Ngoul-Nnam
3 pages
Français
YouScribe est heureux de vous offrir cette publication
3 pages
Français
YouScribe est heureux de vous offrir cette publication

Description

Ngoul-Nnam est un village imaginaire situé au Sud du Cameroun. Il y fait bon vivre et ses habitants ne manquent de rien : c'est le paradis sur terre. Toutefois, un incident considéré comme une offense aux ancêtres aura pour conséquence une terrible malédiction : c'est le début d'une longue sécheresse. Les habitants pourront-ils recouvrer la félicité qui jadis régnait au village ?

Informations

Publié par
Date de parution 27 mai 2022
Nombre de lectures 9
Langue Français

Extrait

Ngoul-Nnam
Ngoul-Nnam est un village situé au Sud du pays, en plein cœur de la forêt équatoriale. Autrefois, il abondait de richesses de toutes sortes : des arbres fruitiers, du bétail, de la volaille, des terres très fertilesici, les villageois ne pratiquaient pas la jachère, des cours d’eau regorgeant de diverses espèces de poissonsainsi qu’une faune sauvage digne d’un grand parc zoologique. Naturellement, champs, pêche, chasse et cueillette rythmaient le quotidien des habitantsde ce Jardin d’Eden terrestre. Aujourd'hui, le village en est bien loin. On raconte que la malédiction des ancêtres,tޟra,aurait frappé le village après que le chef Ziglimot ait « vendu » sa fille à un étranger. Quel sacrilège !
 Vous vous demandez certainement ce qui a bien pu pousser un illustre personnage de la société traditionnelle Betile chef, porte-étendard de la culture et des traditionsà commettre une telle ignominie ? Ouvrez grand vos oreillesou plutôt vos yeux. La légende dit que cela s’est produitavant le départ de juste Ntޟŋޠn,le Blanc, du pays. Oui, nous sommes vers la fin des années cinquante. Le colon s’apprête à plier bagage. À Ngoul-Nnam comme partout ailleurs dans le continent, il va laisser des séquelles aussi bien physiques que psychologiques.  Psychologiquement parlant, le Blanc avait réussi à convaincre le « Nègre» qu’il était supérieur à lui, une sorte d’envoyé de dieu » Dieu, voire un « pour certains, venu sortir le continent africain des siècles d’obscurantisme. Ce discours-là, ils le maitrisaienttous, qu’ils fussent Allemands, Britanniques, Espagnols ou Français.D’ailleurs, le chef de colonie François Dupont avait réussi à faire croire à Ziglimot que son peuple et lui ne vivaientq’une illusion du vrai bonheur en menant une existence monotone qui tournait au tour du travail de la terre, de l’élevage et de la pêche. Bref, c’était pour lui un supplice que de vivre comme ça au vingtième siècle.  Pour lui, la véritable béatitude se trouvait en Occident, le berceau de la civilisation. Les nombreux gadgets qu’il avait en sa possession—lesquels ne manquaient pas d’impressionner notre chefainsi que les photographies en noir et blanc de sa vie de bourgeois dans un grand et luxueux château à Versailles avaient suffi à convaincre Ziglimot. En effet, il rêvait lui aussi de siroter du champagne du meilleur vigneron de la Champagne-Ardenne, d’aller où bon lui semblait dans une Renault 4 ; bref, de « vivre » et non plus de « se contenter d’existerM. Dupont.» comme le lui répétait incessamment Ayant acquis le chef à sa cause, il avait été facile pour le colon de s’implanterà Ngoul-Nnam et de profiter des ressourcesqui s’y trouvaient, notamment le cacao. M. Dupont avait
1
profité de la naïveté du chef et de son peuple, leur faisantcroire qu’il envoyait les fèves de cacao en France pour une étude scientifique « approfondie ». Evidemment, les villageois participèrent à sa récolte, au nom de la « ziance ».  Cette exploitation rapportait un pactole à la France. Et, pour parfaire son rôle de Messie, le colon fit construire une église, ensuite une école, un centre de santé et surtout des bars à Ngoul-Nnam. L’amour des hommes du village pour les liqueurs locales—arki, odontolet vin de palme ne lui avait pas échappé. Ceux-ci tombèrent encore plus amoureux des sachets de whisky et de la bière. En état d’ébriété constant, ils étaient de véritables marionnettes à la merci de leur « maitre»… Dès son arrivée, M. Dupont avait jeté son dévolu sur la benjamine du chef. Malheureusement pour lui, elle était encore mineure. Cela ne l’avait cependant pas empêché de faire des remarques déplacées à la jeune fille. Ceci irritait profondément Ziglimot qui se contentait toutefoisd’afficher un sourire forcé.tenait à sa benjamine comme à la Ziglimot prunelle de ses yeux. De plus, la tradition lui interdisait de donner sa fille en mariage à un « étranger», c’est-à-dire tout individu n’étant pas issu de l’ethnie Fang. La seule idée que sa fille soit mariée à un Blanc lui donnait des sueurs froides.  