Tribord et Bâbord
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Tribord et Bâbord , livre ebook

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Description

Extrait : "Sur les bords déserts de la belle rade de Labervrack, située à cinq lieues de Brest, s'élevait encore, il y a trente ans, un vieux château dont on n'aperçoit plus aujourd'hui que les ruines. Le marquis de Plourain, dernier rejeton de la famille qui avait habité ce lieu féodal, forcé par la révolution d'abandonner la France, était venu, après la paix d'Amiens, reprendre possession du domaine de ses pères ; et en réunissant les débris de la fortune..." À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN : Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants : Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin. Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Publié par
Nombre de lectures 19
EAN13 9782335068719
Langue Français

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Extrait

EAN : 9782335068719

 
©Ligaran 2015

Circé-Dall
I
Sur les bords déserts de la belle rade de Labervrack, située à cinq lieues de Brest, s’élevait encore, il y a trente ans, un vieux château dont on n’aperçoit plus aujourd’hui que les ruines. Le marquis de Plourain, dernier rejeton de la famille qui avait habité ce lieu féodal, forcé par la révolution d’abandonner la France, était venu, après la paix d’Amiens, reprendre possession du domaine de ses pères ; et en réunissant les débris de la fortune qu’il avait éparpillée dans l’émigration, le marquis trouva le moyen de racheter les restes du château qu’un décret de la Convention avait, en son absence, converti en bien national. C’étaient, en un mot, des lambeaux d’opulence qui avaient servi, comme on disait dans le pays, à faire rentrer un fantôme de noblesse dans les ruines d’une antique châtellenie.
Plourain s’était marié en Angleterre, à une jeune personne qui après quelques années d’une union heureuse l’avait laissé veuf, en recommandant à sa tendresse deux filles sorties du berceau qu’avait à peine entrevu l’œil mourant de leur mère. Partisan avoué des opinions auxquelles il avait déjà sacrifié sa fortune et sa patrie, le marquis, en consentant à revoir la France, n’avait cédé qu’au désir de faire rentrer un jour ses enfants dans la possession des avantages qu’il n’avait jamais reconnu à la révolution le droit de lui ravir ; et tout en détestant l’usurpation protectrice de Napoléon, il avait, comme tous les autres émigrés, accepté les bienfaits d’une amnistie trop généreuse pour paraître sincère aux ingrats qui en recevaient les fruits, sans vouloir s’en avouer la magnanimité.
Livré presque exclusivement aux idées qu’entretenait la solitude qu’il s’était faite autour de lui, le marquis de Plourain n’avait pas encore songé aux soins qu’eût exigé l’éducation des deux filles qu’il avait vues grandir à ses côtés sans se préoccuper bien sérieusement d’assurer leur avenir. L’abbé Grenier, vieux prêtre émigré, rentré en possession de la cure de Lannilis, petit bourg voisin du château, s’était chargé de donner quelques leçons d’histoire et de grammaire aux deux jeunes sœurs ; et M. de Plourain, en confiant une partie de son autorité paternelle au respectable ecclésiastique qu’il appelait son saint non-assermenté , s’en était remis à la Providence et au hasard du soin de faire un sort et une position à ses demoiselles. Avec un nom comme celui qu’il devait transmettre à ses héritières, il lui semblait qu’une éducation distinguée n’eût ajouté que bien peu de chose à l’éclat qu’elles pourraient jeter dans le monde, si jamais le monde redevenait assez heureux pour les appeler un jour à lui. D’ailleurs, répétait souvent le marquis à ceux qui se hasardaient à lui parler de l’avenir de ses orphelines, la roture aujourd’hui ne s’avise-t-elle pas de faire élever ses enfants dans les pensionnats somptueux qui ont remplacés nos anciens couvents ! Quelle distinction voudriez-vous donc qu’il existât entre ces personnes et les gens comme nous, si nos rejetons recevaient la même éducation que les fils et les filles de nos spoliateurs !
Idalia, l’aînée des deux demoiselles de Plourain, avait atteint sa dix-huitième année. Merry avait à peine quinze ans. L’une était bonne, soumise, d’un caractère rêveur plus que triste, et d’une âme cependant plus douce peut-être que tendre. L’autre vive, enjouée, sensible et plus enfant encore qu’on ne l’est à son âge, offrait dans le piquant ensemble de ses traits et de son caractère, le naturel le plus heureux, paré des grâces les plus ingénues. Élevées loin d’un monde qu’elles ne connaissaient pas, elles étaient belles, toutes deux sans avoir appris à s’enorgueillir de leur beauté. C’étaient enfin, pour me servir d’une des comparaisons favorites du royaliste abbé Grenier, leur instituteur, deux lys éclos au soleil de la Basse-Bretagne.
Un matin que sortant du presbytère, leurs cahiers de leçons et quelques fleurs à la main, Idalia et Merry traversaient le petit bourg de Lannilis pour revenir au château, un jeune étranger, suivi d’un de ses domestiques, s’offrit à leurs regards sur le chemin qu’elles parcouraient tous les jours sans rencontrer sur leur route autre chose que les habitants du voisinage. Au salut respectueux de l’inconnu, Idalia et Merry répondirent en baissant les yeux et en cachant la rougeur de leurs jolis visages sous les petits chapeaux ronds qu’elles portaient à la mode des riches campagnardes du pays.
La toilette élégante et la physionomie relevée de l’inconnu, formaient un contraste trop frappant avec la mise et la tournure des habitants des environs, pour que la rencontre du bel étranger ne fût pas remarquée des filles du marquis.
– Sais-tu, dit Merry en s’adressant à voix basse à sa sœur, dès que l’étranger eut fait une bonne centaine de pas pour poursuivre son chemin, sais-tu, Idalia, quel est ce monsieur qui vient de nous saluer si poliment ?
– Non, répondit Idalia avec un mouvement de curiosité qui ne lui était pas ordinaire.
– Eh bien ! moi je le sais, et je t’apprendrai que c’est…
– Que c’est ?… Achève donc, puisque tu sais si bien tout !
– Que ce monsieur est le comte de Kerzéan, riche propriétaire qui, il y a deux jours, est venu habiter ce manoir que depuis plus de vingt ans personne n’avait occupé.
– Et qui donc t’a si bien instruite ?
– M. L’abbé Grenier, qui l’a dit devant moi à M. de Courtois, sans chercher à en faire mystère, car tu sais assez qu’on ne me laisse entendre que les choses qui peuvent être répétées sans conséquence par les enfants. Mais je suis bien sûre, vois-tu, que déjà M. de Courtois a dit tout le mal possible de ce M. de Kerzéan ?
– Il le connaît donc ?
– Non, mais il doit en avoir entendu parler, et comme il n’épargne personne, pas même les gens qu’il appelle ses amis, j’en conclus, moi, qu’il a dû déjà ne pas épargner plus qu’un autre ce monsieur qu’il n’a jamais vu. D’ailleurs, tu as sans doute remarqué comme moi que le chevalier a pour règle de n’épargner que papa, l’abbé Grenier et toi… et encore…
– Et que peut-il dire de moi ?
– Que tu es charmante d’abord, accomplie même, mais qu’il est à craindre que tu ne te livres trop à ces idées… Comment donc appelle-t-il ces idées ?… Ah ! m’y voici : à ces idées romanesques qui ne conviennent plus qu’aux jeunes personnes de la petite bourgeoisie…
Idalia toute pensive rentra au château avec sa sœur, répétant tout bas le nom de l’étranger qu’elle venait de voir pour la première fois, et en se demandant quel danger pouvaient lui faire courir les idées romanesques que semblait lui reprocher le chevalier.
Ce M. de Courtois, qui avec le bon curé Grenier composaient à peu près la seule société du château, était un homme de trente-cinq à trente-six ans, fort vain, d’un titre assez équivoque, grand parleur, et d’un caractère triste quoique d’un esprit singulièrement porté à la médisance, malgré le peu de ressources que pussent lui fournir, pour alimenter, sa malignité naturelle, la stérilité de son imagination et la vie monotone qu’il partageait avec les simples habitants du pays. Compagnon d’exil du marquis pendant les plus mauvaises années de l’émigration, le chevalier s’était attaché à M. de Plourain avec une apparence de désintéressement à laquelle leurs malheurs communs pouvaient donner les couleurs de l’amitié, mais qui n’était au fond, comme presque tous les attachements humains, que le résultat d’un calcul tout personnel. La perspective des avantages que retrouverait le marquis en revenant en France, à la suite de la prochaine réhabilitation dont se flattaient tous les émigrés, avait séduit le chevalier, jusques dans l’éloignement des évènements possibles ; et à ce prix que ses espérances avaient placé dans un avenir plus ou moins certain, il s’était enchaîné au sort du marquis, faute de mieux y et faute d’oser peut-ê

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