Trophée des plumes 2021 - Psylli
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Trophée des plumes 2021 - Psylli , livre ebook

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Description

« Est-ce que tout va bien ici ? » C’est la troisième fois en dix minutes que cette hôtesse nous pose la même question. Je sais qu’il n’en faut pas plus pour redouter la réaction de Hamed, il faut dire que la patience n'est pas son point fort. « Le seul problème qu’on ait ici c’est le fait de devoir répéter toutes les deux minutes que tout va bien. Je vous promets de vous le dire si autre chose m’énerve. »Dit-il sans même regarder son interlocutrice. L'hôtesse prend un moment pour digérer son malaise puis se tourne vers moi : « Je ne suis pas loin, n'hésitez pas si vous avez besoin de quoi que ce soit. » Je lui réponds un sourire qui ne semble pas la rassurer pour un sou, mais elle hoche la tête et s'en va. « BordelMélodie !Même quand les gens te regardent c'est moi qu'ils jugent… »Reprend Hamed. Et il continue de parler, je sais que ça va durer un moment mais je ne l’entends plus vraiment. Je suis plus intriguée par les messes basses des deux jeunettes assises sur la rangée de devant. Les regards moins furtifs qu'accusateurs qu'elles nous lancent de temps en temps m’interpellent depuis un moment. Je leur en voudrais de nous juger si elles ne savaient rien de notre vie, mais elles en savent autant que la moitié des passagers de cet avion... Tu parles trop Hamed, beaucoup trop, et beaucoup trop fort. Voilà ce qui arrive quand on passe huit ans de mariage à parler pour deux. «Tu m'écoutes au moins ?» Me demande-t-il, sans vraiment attendre de réponse.

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Publié par
Date de parution 17 juin 2021
Nombre de lectures 29
Langue Français

