Trophée des plumes 2022 - (Chaque Chose en son temps)
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Trophée des plumes 2022 - (Chaque Chose en son temps) , livre ebook

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Description

nouvelle

Informations

Publié par
Date de parution 27 mai 2022
Nombre de lectures 20
Langue Français

Extrait

Abdou Aziz FAYE
CHAQUE CHOSE EN SON TEMPS
-Youssou…Youssou… Youssou sursauta sur la chaise pliante de son père qu’il avait trainé devant la porte de la concession pour piquer une petite sieste. C’est ce genre de réveil graduel ou la sonorité du monde réel s’immisce dans l’esprit encore endormi du rêveur pour vous tirer lentement du monde onirique. D’abord le bruit est attribué aux habitants de notre songe mais l’insistance et le volume du bruit intrus dénote de plus en plus au point de nous ramener à la réalité. Mécontent, Youssou leva les yeux pour découvrir le visage transfiguré de colère de sa mère qui ne tarda pas de se rependre en invectives sur son fils -Qu’est ce que tu fous dehors tout seul à cette heure ?... » La mine déconfite, et un peu honteux, il s’empressa de passer son avant bras sur sa bouche pour s’assurer que la volupté de son sommeil n’avait pas autorisé un filet de bave de s’échapper de sa bouche. Ressaisi, il laisse sa colère s’éclater. -Pourquoi me parles-tu sur ce ton comme si j’étais un bambin ? Qu’est ce que tu me veux ? N’est je pas le droit de faire la sieste ? » Yaya, comme toute mère qui voit son enfant insouciant sur le point d’être happé par un danger mortel, se précipite d’agir. L’émoi de cette mère donne souvent à ses actions ou à ses propos une dimension extravagante avant de retomber dans la modération une fois le danger éloigné. -Quand le soleil dépasse le zénith, à l’heure ou le sable devient brulant, les hommes ne doivent plus s’aventurer en hors de la concession à moins de connaitre les secrets de l’invisible. Il faut savoir que nous partageons la terre avec nos vis-à-vis indiscernables. A un certain moment du jour, la rue les appartient après cette période, nous pouvons sortir et vaquer à nos occupations. Chacun respecte sa place et l’équilibre sera maintenu. - Sinon quoi ? interrompit Youssou avec impatience. Lassée, sa mère retourna à l’intérieur mais elle laissa la porte derrière elle ouverte comme une invitation à la raison. Youssou a très tôt quitté le village. Très brillant à l’école primaire, il fut envoyé en ville pour effectuer son cycle secondaire. Il partit alors habiter dans la capitale chez son oncle avec qui d’ailleurs, il partageait une belle complicité. Son oncle était ingénieure et avait fait ses études en France grâce à une bourse. Durant ses études, son oncle revenait au village durant les vacances scolaires. Malgré les années qui les séparaient, lui et Youssou étaient inséparables. Youssou trainait derrière lui à longueur de journée et s’abreuvait d’histoires comme l’odyssée d’Appolo 11, le premier vol des frères Wright et la nuit, c’était autour des œuvres de Jules verne. Quand son oncle rentrait et que l’ennui le prenait, démonter puis remonter le vélo de son père devenait son passe temps. Heureusement, son père, jamais en colère, était plutôt pris d’une guetté en voyant son fils se donner tant de mal sur ce vieux vélo. Son père avait fini par lui donner le surnom affectueux de « petit mécanicien ». Studieux et intelligent, Youssou était maintenant en classe de terminal et comme son oncle jadis, lui aussi rentrait au village pendant les grandes vacances. Pris de colère et piqué dans son orgueil, il ne pouvait supporter que sa mère le gronde ainsi, il décida alors de ne pas céder aussi facilement en retournant aussitôt dans la maison.
Il savait toutefois en son for intérieur que Yaya avait raison et qu’à certaines heures, à moins d’être initié aux connaissances de l’invisible, il n’est pas prudent d’être dehors. Insidieux, le sommeil s’empare de vous et vous traine vers ses contrées sinueuses. Quoique vigilant, Youssou s’affaissa lentement sur son siège et se laissa bercer dans les bras de Morphée jusqu'à ce que… -Pardon…pardons … Youssou émergea de nouveau de son sommeil encore plus énervé que la fois précédente en croyant que s’était encore sa mère. Mais sa surprise fut grande quand il ouvrit les yeux devant le visage d’une jeune fille qui s’était penchée sur lui pour lui touché l’épaule. Le foulard qu’elle trônait sur la tête soulignait plus sa beauté que sa vertu. Tout en parlant, elle penchait légèrement la tête d’un coté, ce qui eu pour effet de laisser se balancer sur le coté de son visage quelques tresses lisses, longues et noires comme du pétrole. Au bout de chacune d’entre elles était noué un assortiment de perles et de cauris d’une blancheur éclatante et d’une propreté impeccable. Youssou n’a pas compris sur le coup tout ce qu’elle disait mais il n’a pas manqué de remarquer la couleur rougeâtre de ses lèvres galbées qui laissaient entrevoir de petites dents blanches comme le lait. Youssou se redressa et balbutia « bonj… bonj…jour ». La fille, comme si elle était habituée à provoquer un pareil état chez son interlocuteur n’était pas surprise pas la consternation de Youssou. Elle continua -Ma mère m’a demandé de faire la lessive et j’ai oublié de puiser de l’eau plus tôt dans la journée. Veut tu m’accompagner au puits ? une fille ne doit pas être seule dans la rue à cette heure. Youssou s’étonna de s’entendre dire « ca c’est vrai » malgré les arguments qu’il opposa à sa mère tout à l’heure. La fille précéda Youssou qui ne se gêna pas de jeter un regard admiratif. Le meulfa (longue pièce de tissue originaire, je crois bien de la Mauritanie et que les jeunes filles dans le nord aiment porter pendant la période de chaleur en l’enroulant autour de leurs silhouettes) ne pouvait cacher ses courbures généreuses. Se sentant épiée, elle se retourna avec son sourire enchanteur puis elle ajouta « si ma mère s’aperçoit que je suis sortie à cette heure, elle va me gronder » -je comprends, répondit Youssou qui n’est pas encore totalement maitre de ses moyens. -nous allons dans la mauvaise direction ! Remarqua t-il finalement. -non non, il y’a un autre puits à la limite du village…il est moins profond et la corde est moins usée. Ca fait moins mal à la main ». Youssou regardait en bas, le front plissé. Signe manifeste de l’intense réflexion à la quelle il s’adonnait pour se remémorer de la moindre mention qui fut faite concernant ce puits mais il fut tiré de ses méditations « tu es nouveau dans le village » lui demanda la fille. « Non j’y suis né mais à cause des études je n’y reviens que durant les vacances… et toi tu es de quelle famille ? » -nous sommes nouveau ici. S’empressa de dire la fille avant de changer de sujet. Youssou est rattrapé par une inquiétude soudaine. En effet, il vient de se souvenir qu’il n’a avertie personne avant de s’absenter. Faute doublement condamnable car elle relève d’abord d’un manque de respect envers ses parents. Par la suite, un tel acte n’est jamais preuve de prudence. Youssou fut subitement frappé par le caractère peu orthodoxe de cette rencontre nouvelle et son inquiétude grandissait à chaque pas. Si au début, la beauté de la fille contaminait un apaisement dans son cœur, maintenant son attitude a changé. Elle garde un silence assez pesant et quand Youssou essaie de détendre l’atmosphère avec quelques blagues
plus ou moins réussies, c’est un visage froid et lugubre qui se tourna vers lui et le dévisageait avec insistance dans le silence le plus absolu. Ses yeux qui furent des attributs de la candeur étaient maintenant exorbitants et vitreux. Ils n’étaient même plus rythmés par des battements de paupières « mais…elle a changé » se dit Youssou dans son for intérieur. « Et si je m’enfuis ? » se demanda t-il « si je me trompe de jugement, non seulement je perds le respect de cette fille et je serais la risée du village ». -c’est derrière ce bosquet. Elle annonça « on est arrivé ». En traversant le bosquet, Youssou entra dans un endroit qui n’a rien à voir avec l’environnement naturel ou le village se trouve. En effet, ce bosquet fut la porte d’une foret danse, sombre ou l’œil ne perçoit pas dix mètres devant, il entendait des cris et des hurlements, qui pour se rassurer, il attribuait à des animaux inconnus « voici le puits…va y ». Elle désigna d’une voix grave un trou affreusement sombre. Il n’y avait ni margelle ni corde. Youssou s’approcha du bord mais ne pouvait voir le fond. Il comprit alors qu’il était à la merci du monde invisible dont sa mère lui mettait sans cesse en garde. Etant jeune, les dangers de ce monde lui paraissaient distants de la même manière que nous concevons notre mort, l’échéance de notre vie comme d’un événement toujours lointain et abstrait même si nous le savons fatidique. -je retourne chez moi…j’ai oublié que j’avais du travail à faire. -tu n’iras nulle part. Lui répondit la chose « à moins que tu sois capable de répondre à mon énigme. Si tu donne la bonne réponse, une force supérieure m’empêchera de m’emparer de ton âme. Par contre, si ta réponse n’est pas satisfaisante, tu es à moi ». A ces mots, Youssou revit défiler sous ses yeux toute sa vie d’élève. Il se revoit à l’école primaire récitant sa leçon devant son maitre, devant ses camarades de classe faisant son exposé ou corrigeant au tableau un exercice. C’est comme s’il devait mettre en contribution tout ce qu’il a appris pour sauver sa vie. -écoute bien…Je suis grand le matin, court à midi et disparais le soir mais je reviens après. Qui…suis…je ? » Malgré la prudence qui lui dictait l’hésitation, Youssou, sans savoir pourquoi, était résolu à donner cette réponse sans hésitation. « Mon ombre !! … c’est ca ? C’est ca ? » Demanda impatiemment Youssou. La chose remua la tête et ajouta « tu es sauf… la réponse que tu as donné n’est pas importante. Ce qui l’est c’est comment tu l’a dis car il y’a dans le ton de ta voix des choses que tu ne perçois pas et qui m’indique si tu dois mourir ou pas… » -quoi ? demanda Youssou -ton heure. Ce n’est pas ton heure pour quitter le monde des vivants. Vois-tu ? L’existence est régie par un équilibre. Un équilibre entre ce qui est visible et ce qui ne l’est pas, un équilibre dans le temps, entre ce qui c’est déjà passé et ce qui arrivera, entre la lumière et l’obscurité, le haut et le bas, le bien et le mal…vois tu cet épervier dans le ciel ? Youssou leva les yeux pour apercevoir l’oiseau, -suis le des yeux, il te ramènera chez toi. Quand Youssou baissa les yeux, la chose avait disparu.
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