Trophée des plumes 2022 - (La Danse de la Montagne)
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Trophée des plumes 2022 - (La Danse de la Montagne) , livre ebook

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Description

Torturé par un passé douloureux, un homme, en quête de sens et de repères, devra se confronter à nouveau à la catastrophe qui a détruit son existence.

Ceci est un one shot d'un roman en cours d'écriture. Il ne présente qu'un aspect de ce monde apocalyptique.

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Publié par
Date de parution 31 mai 2022
Nombre de lectures 7
Langue Français

Extrait

La Danse de la Montagne(One Shot)
Que faire, quand le monde autour de vous, peu à peu se détruit; quand tout ce qu’il vous reste, quand tout ce que vous êtes, quand tous ceux qui vous ont tant bien que mal aidé à survivre sont, lentement, tragiquement, dévorés par la terreur ? Que puis-je bien faire pour extirper cette sensation confuse qui me torture depuis très longtempset m’éloigne de la gloire de mon nom ?
Au moment où je me perdais dans des pensées inopportunes, un nouveau tremblement secoua la ville. Nos regards se braquèrent une nouvelle fois sur Kifo, l’implorant de ne pasanéantir nos vies émiettées. Pour la première fois de mon existence, non, pour la première fois peut-être depuisla danse, j’avais l’impression d’être un peu conscient de ce quim’entourait. L’appréhension qui rampait en moisemblait m’avoir redonné un éclair de lucidité. Mais le mal-être avec lequel je trainais mon corpsn’avait pas disparu. Il s’était même exacerbé, me jetant peu après dans les méandresde l’incompréhension.
La montagne, d’une taille incroyable,remua une fois de plus. Son réveil était plus se qu’imminent.centre de la ville, une Au foule immense s’était rassemblée autour desTuatha Dé Danann, les adeptes de la très populaire secte Sidh.Ces illuminés que j’avais côtoyés à contrecœur pendant des années, psalmodiaient devant nous des espèces de prières troublantes qui plongèrentl’atmosphère dans un sinistre inquiétant.Lorsqu’ils s’interrompirent, leur leader, tenant dans ses bras un mystérieux livre aux pages carmin, se présenta à nous en hurlant des mots, des phrases qui horrifièrent plus d’un.
Sa carnation métissée, sa douce chevelure de jais, ses prunelles d’une beauté précieuse et merveilleuse éblouirent les habitants de Mwanzo Mpya. Esméeme distingua au cœurla de foule. Son regard me poignardaitd’aversionpendant qu’elle crachait à l’assemblée ce simili répons aux syllabes déconcertantesqu’autrefois je récitaisdans une crainte indéfinissable :
«Ph'nglui mglw'nafh Mpa Mwnzo Ki
Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagnf’o.»
La prêtresse et ses disciples aux mines patibulaires, répétèrent le distique et louèrent peu après la grandeur de Kifo. Et la montagne,d’une hauteur vertigineuse,comme par enchantement, murmura, bougea,s’éveilla de sa torpeur. Devant cette vision d’horreur, une dizaine de personnes chancelèrent. Une centaine éprouva une stupeur effarée. Un millier perdit conscience. Certaines personnesdevinrent folles. D’autrespoussèrent des cris à vous glacer les os alors que d’autres encore trépassèrent de peur. Esmée invita toute la ville à croire en elle, à épouser sa doctrine, pour avoir une chance de survivre àla danse de la montagne.
Même si, vis-à-vis de mon ancienne amantej’étais bourrelé de remords, je n’oubliais pas pour autant les raisons qui m’avaient poussé à m’éloigner de ces sectateurs. Je connaissais leurs méthodes d’aliénation, de manipulations psychologiques, leur prestidigitation. Pour rien au monde, je n’aurais rejointà nouveau cette engeance de charlatans qui voulait, pour accomplir sonambition, voir les derniers survivants de l’humanitéêtre totalement éradiqués.
Une sombre terreur obscurcit les cieux. Une aura mortifère couvrit l’horizon.Les grognements de Kifo déchirèrent les nuages. Des cris déments s’échappèrent de la terre.Des voix plaintives semblables au vacarme de la colossale montagne remplirent tout à coup mes oreilles. Et, plongé dans l’effroi, paralysédevant l’agitation extrême de la population et l’autodestruction des huttes misérables et immeubles vétustes qui nous abritaient depuis deux
