Trophée des Plumes 2021 - Le couple d'inconnus

Jasmine Baran

Description

Aujourd’hui je sais que ton gout est mensonger et que je dois arrêter qu’importe mon degré de dépendance. J’y travaille. J’étais devenu une toile dont tu te servais à ta guise pour y inscrire ce que bon te semble. Plaisir, tristesse, joie, détresse. Mais je n’ai jamais été assez hein ?! Si je n’avais partagé ce vol avec ce couple d’inconnus aurais-je eu le courage d’affronter mon reflet ?

Sujets

• Trophée des Plumes 2021

Informations

• Publié par: baran.hyacinthe
• Date de parution: 17 juin 2021
• Nombre de lectures: 19
• Langue: Français

Extrait

Le couple d’inconnus.

« -Hamed, s’il teplaît, mâtrise-toi ! Je souffre autant que toi. Et ce n’est pas dans l’avion en plein vol que nous allons déballer nos problèmes conjugaux. L’endroit n’est pasidéal.

-J’en ai marre de cette vie que je t’impose. Je ne t’en voudrais pas si tudécidais de me quitter. »

Debout devant la psyché de la salle de bain, je repensais à ce couple en pleine dispute conjugale dans l’avion retour vers Douala. Je revois les yeux pleins de détresse de cette femme lorsque son époux a prononcé ces mots. Je voulais lui venir en aide. Lui expliquer que rien ne se résoudra par le calme. Ce sentiment d’impuissance dans un cœur amoureux, cette peur viscérale de perdre celui qu’on aime. J’ai trop connu cette situation et je n’imagine que trop bien l’issue de cette dispute. Comment un sentiment aussi beau arrive à faire autant de dégâts. J’ai beau regarder encore et encore, je ne me retrouve pas dans le reflet que me renvoi la glace. Je laisse tomber ma quête pour aujourd’hui. Quittant ma serviette humide pour un ensemble t-shirt pantalon jogging, je rejoins le lit le cœur toujours en alerte. Je le rejoins lui qui hier encore m’a écrit des mots similaires que ceux que cet Ahmed adressait à son épouse. Blottis dans ses bras, je m’enivre de son odeur. Il me dit ce que j’ai envie d’entendre, me souffle à l’oreille que je lui ai manquée. Je sais qu’il aime ma compagnie. Ensemble, nous rions, j'écoute ses peines et propose des solutions aux problèmes qui le tracassent. Il recherche ma tendresse, je la lui procure sans hésitation. Il s'endort la tête au creux de mes seins, bercé par la caresse de ma main à la naissance de sa nuque. Parfois je souhaiterais ne jamais avoir grandi, ne jamais avoir aimé. J'ai ce poids qui pèse sur mon cœur chaque foisque je suis à ses côtés. Est-ce de l'amour ? J'en doute. La définition de l'amour donné dans la bible est si belle que le mal-être que je ressens à ses côtés ne peut être de l'amour. Le réveil se fait par la sonnerie de son téléphone. Je ne peux m'empêcher d'écouter d'une oreille distraite sa conversation.

- Oui mon amour, j'ai passé la nuit à penser à toi dit-il.

Ses mots lacèrent ce qui me restait de cœur. Ils sont pour une autre. Pourquoi je continue?

Il termine sa conversation en lui disant qu'il l'aime. Elle. Apres avoir raccroché, il se tourne vers moi et me vole un baiser aigre-doux. Pendant que je ravale mon ressentiment, la sonnette de l'entrée retentit. J’enjambe les caisses en bois qui contiennentune partie de mes affaires pour atteindre la porte d’entrée. En l’ouvrant, je me retrouve face à Noël et Alima mes meilleures amies.

- Hey girls on dit quoi ? Balancent-elles en franchissant la porte telle les rafales de joies de vivre qu’elles sont.

A défaut du mobilier préalablement expédié dans un garde-meuble, les filles prennent place sur les caisses contenant toute ma bibliothèque. Noël comme à son habitude se lance dans un récit des péripéties de la célibataire la plus en vue du littoral. Tandis qu’elle me parle d’un nouveau dragueur, Alima elle est excitée à propos de sa prochaine escapade en amoureux à Kribi avec son mari Romeo. J'essaie de faire bonne figure mais Alima n'est pas dupe.

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Doudou que se passe-t-il ? Me sonde-t-elle.

