Trophée des Plumes 2022 (LA SAPOLOGIE KINOISE)

Doris Djamba

Informations

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• Date de parution: 17 mai 2022
• Nombre de lectures: 64
• Langue: Français

Extrait

DORIS DJAMBA

LA SAPOLIGIE KINOISE

Cette nuit-là les esprits impurs ont trouvé un bel abri, un terrain fragile où pouvaient-ils œuvrer calmement sans que les attaques répliquent des 1 robosantabobobradabayasha, au nom de Jésus, que pouvaient lancer quelques églises d’à côté. Malheureusement qu’ici, ça ne prie pas ; ça chauffe, ça danse au 2 rythme demangrokoto bayaya, vraiment un coin où tout tourne autour de la célébration de la vie, c’est la cité de carpe diem, vienyonso yang’oyo,tobuka 3 mokuwa tangu minu eza nanu : jargon populaire des habitants de cette petite commune qui se trouve au centre de la ville de Kinshasa. ‘’L’infertilité n’a jamais été effective dans les mains de l’un des travailleurs conscients’’, dit-on, et ce soir c’était un travail bien accompli que ces esprits méchants ont pu opérer sous la belle étoile 4 de Matonge , univers de la sape.

Quatre jours après, ces incantations commencent à repérer sa cible et les victimes sont finalement là. Désormais les choses changent. Ces nuits qui, généralement ressemblaient à la mort pour plusieurs personnes dudit coin, étant donné que ça précédait toujours de divers moments qui ne se clôturaient que quand tous étaient enivrés de l’alcool. Tout le monde disait la même chose, ils ne dormaient pas tous sur un même lit, mais arrivaient-ils quand même à faire des rêves un peu similaires. La peur dorénavant est là, les pleurs çà et là, les cris comme dans une jungle et comme tout africain quand tout va mal, le réflexe naturel a toujours été à la recherche d’un secours à ce Dieu miséricordieux, ce Dieu qui n’est Dieu pour eux que quand tout va mal et quand tout marche à l’indépendance spirituelle, revient sans débat, mais ici c’est le scandale, tous crisNzambe sala bikamwa, banguna 5 basambwa: prière sans impact, rien ne change. C’est au quartier général de Matonge, précisément dans la commune de Kalamu que ce drame se déroule. Cependant, dans la nuit de samedi au dimanche, les voisins entendirent des cris de pleurs dans la parcelle où habite Ediba, le sapeur. Maman euh ! nini’ezokomelanga ? mobali na nga akoki kokufa te ! te, te, Ediba akufi 6 te ! Les enfants encore immatures sont quand-même sensibles et sont touchés par

1 Une sorte des prières en langue qu’on fait dans les églises de réveilles sous l’onction du Saint Esprit

2 Une salutation des vrais sapeurs Kinois

3 Il faut battre le fer tant qu’il est encore chaud

4 Une des avenues de la commune de Kalamu

5 Dieu opère des miracles pour confondre nos ennemis

6 Eh mon Dieu ! qu’est-ce qu’il nous arrive ! mon mari ne mourra pas, non plus !

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les larmes de leur maman qui leur mirent aussi en sanglots. A peine, l’on pouvait écouter Sophia, la cadette pleurer en ces mots : Papa, réveille-toi non ! le courant est parti, réveille-toi et allume la torche de ton téléphone. Je vais partir pour regarder le film au salon.

Sans savoir que son papa dormait pour de bon. La mort a frappé à sa porte. Les gens du quartier n’écoutaient que des cris mais n’apercevaient vraiment pas de quoi s’agissait-il réellement et vu l’atmosphère de ce temps-ci, mais personne n’avait l’audace de sortir et de secourir si besoin serait ainsi. Tous avaient peur de sortir surtout avec ces événements ; les esprits mauvais qui circulaient, apparaissaient à n’importe qui. Malgré l’isolement, la femme ne faisait que pleurer jusqu’à voir quelques jeunes-gens sortir affreusement jusqu’à entrer chez elle. C’était trop tard pour eux, Ediba était mort. Maintenant il faut tenir le deuil et voilà le scandale qui commence. Les jeunes s’apprêtent à assister au deuil de Ediba, le roi de la sape. Il faisait chaud ce jour-là. Chacun pensait à quoi allait-il mettre comme habits pour aller assister à ces funérailles. Ils savaient tous, comme d’habitude que dans de telles manifestations, les affrontements entre eux ne manqueraient guère, d’où il fallait bien se préparer. Melinda disait — Qu’elle avait mal de voir Ediba prédire sa mort un jour sur scène à tout moment malgré qu’elle n’arrivât toujours pas à prendre ça au sérieux vu leurs délires de tous les jours. Pendant qu’elle cogitait ainsi, va apparaître Soraya, une journaliste de TV5 Monde, très belle de figure avec une expression verbale très séduisante. Elle marchait, cherchant sur qui elle tomberait pour le questionner. Plusieurs potentiels intervenants qu’elle ciblait ne faisaient que fouir mais un peu stratégiquement l’un après l’autre. La majorité ne savait rien dire vu qu’il ne connaissait pas la langue de Voltaire. Ils ne parlent couramment que le lingala, qui est leur langue maternelle, et pourtant pour parler devant une chaîne internationale ; il fallait nécessairement connaître la langue française étant donné que le message circule dans plusieurs pays, vu aussi la renommée de ce grand sapeur.

Quelques minutes après, la journaliste va réussir quand même par tomber entre les bonnes mains, c’est sur Melinda, la fille à papa, la sapeuse. Elle devrait répondre favorablement aux questionnements de Soraya, la journaliste. Bonjour la capitaine de la sapologie africaine ! Ouais ! bonjour madame, c’est moi la capitaine de la sape, ouais ! il n’y a pas meilleure que moi ici, c’est moi qui suis le chemin qui mène au paradis de la sape. Oui vous êtes Melinda et nous vous abordons en tant qu’une sapeuse de la ville de Kinshasa, est-ce-que vous pouvez nous expliquer tous ces déguisements sur vous ? Pourquoi ce style vestimentaire ? Ouais, au-dessus, j’ai porté une blouse en peau de chameau, et mes sandales en fémur de singe, ma jupe contournée tactiquement par la peau de 7 croco, et mes lunettes de soleil en bois de l’équateur,Mad in Ingende. Impressionnant, quel style manifestement compliqué. Vous faites comment pour tenir sous ces climats chaleureux ici à Kinshasa ? Mais vous savez que cet art nous ne l’avions pas commencé aujourd’hui. L’expérience est criante. J’enfilais depuis quinze ans et c’est mon dévouement dans les habits. 7 En provenance de la ville de l’équateur, se situant précisément en République Démocratique du Congo

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Je vois, vous avez raison. Et jusque-là, qu’est-ce que la sape vous a déjà rapporté dans votre vie ? Ah ouais ! mais moi la sape, je ne la fais pas d’abord pour de l’argent, mais c’est un grand amour que j’ai me poussant à conserver ce patrimoine que nos aïeux nous ont légué. Bien réfléchi. Mais si vous ne le faites pas pour gagner du pain et comment faites-vous pour survivre ? Pour mon pain, Dieu seul pourvoit. Je me lève tôt par amour, et le soir les oiseaux viennent me nourrir Waouh ! Mais qui en est le précurseur ? Le précurseur de ces choses, c’est le grand père de Ediba, le vieux Wemba et le grand prêtre Niarkos. Oh ! Papa Wemba ? Paix à son âme ! Il fût l’un des meilleurs sapeurs de la République démocratique du Congo et même de l’Afrique centrale toute entière. Son siège était à Molokai. Ouais c’est toujours là-bas que nous nous réunissons chaque week-end.

L’entretien avait pris plus de cinquante-cinq minutes environs, ne discutant que sur des sujets relatifs à la sape. Melinda en était heureuse. Pour elle, c’était valorisant le fait qu’elle ait parlé devant l’une des caméras de chaînes de télévisions internationales comme la TV5 monde.

C’est l’heure de rendre les derniers hommages. Pendant que le prêtre tenait encore son micro histoire de consoler la famille éprouvée qui était dans la messe. Les jeunes du quartier de l'illustre disparu sont venus en retard. Parce qu’en fait le retard c’est leur truc,un sapeur n’est jamais à l’heure, l’éclat exige du temps,disent- ils pour justifier leur bêtise. Ce retard leur permet aussi d’exhiber publiquement leurs marques lorsque tout le monde est déjà là. Et eux, ils entrent à la merci de tous les yeux assis.

Après sa mort, sa femme et ses enfants ont commencé à vivre le pire, la galère était à la hauteur mais malgré cela, les membres de famille de l’illustre disparu ne se sont pas empêchés de venir vider toute la maison et laisser par terre la femme et ses enfants. Or, Ediba était mal équilibré, il avait une deuxième femme entre les mains de qui, il laissait tous les avoirs que tous ignorent. Avec cette deuxième femme, ils ont eu une jolie petite-fille, elle n’a que dix ans. Cette femme de Ediba inconnue de tous, roulait carrosse et vivait dans de très bonnes conditions que Kiese. Ainsi, il mourût et laissa derrière lui un vilain équilibre, celle qui ne devrait pas souffrir est en train de souffrir amèrement et celle qui ne méritait rien, hérite de tout.

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