décennies,l’appréhension et l’angoissequi accablaient encore ma vie, firent place à un besoin vaporeux, étrange, viscéral quim’engloutit en une bouchée.
Tandis quel’apocalypse épouvantait mon corps, mon esprit, quant à lui, me susurrait de mettre fin à mon intranquilité et me commandait de tordre enfin mon destin, de dépasser mes entraves, de trouver ma voie, mon bien-être, mon équilibre
Mais comment puis-je me trouver ou me retrouver dans un monde qui se meurt, où les cœurs sont hantés par la peur et en proie au délire ? Comment faire pour regagner mon nom ?
Esmée, entourée de ses apôtres et d’unecinquantaine de personnessous le joug d’une horreur intense, entonnèrent des « cantiques »à la gloire de l’énorme massif rocheux. Je savais tout de l’imposture de ce cultemais je n’avais jamais envisagé de la dévoiler aux habitants de Mwanzo Mpya. Quelque chose m’empêchait de le faire. Était-ce mes sentiments pour ma bien-aimée ? Ou mon admiration devant tant de vigueur à duper, à mentir, à vivre pleinement comme on le désirait ? Non, je ne voulais pas mettre fin à leurs inventions tout simplement parce que, d’une certaine manière, je comprenais leurs actions.
Tout comme moi, ils étaient brisés par la vie, du moins, ce que nous considérions encore comme la vie. Dans cette « ville de survivants », tout le monde savait que chaque minute était sacrée car à tout moment,la dansepouvait réapparaitre. Cette épée de Damoclès tourmentait nos nuits, nos jours, nos rêves et plaisirs.
Pour une raison inconnue,une vingtaine d’années auparavant, un mont d’unealtitude cyclopéenne, écrasa villages, villes et pays entiers du continent africainTout ce qu’il restait de la civilisation, c’était Mwanzo Mpya, le Nouveau Souffle, la ville des survivants située au pied de l’effroyable Kifo.
Les Tuatha Dé Danann essayaient de donner un peu de sens à leur existence. Ils essayaient de trouverà leur manière, la lumière, l’équilibre, la paix intérieure. Au fond, ils voulaient vivre juste un peu avantla dernière danse.
Kifo avait écrasé ma famille et mes amis. Elle avait tué nos âmes et enseveli notre bonheur. Or, sans bonheur, la vie d’un homme n’a plus d’intérêt. Elle n’a même plus le moindre sens.
La montagne se déplaçait lourdement, aplatissant tout ce qui se trouvait sur son chemin. Des courageux entreprirent une ascension périlleuse pour éviter l’écrasement. Lasecte Sidh, chargée de sa « mission céleste », exécuta hommes, femmes et enfants qui tentaient d’échapper à la fatalité.
À la vue de ces crimes odieux, mon corps paralysé sortit enfin de sa torpeur. Il ne voulait plus être dominé par les ténèbres de la lâcheté. Mon esprit, trop longtemps abîmé, me contraignit à abandonner l’angoisse, l’inconfort qui avait depuisla dansetoujours vécu en moi. Secoué par une révolution mentale sans précédent, je pris alors conscience quela mortqui m’habitait devait d’abord mourir pour que je puisse vivre à nouveau.
Kifo poussa des hurlements inarticulés suivis de sons abominables qui ressemblaient étrangement à des sanglots. La montagne semblait gémir et souffrir devant nos yeux épouvantés. De nouveau, j’entendis des voix et des chuchotements d’outre-tombe. Je sentais ma famille, mes amis et tous ceux qui avaient disparu, me pousser à m’élever vers de lumineuses émotions. Comme tous les autres survivants, je vivais dans la peur constante de la mort. Je négligeais ma vie, je torturais mon existence. Pourtant, je devais accepter de vivre
avec cette cruelle réalité, profiter de chaque instant, de chaque rayon de soleil, de chaque baiser d’Esmée…
La montagne marchait vers moi et je me dirigeais vers elle. Elle détruisait Mwanzo Mpya tandis que jela gravissais. Elle cria mon nom au moment où j’atteignis son sommet. Et, pour la première fois de mon existence,je n’avais plus peur dela danse. Je me sentais plutôt protéger par elle.
Avant de se rendormir, Kifo me supplia de l’attribuer un nom nouveau. Elle ne voulait plus incarner La Mort, le chaos. Elle souhaitait devenir le symbole de La Vie, de la transcendance.
Et c’est ainsi que pour des siècles et des siècles, elle et moifûmes connus des cieux et de la terre sous l’appellation, Sinaï.
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