Cependant, M. Dupont n’avait pas dit son dernier mot. Quelques années avaient bien sur passé depuis son arrivée et la petite Martine était déjà majeurebelle excuse. Avant de partir, il alla demander la main de la jeune fille au chef. Ce dernier refusa catégoriquement. Malin comme la tortue, M. Dupont connaissait le point faible de son « ami ». Il proposera alors à ce dernier d’aller avec eux, d’autant plus qu’il serait toujours aux cotés de sa fille. Après avoir longuement hésité, il finit par accepter, non sans une boule au ventre. En effet, depuis toujours à Ngoul-Nnam, on sait que les ancêtres ne manquent jamais de punir les traitres. Avant la réaction des ancêtres, il fallait d’abord éviter celle des villageois. En effet, dans la société traditionnelle Beti, l’enfant est celui de toute la communauté. Ziglimot devait consulter tout le village avant de prendre sa décision. Nel’ayant pasfait, il s’était automatiquement mis tout le monde à dos et risquait de se faire lyncher, car nombreux de ses compères avaient déjà demandé la main de Martine, mais il les avait tous rejetéspour la marier à un Blanc !C’était là un véritable acte demgbel(sorcellerie).  Ainsi, les deux hommes opteront pour la fuite au coursd’une nuit noire et silencieuse, laissant le village à la merci de la malédiction des aïeuls.  Elle ne tardera pas à frapper. L’ancien Jardin d’Edendevint l'ombre de ce qu'il fut auparavant. La grande sécheresse qui durait depuis des mois avait appauvri le village ; même les besoins élémentaires tels que manger et boire devenaient difficilement satisfaisables. Les
2
boutiques laissées par le colon s’étaient peu à peu vidées. Leshabitants étaient résolus à recouvrer leur félicité d’antan, bien avant que le «diable déguisé en ange » ne foule leur terre.  Un soir, sous un ciel étoilé, Zanga qui était devenu la voix du peuple depuis le départ de Ziglimot convoqua un conseil des anciens. Assis dans son coin, Meba qui jadis fut le plus grand chasseur du village ruminait. À peine Zanga avait-il ouvert le conseil,qu’il explosa : Tout ça c'est de la faute à cet ignare de Ziglimot,j’espère que leur oiseaudefer s’est écrasé ! Ka’a ! (Non !) Répliqua aussitôt le conseil. C'est insensé ce que tu disnyandom. Nous savons très bien que la sécheresse a chassé tout legibier de la forêt et que Zigli’en est la cause. Ce n'est cependant pas une raison de souhaiter la mort de ton propre frère... Je n'ai plus rien avoir avec cet individu, répondit-il, trèsfrère ». « ancien Rectificatif : énervé. Mot(gars) calme toi, lui souffla à l'oreille Nti son partenaire de songho. Tu as trop bu cet après-midi. Tu as besoin de sommeil. Ça va alors, je me tais. Trouvons tous ensemble une solution.
 Aprèsheure de discussion, ils décidèrent d’aller à la rencontre des ancêtres.près d’une « La richesse d'un peuple réside dans les rapports que ce dernier entretient avec ses ancêtres », proverbe du clan Nvangan de Ngoul-Nnam. Au petit matin, Zanga le patriarche suivi de Meba se rendirent à la montagne d'Ekombite. La légende veut que le père fondateur des Nvangan y est rendu l'âme alors qu'il affrontait à mains nues la bête des montagnes, Imoumoro. Ils prirent avec eux la plus grosse de ce qui restait des chèvres du village. Après une marche d'une journée et demie, ils arrivèrent péniblement au lieu du sacrifice, extenués. Ils décidèrent de se reposer pour commencer le rituel lorsque les étoiles illumineraient le ciel.
 « Ngoul Ekanga, Ngoul Ekanga! Isánnam zǎ, bia loone wò. Bi na bidzo, bia dza nkoglan woé » (Ngoul Ekanga, fondateur de notre village, nous t'appelons. Nous reconnaissons nos fautes et supplions ton pardon). Après avoir répété la même chose une dizaine de fois, Meba trancha la gorge de la chèvre et les deux répandirent le sang de l'animal au pied de la montagne...
 Deux longues semaines s'écoulèrent après ce passage à la montagne. Un dimanche matin, une pluie diluvienne se déversa sur le village. Ce fut le même spectacle le jour suivant et celui d'après. En quelques mois, Ngoul-Nnam avait recouvré ses couleursd’autrefois ; les ancêtres avaient vraisemblablement répondu à leur demande. C'était le retour de la félicité qui régnait jadis.
3
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents