Trophée des plumes 2022 - (LE PÈRE ET LE FILS)
3 pages
Français

Trophée des plumes 2022 - (LE PÈRE ET LE FILS) , livre ebook

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
3 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

- Puis-je te demander une faveur l’ancien ? - Vas-y mon fils. - Pourrais-tu encore me raconter cette histoire ? - D’accord mon fils. C’était un matin par une saison pluvieuse. Le ciel était en pleurs ; éclaires et tonnerre chantaient sa complainte avec rage et colère. Le vent, semblant aussi comprendre son chagrin, les accompagnait dans leur grise mélodie. Hommes et animaux, tous frémissants et tremblants, priant pour que s’arrête la complainte du ciel. C’est alors que trois enfants réfugiés sous l’arbre près du fleuve, virent flotter un radeau portant en son sein ton corps inanimé. Comme un papillon perdu dans la tempête, le radeau voltigeait au gré des flots et des mugissements de l’eau. Nul ne sait comment ce radeau trouva la route de notre village caché du monde extérieur par un puissant sortilège. C’est d’ailleurs pour ça que les enfants qui t’ont secouru prétendirent que tu étais un gin tombé d’en haut et que c’était pour t’avoir perdu que celui-ci se lamentait. Les villageois eux, disaient que tu étais un mauvais esprit chassé du ciel et que telle la fureur du ciel, tu ne nous apportait que le malheur. Voilà pourquoi Ils résolurent de t’immoler par le feu ; car disaient-ils, seul le feu pouvait purifier un mauvais esprit. - Mais toi l’ancien; qu’as-tu vu en moi ce jour-là ? - Moi ... eh bien dans ma folie j’ai préféré voir en toi un fils. - Un fils ? Un étranger son nom que tous haïssaient ! - Oui un fils.

Informations

Publié par
Date de parution 29 mai 2022
Nombre de lectures 138
Langue Français

Extrait

- Puis-je te demander une faveur l’ancien ? - Vas-y mon fils. - Pourrais-tu encore me raconter cette histoire ? - D’accord mon fils. C’était un matin par une saison pluvieuse. Le ciel était en pleurs ; éclaires et tonnerre chantaient sa complainte avec rage et colère. Le vent, semblant aussi comprendre son chagrin, les accompagnait dans leur grise mélodie. Hommes et animaux, tous frémissants et tremblants, priant pour que s’arrête la complainte du ciel. C’est alors que trois enfants réfugiés sous l’arbre près du fleuve, virent flotter un radeau portant en son sein ton corps inanimé. Comme un papillon perdu dans la tempête, le radeau voltigeait au gré des flots et des mugissements de l’eau. Nul ne sait comment ce radeau trouva la route de notre village caché du monde extérieur par un puissant sortilège. C’est d’ailleurs pour ça que les enfants qui t’ont secouru prétendirent que tu étais un gin tombé d’en haut et que c’était pour t’avoir perdu que celui-ci se lamentait. Les villageois eux, disaient que tu étais un mauvais esprit chassé du ciel et que telle la fureur du ciel, tu ne nous apportait que le malheur. Voilà pourquoi Ils résolurent de t’immoler par le feu ; car disaient-ils, seul le feu pouvait purifier un mauvais esprit. - Mais toi l’ancien; qu’as-tu vu en moi ce jour-là ? - Moi ... eh bien dans ma folie j’ai préféré voir en toi un fils. - Un fils ? Un étranger son nom que tous haïssaient ! - Oui un fils. À l’origine n’y a-t-il pas qu’un seul Dieu qui créa l’homme ? Nous sommes donc tous frères car créatures d’un même Dieu et fils d’un même père originel. Mais cela les villageois ne peuvent le comprendre. Notre isolement du reste du monde est la fois notre salut et notre malheur. Il nous protège de la folie du monde extérieur, mais il nous garde prisonniers de nos peurs et de notre propre ignorance. - Et si les villageois avaient eu raison et si j’avais été une ombre au cœur méchant ? - Alors tu aurais fait ce pour quoi le destin t’a conduit vers nous. Le mal comme le bien, sont les faces d’une même pièce crée par le même Dieu. Le bonheur nous divertit et le malheur nous instruit ; tout es question d’équilibre. Mais cela aussi les villageois ne peuvent le comprendre. Ils ont peur de l’inconnu qu’ils n’ont jamais vu ; mais pour moi tu es ce fils que le destin m’a pris. Pourquoi gardes tu le silence jeune homme ? - Tu m’appelles ton fils et pourtant je ne sais pas moi-même qui je suis. Je veux partir pour retrouver la mémoire. - Ce que je te dirai aujourd’hui, tu ne peux encore le comprendre ; cependant un jour viendra où tu le pourras. Alors tu reviendras. Sache mon fils que tous les hommes veulent savoir. Savoir ce que sera demain, puis après-demain et les jours à venir. Savoir d’où vient la vie et ce qui se cache derrière le voile de la mort. Savoir qui est celui qui se tient en face d’eux. Mais même celui qui
Page1
connaît son propre nom ; celui-là se connait-il ? Le cœur est la partie la plus intime de l’homme pourtant, elle est une inconnue pour l’homme lui-même. Il aime aujourd’hui et haït demain. Il ne sait où naissent ses propres sentiments venus de son propre cœur. Mais cela tu ne peux le comprendre ; alors tu dois partir. Tant que celui qui s’est perdu n’aura pas retrouvé son chemin, il ne saura pas ce qu’il a perdu et ce qu’il recherche.
Après un long silence.
- L’ancien, pourrais-je connaître le nom de ce fils que tu as perdu ? - Vois-tu mon fils, j’ai oublié son nom. Ce que le ciel a pris il faut l’oublier, car le ciel est jaloux. Mon fils appartient désormais au ciel. - Pourtant, certaines nuits dans ton sommeil, il me semble que tu murmures son nom. - Ce sont sûrement des prières que j’adresse au ciel pour que tu te perdes pas comme mon fils jadis s’est perdu. - Même si je pars je te promets que je reviendrai vers toi. - En cela mon fils tu dis vrai. Tu reviendras parce que ce que le ciel a donné rien ne peut le reprendre. Qu’importe où tes pieds te conduiront sur cette vaste terre des hommes, aussi longtemps que tu respireras, je ferai partie de toi et tu feras partie de moi ; peu importe ce que ton périple t’apprendra sur tes origines, ce village est comme un baobab fier qui se dresse sous nos yeux et nous en sommes les racines. Toi aussi tu es une de ces racines ; même loin de nous, même avec un autre nom, tu feras toujours partie de nous. Maintenant mange et pars. - Ancien, enseigne moi l’incantation pour que je puisse retrouver le chemin du village. - Non mon fils, tu n’en auras pas besoin. Si le ciel t’a conduit dans ce village caché du reste du monde, alors il saura te ramener. Aucun sortilège ne peut empêcher une racine de retrouver le chemin de son arbre. Tiens cette potion, elle a le pouvoir de t’aider à te rappeler ce que tu as oublié. Mais pour ton propre bien, prend soin de ne la boire qu’après être sorti de la forêt.
Après le départ du jeune homme, l’ancien qui était aussi chef du clan des devins du village croisa un villageois sortant de la forêt; alors s’engagea entre eux une discussion. - Bonjour ancien, j’ai appris que l’étranger est parti ce matin. - C’est bien le cas. - Gloire au ciel il est enfin parti, et permette le ciel qu’il ne retrouve plus jamais le chemin de notre village. Les hommes de l’extérieur sont pire que des bêtes sauvages. Il détruisent tout par cupidité, jalousie et amour du pouvoir.
Page2
- … rire. - Au fait devin les astres ne t’ont donc jamais révélé qui était ce jeune homme ? - Si, mais il faillait que personne ne le sache pour que ce qui devait s’accomplir s’accomplisse. Ce jeune homme n’est autre que Kodjo Miezan fils héritier de Kodjo Akwa roi des Ashantis qui nous persécute depuis des années et à cause de qui nous vivons reclus dans cette forêt enchantée.
À ces mots l’interlocuteur du devin sursauta de terreur. Il était pétrifié. - Mais l’ancien, balbutia t’il; tu l’as toujours su et tu ne nous l’as jamais révélé. Ce chien et son père ont tué tellement des nôtres et toi tu l’as protégé tout ce temps. Oublies tu que ce roi a de sa main décapité ton propre fils ? - Aimais tu mon fils plus que moi ? L’as-tu pleuré plus que moi ? Kodjo Akwa roi des Ashantis et son fils Kodjo Miezan n’ont pas tué mon fils. Mon fils est mort parce que le ciel en a voulu ainsi.  - Mais il aurait pu servir de moyen de pression pour contraindre son père à nous céder ce qu’il nous a volé.
Le devin se mit à rire d’un rire sarcastique, puis finalement répondit à son interlocuteur. - En nous en prenant à lui, nous aurions trahi la tradition de nos ancêtres. Oublies tu que chez nous l’étranger en détresse est roi ? Fut-il un amnésique ou l’héritier d’un royaume ennemi. Quand nous foulerions aux pieds notre tradition, nous ne serions plus que des morts vivants ; des bêtes sans âmes errant sur terre. Sommes nous pire que les bêtes de la forêt ? Sommes nous comme ce roi Ashanti qui détruit tout savoir qui lui échappe ? Sache que le jeune héritier, une fois devenu roi à la mort de son père, reviendra vers nous. Le ciel a décidé de favoriser le royaume Ashanti et pour cela il nous a désigné comme caste d’érudits pour l’aider dans sa conquête en lui enseignant les valeurs et la connaissance mystique qui lui manquent. - Mais devin ! - Tais toi insensé. Vous les autres castes, vous ne savez que regarder au soleil parce que vous n’avez pas appris à la lire la course des étoiles. Le ciel l’a déjà décidé et nous allons l’accomplir. Ce prince est l’instrument du destin autant que toi, moi ou mon fils mort. Les nôtres qui sont morts ont rejoint l’au-delà car là est le chemin de tout être. Tu voudrais tuer ce jeune homme pour venger des esprits, mais moi je l’épargne pour sauver des vies. Avec ou sans nous le royaume Ashanti deviendra un empire. Mais sans notre connaissance et notre science pour le guider et l’instruire il deviendra un énième empire barbare. Alors tais toi et ne répète rien à personne. Attendons le jour où celui qui s’est perdu ici et qui est parti en quête de réponses reviendra en prince pour s’abreuver à notre savoir.
Page3
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents