Antihéros
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Antihéros , livre ebook

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Date de parution 07 juin 2022
Nombre de lectures 72
Langue Français

Extrait

Antihéros
 Lorsque cette femme éclata en sanglots pour la énième fois je me suis demandé comment on pouvait raconter une histoire aussi drôle en pleurant autant. Mohamed Alice comme je l’ai surnommé, a frappé son patron avec un classeur et a failli finir en prison. Elle nous raconta comment c’était arrivé et était tout sauf avare en détails. Elle expliqua que toute sa vie elle avait fait ce qu’on lui demandait en se donnant à 200% et ce sans poser de questions. C’était sans doute pour satisfaire ses parents, la société ou encore les attentes qu’on lui avait enseigné que le bon Dieu avait mais ce n’était sûrement pas pour elle car ça ne l’avait jamais rendu heureuse mais elle le faisait. Quand on lui avait dit de trouver un travail elle l’avait fait. Qu’elle l’aime ou non là n’était pas la question, elle le faisait juste. Pareil, lorsqu’un homme qu’elle connaissait à peine l’avait demandé en mariage, sans poser de questions, elle avait accepté. Est-ce qu’ils s’aimaient ? On s’en fout un peu, ils étaient déjà mariés. Voilà comment sans jamais poser de question elle s’était retrouvée mariée à un homme qu’elle n’était pas sûre d’aimer, avec une fille qu’elle ne voyait presque pas et un boulot qui lui bouffait tout son temps et son énergie. Dernièrement, elle avait passé un nombre incalculable de nuits blanches sur un projet importantissime. Elle s’y était entièrement consacrée pendant des mois à tel point qu’elle n’avait pas de temps pour faire des histoires aux sujets de la liaison de son mari. Mais ce dont elle s’en voulait à en mourir c’était de ne pas avoir remarquer que sa petite fille un peu enrobée avait perdu plusieurs kilos avant que celle-ci ne finisse aux urgences. Elle s’en voulait terriblement mais espérait quand même que tous ses sacrifices ne soit pas vain. Alors je pouvais comprendre ses envies de meurtre sur son patron lorsque celui-ci avait rejeté ce fameux projet après l’avoir écouté pendant seulement une minute. Ce jour là, elle s’est effondrée. Elle termina son récit par « Tout ça pour ça !» avant de se remettre à pleurer de plus belle. Un jeune homme dans la salle s’approcha d’elle et lui demanda:
« Tu veux un câlin ? »
Elle hocha timidement la tête pour dire oui et il l’étreignit aussitôt comme s’il attendait ce moment depuis des lustres. Je ne comprenais toujours pas pourquoi elle pleurait autant tout comme je n’avais pas compris qu’on avait défini un ordre de passage jusqu’à ce qu’ils se tournent tous vers l’adolescente assise à côté de Mohamed Alice. Elle devait avoir 16 ans tout au plus et était tellement captivée par son Rubik’s Cube qu’elle mit une éternité avant de prendre la parole. On l’entendait à peine, elle chuchotait presque, comme si elle se parlait à elle-même. Personne n’osa lui dire de parler plus fort. Je l’aurais fait si ça m’intéressait. Quoiqu’il en soit de son monologue j’ai retenu qu’elle avait presque toujours parlé comme ça, toute seule. C’était la suite logique après avoir passé toute sa vie dans une énorme maison avec une belle-mère pour laquelle elle était invisible et un père tout le temps parti. Ce qu’elle avait à dire n’intéressait personne alors elle parlait seule, au moins là elle était sûre que quelqu’un l’écoutait et elle pouvait avoir de vraies discussions sur les sujets qui l’intéressaient: le Cinéma et les Rubik’s Cube. Il arrivait qu’on la surprenne en plein milieu de ces monologues. Elle avait fini par s’habituer aux regards qu’on lui lançait à ces moments là et n’essayait même plus de s’expliquer, ça ne servait à rien. De même, ce jour où sa belle-mère l’avait surprise en train de dire avec un couteau à la main:
« Mais ça serait plus rapide avec un fusil, non ? Ils n’auraient même pas le temps de s’enfuir. Pourquoi un couteau ? »
Elle essaya d’expliquer qu’elle ne faisait que repenser à un film qu’elle avait vu dans lequel un tueur en série poursuivait ses victimes avec un couteau à la main. Mais c’était inutile, sa magnifique famille avait déjà décidé qu’elle était folle à lier. J’avoue que j’aurais moi aussi pris peur, elle dégage un truc de psychopathe, cette petite. A la fin de son récit elle se mit aussi à sangloter.