Extrait

« Est-ce que tout va bien ici ? » C’est la troisième fois en dix minutes que cette hôtesse nous pose la même question. Je sais qu’il n’en faut pas plus pour redouter la réaction de Hamed, il faut dire que la patience n'est pas son point fort. « Le seul problème qu’on ait ici c’est le fait de devoir répéter toutes les deux minutes que tout va bien. Je vous promets de vous le dire si autre chose m’énerve. » Dit-il sans même regarder son interlocutrice. L'hôtesse prend un moment pour digérer son malaise puis se tourne vers moi : « Je ne suis pas loin, n'hésitez pas si vous avez besoin de quoi que ce soit. » Je lui réponds un sourire qui ne semble pas la rassurer pour un sou, mais elle hoche la tête et s'en va. « Bordel Mélodie ! Même quand les gens te regardent c'est moi qu'ils jugent… » Reprend Hamed. Et il continue de parler, je sais que ça va durer un moment mais je ne l’entends plus vraiment. Je suis plus intriguée par les messes basses des deux jeunettes assises sur la rangée de devant. Les regards moins furtifs qu'accusateurs qu'elles nous lancent de temps en temps m’interpellent depuis un moment. Je leur en voudrais de nous juger si elles ne savaient rien de notre vie, mais elles en savent autant que la moitié des passagers de cet avion... Tu parles trop Hamed, beaucoup trop, et beaucoup trop fort. Voilà ce qui arrive quand on passe huit ans de mariage à parler pour deux. « Tu m'écoutes au moins ? » Me demande-t-il, sans vraiment attendre de réponse. « Je sais très bien ce que tu te dis. Qu’est-ce que tu comptes faire Mélodie ? Pour une fois dans ta foutue vie dis-moi ce que tu vas faire. » Lorsque mon mari est dans cet état, ses paroles n’importent plus. Par contre, le moindre de ses gestes laisse deviner son potentiel de destruction. Surtout qu’il ponctue son discours en donnant du poing sur l’accoudoir de temps en temps, il me semble que les autres passagers soient plus sensibles à cela qu’aux quelques turbulences que subissent occasionnellement notre appareil. Sur la rangée d’en face, un gros monsieur nous Ixe depuis un bon moment. Hamed ne le remarque pas mais le regard de cet homme témoigne de son envie de venir me porter secours. Je sens qu’il ne va pas tarder à se mêler de ce qui ne le regarde pas. Mais il est devancé par l'hôtesse qui revient interrompre mon mari. « Monsieur je vais devoir vous demander de faire moins de bruit s'il vous plaît ! Je me permets de vous rappeler que vous n'êtes pas les seuls passagers de cet avion. » Dit-elle avec une autorité peu crédible. Hamed la Ixe, dents et poings serrés, ce n'est pas bon signe et l'hôtesse le sait. Elle se tourne vers moi : « Vous êtes sûre que ça va madame ? Je peux vous trouver une autre place si vous le souhaitez. » Lance-t-elle courageusement. Hamed répond à ma place, comme d'habitude : « Ma femme reste avec moi. » dit-il avec un calme bien plus inquiétant que ses précédentes vociférations. Je vois bien que la pauvre hôtesse sent une menace. Elle me regarde, et à la pitié qu'aïche son expression, je rétorque un sourire rassurant, tout en posant une main sur la cuisse de mon mari, comme pour signiIer que je la protège de lui. Elle retourne à son poste tandis que je vois de plus en plus de têtes tournées vers nous. Tous ces regards, toute cette attention, le poids de l'embarras ampliIe la gravité qui s'exerce sur moi. Je n'ai pas à rééchir bien longtemps à ce que je dois faire car Hamed émet un rugissement : « QUO ?! » Un seul mot et tous les yeux se détournent immédiatement. 1m93 et 108 kg de muscles, une barbe noire et épaisse de laquelle s'échappe une voix si puissante et grave qu'on pourrait la mesurer sur l'échelle de Richter. On dit qu’il n’est pas avisé de juger les gens à leur apparence, mais mon époux est de ceux dont l’apparence impose le jugement. l y a largement de quoi calmer les ardeurs héroques du gros monsieur d'en face.
Au milieu du profond silence qui règne depuis quelques secondes, Hamed se lève brusquement sans dire un mot et se dirige vers les toilettes. Les murmures des passagers proItent de cette opportunité pour émerger. Le bruit des talons aiguilles de l'hôtesse se précipitant vers moi ne tarde pas à se faire entendre. Elle pose une main compatissante sur mon bras et me dit : « Madame, je sais que vous avez peur, mais vous n'êtes pas seule, on peut vous aider. Un mot de votre part et la sécurité s'occupe de cette brute. » Les deux Illes de devant se retournent et l'une d'entre elles intervient à son tour : « C'est vrai, Mélodie c'est ça ? Écoutez, tous les couples ont des problèmes, mais je suis sûre que vous ne vous êtes pas mariée pour vous faire dominer en permanence. » Je ne sais pas quoi leur répondre, en fait je me demande surtout ce qu'une Ille de son âge pourrait bien savoir du mariage. Son amie de continuer : « S'il vous frappe il ne faut pas garder le silence Mélodie, entre femmes on peut s'entraider. » Ces femmes ont entendu bien des choses sur notre vie, et cela en à peine quelques minutes, la grosse voix autoritaire de mon mari n'est pas très discrète, c'est le moins qu'on puisse dire. Tout le soutien de mes nouvelles amies disparaît aussi vite qu'il est apparu lorsque le claquement de la porte des toilettes retentit. Je sors la brochure du docteur Clay de mon sac à main, pour me rappeler la raison de notre voyage et du comportement de Hamed. On nous a dit que ce médecin était le seul à pouvoir résoudre le problème. En reprenant son siège, Hamed me voit plongée dans ma lecture, ça le rend encore plus nerveux. « T'es vraiment obligée de me mettre ça sous le nez ?! Qu'est-ce que tu cherches à me faire comprendre exactement ? » Alors qu'il continue à parler, je garde les yeux rivés sur la brochure. J’essaye d’imaginer ce que ressent mon pauvre mari. Le fait qu’on n’ait pas pu enfanter est déjà douloureux, mais savoir que le problème vient de lui porte dramatiquement atteinte à sa virilité. Je ne l’ai jamais vu à ce point torturé et eFrayé. Je sais qu’il ne craint que deux choses en ce monde, les aiguilles et me perdre. l sait que l’opération qui l’attend rend sa première crainte inéluctable, mais le fait de redouter que la deuxième se réalise le déstabilise au plus haut point. Lui qui avait pourtant bâti cette impressionnante forteresse de muscles pour protéger son petit cœur fragile. Tandis que je le regarde raconter inconsciemment notre vie à tout le monde, j'aperçois du coin de l'œil l'hôtesse s'approcher d'un pas déterminé, accompagnée de deux agents de sécurité. ls semblent bien décidés à neutraliser le perturbateur. Tous nos spectateurs savent ce qui est sur le point d’arriver à mon mari et je ne peux rien dire pour l’empêcher. Je n’ai jamais eu besoin de dire quoi que ce soit avec Hamed. L’impact est imminent, ils sont à un pas de nous, je dois agir. J'interromps le long monologue de mon homme en posant soudainement un baiser sur ses lèvres encore mouvantes, elles s’immobilisent et toute l’assistance fait de même. Le temps de réaliser ce qui se passe, Hamed me rend magniIquement mon baiser. Tout le monde comprend alors qu'ils n'ont rien compris depuis le début, Hamed comprend que tout ira bien et que je ne le quitterai jamais, quoi qu'il advienne. Mon mari et moi n'avons jamais eu besoin de parler, ce qui m'aide bien vu que je suis muette de naissance, et ça l'aide bien car ses problèmes de gestion de la colère se soignent bien mieux par le silence. J’ai apaisé le géant, il me sourit et commence Inalement à se détendre. « Je t'aime aussi, ma reine… je suis désolé. » me chuchote-t-il. En posant ma tête sur son épaule, j’observe les regards environnants se détourner un à un. L’embarras me libère de son étreinte
et pars enlacer ceux qui m’ont en accablé quelques minutes auparavant. Les deux heures de vol qui nous restent s’annoncent plus reposantes. N.
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