Trophée des plumes 2022 - (Plus jamais ça)
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Trophée des plumes 2022 - (Plus jamais ça) , livre ebook

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Description

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Informations

Publié par
Date de parution 27 mai 2022
Nombre de lectures 477
Licence : En savoir +
Paternité, pas d'utilisation commerciale, partage des conditions initiales à l'identique
Langue Français

Extrait

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Plus jamais ça
Si je pouvais remonter le temps, j’allais encore plus profiter des moments que nous partagions comme si c’étaient les derniers. La mort ne prévient certes pas, mais je t’en veux de m’avoir abandonnée. J’aurai souhaité m’en aller avant toi pour ne pas avoir à souffrir autant. Tu m’as tout appris, sauf vivre sans toi. Ton absence a laissé un grand vide, je sens qu’une partie de moi s’en est allée avec toi. Tu étais du genre souriant, avec une joie de vivre débordante. On ne s’ennuyait jamais avec toi. Tout mon contraire, j’avais un tempérament de fauve, les gens nous demandaient souvent comment on a fait pour vivre ensemble de si longues années. Tu avais su me dompter. Je me surprends encore à sourire en repensant aux pas de danse, que tu esquissais en mettant en avant ton gros ventre, dont toi seul avais le secret. Tu n’avais pas spécialement le rythme dans le corps mais que ne ferais-tu pas pour me voir sourire ? Fred, pourquoi toi ? Tu étais pourtant bien portant. Je te faisais suivre un régime anti-cholestérol et tu faisais régulièrement du sport. Tu as commencé à tomber malade à ton retour du village. Je t’avais pourtant demandé de ne pas partir mais, pour une fois tu ne m’as pas écouté. Tu pensais que je voulais te faire perdre tes racines, que j’avais un quelconque intérêt à te séparer tes tiens. Mais peut-être parce que j’avais le pressentiment qu’il t’arriverait quelque chose et je ne voulais pas te perdre, pas dans ces conditions-là en tout cas. Tout a commencé par des sauts d’humeurs, tu t’énervais pour un rien, tu criais sur tout le monde, même moi. Alors qu’en trente ans de mariage je ne t’ai jamais vu élever la voix. C’est là que j’ai compris qu’il y’avait quelque chose. On a fait le tour des hôpitaux de Dakar afin d’avoir un diagnostic de ton mal mais en vain. Tous les scanners, toutes les radiographies ne faisaient état d’aucun mal alors que je te voyais souffrir : tu maigrissais à une vitesse incroyable, tu ne dormais plus et avais perdu l’appétit. Tu n’arrivais plus à te tenir debout et il t’arrivait souvent d’halluciner. En bonne croyante j'ai prié, j’ai enchainé toutes sortes de neuvaines, j’ai demandé des tas de messes pour ta guérison, j’ai fait appel à des groupes charismatiques, des exorcistes se sont relayés chez nous, mais rien. Ton état s’aggravait de jour en jour. En bonne épouse, j’aurais peut-être dû t’écouter quand tu me demandais de t’emmener voir un guérisseur mais je mettais tout cela sous le compte de ta phobie des hôpitaux. Peut-être que tu serais encore là aujourd’hui ? J’ai eu foi que mon Dieu ne m’abandonnerait pas dans de tels moments, mais Seigneur où étais-tu ? Quand certains m’ont accusé de cacher la maladie de mon mari ? Quand je me suis prosternée devant toi pour te confier mes soucis et mes peines ? Toi aussi tu es resté inerte face à mes tourments et pourtant il est écrit« Invoque-moi au jour de la détresse; Je te délivrerai, et tu me glorifieras » (Jérémie 33:3).Seigneur, même quand l’espoir n’était plus permis, je continuais fort à y croire. Voyant ton état empirer, j’ai fini par céder à la pression familiale. Le jour même on a reçu la visite d’un féticheur qui, pour justifier ton état de santé, nous a fait part d’une histoire invraisemblable après quelques incantations :
-« leurs fétiches familiales sont très en colère et ce sont eux qui s’acharnent sur lui. Ils disent avoir déjà emporté deux de ses frères mais personne n’avait pu faire le lien avec eux. Depuis la mort de leur père, personne ne s’est occupé d’eux alors qu’ils continuaient toujours de protéger toute la famille. Les hommes de la famille continueront de mourir un par un s’ils ne mettent pas fin à cette malédiction. Les fétiches ont soif de sang, on ne les nourrit plus depuis
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très longtemps maintenant. Ils disent ne pas être méchants puisqu’ils les ont protégés toute leurs vies, mais ils ne font que réclamer leur dû pour tous les loyaux services rendus. Ils n’avaient pas le droit de briser cette alliance de la sorte, un pacte reste un pacte même, quand celui avec qui on l’avait passé n’est plus. Cela vous suit toute votre vie et se répercutera sur la descendance. Leurs vies nous appartiennent et nous pouvons en disposer à souhait. Pourquoi l’avez-vous emmené à l’hôpital ? C’est la plus grosse erreur que vous ayez commise ! Parce que ce corps que vous voyez là nous appartient. Pourquoi n’avez-vous pas d’abord pensé à nous l’emmener ? Comme ce que faisaient leurs pères ? Mais cette génération fait plus confiance aux blouses blanches qu’aux fétiches.. La médecine ne peut absolument rien sur nous. Notre savoir-faire dépasse leurs compétences. »
C’était plus que je ne pouvais supporter, mes jambes me lâchèrent et je vacillai de tout mon poids sur le sol, j’étais dépassée. Le vieillard qui était d’origine peulh s’était mis à parler le diola dans un accent que seuls les natifs du village pouvaient user. On aurait dit qu’il était possédé, tout en parlant il gesticulait se déplaçait incessamment. Je l’écoutais religieusement par contre, comme si ma vie en dépendait. Et comme si cela ne suffisait pas…
-« Anne », lança-t-il soudainement. A l’entente de mon nom je cessai pratiquement de respirer, incapable de bouger, j’étais inerte.
-« Anne, reprit-il encore. Nous n’avons aucun problème avec toi. Nous ne te connaissons même pas. Tu es juste venue t’ajouter à cette famille grâce aux liens du mariage, limite toi juste à tes devoirs conjugaux, et tiens-toi loin du reste. Quand nous pactisions avec les parents de ton mari, tu n’étais pas encore née. Un invité doit rester à sa place. Tu penses que nous ne t’entendons pas quand tu essaies de nous chasser du corps de ton mari en jouant au pasteur? Hum femme ! Tu ne peux rien contre nous, on est nombreux à habiter ce corps. Quand tard dans la nuit tu dors en enlaçant ton mari, on enlève ta main parce que ça nous gêne. Parfois tu essaie en vain de mettre sa tête sur tes genoux. Nous n’avons pas envie que tu me touches ! Mais, tu insistes à chaque fois. Oh femme ! Reste à ta place et ne nous provoque pas. Cette histoire ne te regarde guère !laisse nous gérer ça entre nous. Pour le moment il nous faut un grand bœuf noir que tu donneras en sacrifice juste devant ta chambre. Nous n’avons besoin que du sang de cet animal, le reste tu le donneras en offrande. Et le plus tôt sera le mieux. Fais juste ce qu’on te demande ! ».
Ces paroles raisonnent encore dans ma tête comme si c’était hier. Un brin d’espoir renaissait en moi parce que je me disais qu’il fallait juste accomplir ce rituel pour que tu aies la vie sauve. Une question demeurait sans réponse dans ma tête : comment allais-je faire pour monter un bœuf vivant jusqu’à ma chambre alors que nous habitons au cinquième étage d’un immeuble ? Mais que n’aurais-je pas fait pour toi Fred ? Après ce sacrifice effectué je pensais que tout serait rentré dans l’ordre mais hélas ! Tes cousins et tes autres frères devaient également effectuer un rite au village afin que les fétiches puissent accepter toutes nos offrandes. Il paraît que ce genre de cérémonie ne s’effectue que pour des gens de bien portants et que tu devais y assister. Je n’avais jamais entendu pareilles stupidités de ma vie. Sans cette cérémonie tu étais déjà condamné et ils refusent de bouger le petit doigt pour toi. Même après avoir appris ta maladie aucun de tes frères ne m’a appelé pour prendre de tes
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nouvelles. Toutes ces informations je les ai eues grâce à ton neveu Mexan, celui que tu aimais tant. En tant que femme je n’avais pas le droit de savoir ce genre de chose. Ce sont eux qui t’ont sacrifié, ils auraient dû mourir à ta place, ces vieux renards.
A ta mort, ils sont tous venus à Dakar, nous encombrer. Tout le monde voulait voir ô combien tu étais riche! Grande fût leur déception quand ils ont vu les deux chambres qu’on louait. Même avec cela, ils se sont mis à donner des ordres à tout le monde, à se prendre pour les chefs de famille dans ma maison, dans notre maison Fred ! J’étais dépassée mais lasse aussi, je les regardais sans même les voir. Ils voulaient du café, des œufs voire même de la confiture au petit déjeuner, ils portaient tes habits alors que tu n’étais pas encore sous terre. Ils leur arrivaient de se disputer pour voir qui porterait quoi. Quand en comité restreint, ils avaient décidé de t’enterrer au village auprès de tes parents, c’est là que la goutte d’eau a fait déborder le vase. Je n’ai pas pu me taire, et je leur ai dit devant tout le monde :
-Mon mari ne bougera pas d’un iota, que vous le vouliez ou non. – Simon, tu sais quand je décide quelque chose, j’y vais jusqu’au bout. Quand Fred était malade, où étiez-vous ? N’est-ce pas que vous dites être ses frères ? Pourquoi ne m’aviez-vous pas appelé ne serait-ce qu’une fois pour prendre de ses nouvelles ? Mais vous attendez jusqu’à ce qu’il meurt pour venir jouer au bon samaritain.
- André, je t’en conjure enlève cette chemise, c’était la préférée de Fred !dis-je d’une petite voix. Et je t’interdis désormais d’entrer dans ma chambre.
- Théophile, au village tu manges du pain au petit déjeuner ? Hum bien sûr que non ! Et tu viens chez moi exiger des choses que tu ne manges même pas chez toi et aux funérailles de ton frère en plus ! Vous avez envie de me tuer aussi ? Est-ce qu’à votre arrivée vous m’aviez remis de l’argent pour pouvoir satisfaire vos caprices ? Votre frère est mort en me laissant quatre enfants en charge et même avec cela vous voulez quand même nous dépouiller ? Je vais saisir la justice pour espérer obtenir gain de cause.
Un silence de cimetière a suivi cette déclaration, mes beaux-frères ont commencé à quitter la salle un à un me laissant plus détruite que jamais. La guerre venait d’être déclarée.
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