le ciel est traversé d'éclairs, le ciel est votre ennemi. Mais sans la pluie le riz pousse à l'envers, les bêtes n'ont plus de lait et les hommes meurent. Raison pour laquelle, depuis des jours et même des mois, les vieux se réunissaient autour du grand fromager qui marque l'entrée du village et ils parlaient, parlaient, parlaient en attendant la pluie... »

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Publié par
Date de parution 15 janvier 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332664778
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright














Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-66475-4

© Edilivre, 2014
Thiam ou le voyage


A Djibélor, en ces temps anciens, l’air était sec comme le pelage d’un chacal et le ciel désespérément bleu. Les villageois avaient sacrifié tous les béliers de leurs troupeaux. Rien n’y faisait, la pluie ne venait pas. Bien sûr, au royaume de Jaarga, qu’on appelle aussi le Fuladou, le pays des Fulas, ce n’est pas comme chez vous où la pluie vous mouille à peine le bout du nez. Là-bas, quand il pleut, le ciel crache des torrents d’eau, le ciel est traversé d’éclairs, le ciel est votre ennemi. Mais sans la pluie le riz pousse à l’envers, les bêtes n’ont plus de lait et les hommes meurent. Raison pour laquelle, depuis des jours et même des mois, les vieux se réunissaient autour du grand fromager qui marque l’entrée du village et ils parlaient, parlaient, parlaient en attendant la pluie…
1
Ce matin là une petite brise venue du fleuve soulevait le voile argenté des filaos. Assis autour de la grande marmite où cuit la bouillie de mil qu’on appelle fonde les enfants de Ndiolofène attendaient que leur mère finisse d’allaiter Noaga, le dernier né. Thiam était assis à côté de Fodé, Aminata avec ses tantes et ses cousines. Comme d’habitude Akissi était en retard. Comme d’habitude Akissi sortait de sa case en se grattant le bas du dos. Aminata regarda Thiam et fit la grimace. Akissi ne se lavait pas, il sentait mauvais mais c’était leur frère et, quelque soit la façon dont il se comportait, elle savait que Thiam lui garderait toujours sa place autour du feu. Aminata les détestait ces maudits garçons à qui personne n’interdisait de sortir après le jour. Qui se pavanaient comme des coqs pendant qu’avec sa mère Dianké Laana, elles ramenaient l’eau du marigot de Niambalang une calebasse en équilibre sur leurs mouchoirs de tête. Ndiolofène, leur père, avait une grande famille. Sa première femme, Jiba, était morte en couche mais sa seconde épouse, Dianké Laana, lui avait donné deux enfants, Aminata et Fodé. De Suwekeli, la plus jeune de ses coépouses, il avait eu trois fils : Thiam d’abord, plus âgé que Fodé d’un an, puis Akissi et Noaga. Pour être franc seul Thiam trouvait grâce aux yeux d’Aminata. Thiam la protégeait des mauvais tours que lui jouaient Fodé et Akissi. Il n’avait pas une carrure de lutteur, il n’était pas aussi fort que Fodé mais son esprit vif ne craignait ni n’épargnait personne. Et puis Thiam était ce que les jeunes filles de Djibélor appellent un « Joli cœur ». Son nez était droit et fin, ses jambes si longues que sa tête semblait se perdre dans les nuages, ses dents si blanches qu’il pouvait se rouler dans la boue avec Fodé, quand il souriait, les crocodiles s’immobilisaient dans la vase et les oiseaux devenaient muets. A sa naissance, comme son père et le père de son père avant lui, Ndiolofène avait convoqué le féticheur dans sa case. Baagumawel avait pris Thiam par les pieds et secoué, secoué, secoué mais Thiam supportait l’épreuve de « l’arbre tombé du ciel » sans se plaindre ni pleurnicher. On pouvait lui mettre la tête à l’envers, ses yeux ne tombaient pas. En vérité ce petit d’homme était aussi solide que le taureau de grand-père Maméo. Assurément, ses troupeaux inonderaient la savane de Kolda à Berekolong. Et si des voleurs s’avisaient de lui voler une de ses bêtes, il ne ferait pas comme Jaarga, il ne les laisserait pas se réfugier à Sankala sans réagir. Sa lance les clouerait au fût d’un baobab avant qu’ils n’aient pu retraverser le fleuve…
Noaga vagit, Noaga rota et s’étira. Aminata était partie avec sa mère dans sa concession. Les garçons, le ventre rond comme une noix de coco, rejoignaient le champ où paissaient les vaches de leur père. Thiam était soucieux. Oncle Demba lui demandait rarement de venir le voir et c’était toujours pour une question importante. Abandonnant Fodé et Akissi à leurs chamailleries, il s’éclipsa. Quand il le vit oncle Demba fit signe à sa femme de les laisser seuls – l’oreille d’une femme n’est-elle pas un ramasse-miettes dont tous les hommes doivent se méfier ? Puis il le fit asseoir et commença :
– Thiam, mon fils – car à Djibélor tous les garçons sont les fils de leur oncle –, tu n’es plus un petit enfant qu’on doit guider dans l’obscurité de peur que les djinns ne l’emportent dans la brousse. Tu as changé de classe d’âge. Ta confrérie maintenant c’est le clan des hommes faits. Le clan des chasseurs et des guerriers.
Posant son piège à poissons sur ses genoux il ajouta :
– Je sais que tes sentiments sont purs et qu’Aminata est digne du plus grand amour. Mais c’est la nièce de Jaarga et pour prendre femme, comme tes ancêtres avant toi, tu dois d’abord faire la preuve de ta loyauté et de ton audace. Montrer que tu es un guerrier qui ne recule devant rien. Montrer que tu es « CELUI QUE RIEN NE LASSE ET QUI DICTE SA LOI AU TROUPEAU. »
Thiam réfléchissait. Il aimait Aminata plus que tout au monde mais les pouvoirs magiques de Jaarga étaient immenses. Quand Jaarga faisait l’offrande d’une jarre de mil au génie de l’arbre et de la pierre, les yars et les silures venaient s’échouer sur les rives du fleuve. Le léopard allongeait l’échine, le serpent lui-même disparaissait dans les fourrés. Jaarga régnait sur le peuple fula comme Gayndé le lion sur ses sujets. Il était féroce, endurant et sans pitié mais il portait une grande affection pour Aminata. Sa mère Dianke Laana, fille d’un prince nyantyo du Patiana et du Badyar, n’avait elle pas été son premier amour ? Ne lui avait il pas juré de trouver le meilleur parti pour sa fille, la très belle Aminata ? Qu’était il, lui, Thiam, pour épouser la nièce d’un si grand personnage ?
– Et que dois je faire ?
– Ramène LE BUFFLE QUI SORT DE L’EAU à Djibélor. Seul Gaari peut nous rendre les pluies de l’hivernage. Si tu réussis, malgré les pièges et les embuches qu’il te faudra affronter, Jaarga ne pourra pas te refuser la main d’Aminata.
Ayant dit Oncle Demba lui tendit une lance à hampe courte et un poignard au manche orné de cornalines. A son épaule gauche il suspendit une corde dont chacun des nœuds le protégeait d’un charme ; à son épaule droite une outre en poils de bouc ; à son cou, un fétiche puissant. Ndiolofène lui avait raconté comment la dent de tigre avait permis à Oncle Demba de repousser des voleurs de bétail. Comment ils étaient remontés sur leurs chevaux pour disparaître dans la brousse sans demander leur reste. Thiam brûlait de remercier son oncle mais la voie du Fula – être attentif et modeste en toute circonstance – lui commandait de ne pas montrer ses sentiments. Il se tut.
– Cette amulette te sera d’un grand secours, reprit Oncle Demba. Vois. J’ai creusé un trou à l’intérieur. Si tu es en danger, siffle et je serai averti que tu cours un grave danger. Mais, si tu le fais et qu’il n’y a de péril que dans ta petite cervelle, sache que les djinns te poursuivront jusqu’à ce que tu tombes dans l’éternité.
Oncle Demba ouvrit une poire à fusil, vida la poudre dans les braises et murmura :
– « Je sais ce que tu veux et quoiqu’il arrive, d’avance, je te l’accorde. Mais si tu viens pour me tuer, Fankaama s’emparera de ton âme et tu erreras à jamais dans le monde des linceuls. »
Oncle Demba hocha gravement la tête.
– L’esprit de Fankaama est satisfait. Avec tes frères Fodé et Akissi vous marcherez sans trêve vers l’ouest, jusqu’à la grande nappe d’eau salée qui barre l’horizon. A la fin de la première semaine et la dernière nuit, tu verras Gaari, LE BUFFLE QUI SORT DE L’EAU , et tu le captureras.
– A quoi le reconnaîtrai je ? demanda Thiam.
– Tu ne peux te tromper. Son poil est noir sur le dos et rouge sur le cou. Sa queue fouette l’air comme la chicotte de ton père quand l’un de ses fils se conduit mal. La bosse sur son dos est ronde, appétissante et douce comme la joue d’une femme. Gaari est unique et ses pouvoirs sont immenses. Si tu réussis à le ramener à Djibélor l’eau du ciel reviendra et le prestige de sa capture couvrira toute ta famille de ses bienfaits pendant des générations.
Le regard d’Oncle Demba s’assombrit.
– Mais, si tu échoues l’esprit de Fankaama se retournera contre nous. La pluie se fera plus rare encore, nos troupeaux ne pourront plus s’abreuver et les uns après les autres la vie nous abandonnera car il y a pas d’espoir pour ceux qui sont nus et affamés. Et toi, mon fils, tu auras perdu Aminata pour toujours.
2
Le soir Thiam décida de prendre conseil auprès de Grand-Mère Kumba. Grand-mère Kumba habitait dans une hutte au toit rond et conique dans le quartier bas de Djibélor. Quand il franchit le seuil de sa concession la vieille triait les grains de riz dans une grande calebasse aux bords ronds et polis par le temps. Des années auparavant, surprise par une panthère alors qu’elle revenait au village, Grand-Mère Kumba n’avait dû son salut qu’à la vigueur de ses jambes et de son bâton ferré. Toute la nuit, elle avait lutté bec et ongles contre les forces mauvaises des «  deme » , ces sorcières qui se transforment en animaux sauvages le jour tombé. Leurs griffes fouettaient le feuillage des sankalamas, leurs rugissements ébranlaient la digue qui protège les rizières du sel que laisse la rivière en débordant. Avec son bâton, long pieu de cailcédrat qu’elle tenait à bout de bras, Kumba frappait à droite, à gauche, devant, derrière, tout en récitant à voix haute les prières de son fétiche. A l’aube, les sorcières finirent par disparaître mais elles lui avaient arraché un œil – aujourd’hui encore sa paupière est un étui qui ne s’ouvre pas. Le lendemain ses voisines découvrirent le cadavre de trois vieilles femmes au pied d’un vieux banian. Comme personne ne savait ni qui elles

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