Je n'ai pas le temps de formuler une excuse que la réponse à sa question fait son entrée au salon. Henry, aussi surpris qu’elle, s’immobilise aux portes de la chambre et nous dévisage toutes. Il est vêtu des vêtements de la ves’en va déjà. Je n’ai pas compris ce qu'il disait en entrantille. Il dans la pièce et maintenant il ne semble plus disposé à dire un mot de plus. Je lis beaucoup de déception dans le regard que m’adressent les filles et j'ai honte de moi. Henry se décide à parler :

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Faut que j'y aille je t'appelle. dit-il en se dirigeant vers la porte en vitesse. C’est à peine s’il m’a adressé un regard. C’est du "Henry" ça. Devant témoin je ne suis personne, mais seul tous les deux, mon nom devient une prière dans sa bouche. D'accord murmuré-je plus pour moi que pour celui qui n’est plus là.

Je quitte les filles et vais me réfugier à la cuisine. Je ne supporte ni leur regard de pitié ni ce silence accusateur. Pendant que je range la vaisselle restante dans les caisses prévue pour, Noël pénètre la première dans la cuisine et prend place sur l'ilot. Elle ne dit rien. Je lui en sais gré. Je nous sers du jus de fruits puis m'adosse contre le réfrigérateur mon verre dans une main. Nous savourons nos boissonsen silence jusqu’à ce que Alima nous rejoigne et y mette fin.

- Madoudou commence-t-elle.

- Je sais les filles, ok. Je sais les reproché-je.

Elles n'ajoutent rien et convinrent d’un accord visuelde me laisser seul. Dans ce nouveau blanc je craque et fonds en larmes. Je suis consciente de pleurer pour un homme qui préfère une autre à moi, mais est-ce que c’est facile ? Je porte encore les marques de son passage dans ma vie dansma chair. J’ai beaucoup de mal à m'en défaire. Dans ces moments un bain me ferait le plus grand bien. Je m’y attelle volontiers.

Il n’y a pas quatre chemins. Je ne crois pas que tu la laisseras pour moi. Non. Je sais que c'est elle que tu aimes, sinon tu ne projetterais pas dedemander sa main auprès de ses parents. J’ai été comme ces personnes qui ignorentqu’elles sont déficientes G6PDet tu as été ma boisson tonique favorite. Je me suis dopé à toi chaque jour un peu plus pensant que tu me faisais du bien alors que tu me détruisais àpetit feu de l’intérieur. Aujourd’hui je sais que ton gout est mensonger et que je dois arrêter qu’importe mon degré de dépendance. J’ytravaille. La première étape je l’ai passée lorsque j’ai pu me regarder dans une glace. Dès l’instant où tu as posé tesmains sur moi je n’ai plus osé affronter mon imagejusqu’à hier. J’étais devenu une toile dont tu te servais à ta guise pour y inscrire ce que bon te semble. Plaisir, tristesse, joie, détresse. Mais je n’ai jamais été assez hein ?! Si je n’avais partagéce vol avec ce couple d’inconnus aurais-je eu le courage d’affronter mon reflet ? Avec des si notre histoire eût été autre. Je n’en serais jamais arrivé là.Il est clair que rien ne se fera pacifiquement trop de mal a déjà été fait. De toute façon le processus est en marche. J’ai frappé en dessous de la ceinture, je me suis abaissée bien plus bas que ta braguette tu sais. D’ailleurs elle doit déjà avoir découvert mon cadeau de fiançailles. Je l’ai envoyé tard dans la nuit alors que tu te repesais de tout ton soûl aprèst’être mis bien. Tu te souviens quand tu disais que je n’étais ni grande ni petite mais qu’à genoux j’avais la taille parfaite. Eh bien quelqu’un d’autre aura l’occasion d’en juger. Tu m’asquitté il y a deux heures seulement mais la vidéo lui était déjà parvenue dans tôt dans la

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matinée. Pendant que tu lui donnais du mon amour et que tu lui débitais tes mensonges installé dans mon lit.

Habillé de vêtement de ville, mon unique bagage au bras, je franchis le seuil de mon appartement pour la dernière fois. Le propriétairese chargera d’acheminer les caisses et l’électroménager restant vers l’agence de garde-meuble En refermant la porte, je reçois un message d’henry:

« Comment as-tu osé tu n’as pas de dignité ou quoi ? Vois-tujusqu’où ton orgueil t’a mené? C’est avec ce genre de comportement que tu veux le mariage ? ».

De l'orgueil? Il prétend que j'ai agi par orgueil? Non désolé je l’ai fait parce que tu l’aimes, parce que tu ne m’aimes pas. Parce que je ne m’aime pas non pluset te déteste pour cela. Bien que je sois la titulaire, tu l’as laissé prendre une place qui me revenait. Je la déteste d’y être parvenu si facilement. C’est aussi parce que je me déteste de t’avoir préféréà mon Dieu, à moi- mêmeau point de briser mon vœu de chasteté. Mais tu ne connaîtras jamais ces raisons. Tout comme tu m’as trouvé indigne de ton amour, désormais tu seras indigne de mon attention. J’ai un vol à prendre. Je retourne à Dakar où un nouveau départ m’attend.

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