J’espère vraiment qu’ils ont un budget mouchoir ici. Le jeune homme que j’ai décidé d’appeler Mr Bisounours s’approcha d’elle avant de lui proposer un câlin qu’elle ne refusa pas. Après Jacky l’Eventreuse se fut à lui de prendre la parole. Quand il n’était pas en train de distribuer des câlins, il se balançait en rythme en tapant du pied comme s’il entendait de la musique. Il se mit à nous raconter sa vie, depuis son enfance comme si nous étions dans « Confessions Intimes ». Il nous dit qu’il avait toujours été, avec sa famille, à l’école, dans la rue « le type bizarre » « le barjo » « le dérangé ». Et pour cause, il était aussi naïf qu’un enfant de 3 ans. Quand il avait envie de danser ou de chanter, que se soit chez lui ou dans la rue et même sous la pluie, il le faisait. Il adorait ça et ne s’en privait pas à cause du regard des gens. Et quand il trouvait une chose intéressante, peu importe si c’était un nuage, un ballon, un chiot ou le crâne chauve d’un inconnu baraqué qui pouvait lui casser la gueule, il regardait, attentivement. S’il avait été un enfant ça aurait été mignon mais un jeune homme d’une vingtaine d’années qui vous fixe sans raison avec un énorme sourire, c’est tout sauf mignon. Il poursuivit en nous racontant ce qui semblait avoir été la fois de trop. Il avait aperçu dans un parc une femme en pleures, assise seule sur un banc. Ne savant que faire il l’observa, les yeux humides. Remarquant que personne ne faisait attention à cette femme, il décida de s’approcher d’elle, lentement, pour ne pas lui faire peur. Il lui dit bonjour mais elle ne sembla pas l’avoir entendu. Alors il s’assit à l’autre bout du banc, ses mains posées sur ses genoux, il attendit, longtemps. Lorsque les sanglots eurent cessés, il s’aperçut que la femme le regardait de haut en bas avec les sourcils froncés. Alors ce jeune homme qui, j’en fu sûr à cet instant, avait 3 ans d’âge mental n’avait rien trouvé de moins effrayant que de lui sourire de toutes ses dents avant de lui dire:
« Tu veux un câlin ? »
Contre toute attente, non en réalité je m’y attendais complètement puisque j’aurais sûrement réagi de la même manière, cette femme avec ses yeux encore débordants de larmes hurla:
« Ça va pas ? Espère de déséquilibré ! »
Et s’en alla presqu’en courant. N’importe qui se serait tenu à carreaux après ça sauf notre cher ami qui s’empressa de lui courir après quand il se rendit compte qu’elle avait oublié son sac à main. Personnellement, je l’aurais laissé là son sac et je serais parti dans la direction opposée. En fait, je ne l’aurais même pas approché pour commencer. Malheureusement ce jeune homme n’est pas moi et ça lui a valu de se faire tabasser lorsque la femme se mit à appeler à l’aide pensant avoir affaire à un pervers. Il pensait bien faire et voulait juste l’aider mais personne ne l’avait laissé s’expliquer et ce jour là il avait fini en sang. Sa voix s’enroua sur la fin de l’histoire et ses yeux s’humidifièrent, mais son sourire ne le quitta pas, tout le long de son récit. J’avoue avoir eu de la peine pour lui ainsi que pour les cas sociaux réunis dans cette salle. Je me suis demandée ce que je faisais ici, ce qu’on faisait tous ici. C’est dur de trouver l’équilibre entre les rôles d’épouse, de mère et de femme active et ce n’est pas Madame Burn Out qui dira le contraire. Quant à L’Eventreuse, elle m’avait juste l’air d’une enfant qui à défaut de recevoir l’amour et l’attention de sa famille s’était renfermée sur elle. Et Mr Bisounours a juste gardé son âme d’enfant, c’est sûr que dans ce monde de fou, c’est lui qui a l’air d’un déséquilibré. Quand ils se tournèrent tous vers moi et que ce fut mon tour de répondre à la fameuse question, j’étais encore plongé dans mon analyse.
« Et toi pourquoi tu es là ? »
Pourquoi je suis là ? Si je suis là c’est sans doute qu’à un moment ou à un autre, comme eux, j’ai eu une réaction différente de celle qu’une personne « normale » aurait eu et surtout parce qu’à ce moment là personne n’avait cherché à comprendre ma différence. Ils ont juste décidé que j’étais un pauvre déséquilibré qui n’avait pas sa place dans leur société. J’en suis donc arrivé à une conclusion toute simple.
« Comme vous, je n’ai pas trouvé mon équilibre parmi eux. »
Je murmurai cette phrase avec un petit sourire en me disant que dans un comics ces affreux uniformes d’hôpital feraient d’excellents costumes pour notre clique d’antihéros.
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