Trophée des plumes 2022 - (Résurrection)
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Trophée des plumes 2022 - (Résurrection) , livre ebook

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Description

Un homme après le décès de la femme qu'il aime, cherche des astuces pour continuer de vivre.Y parviendra t-il?

Informations

Publié par
Date de parution 15 mai 2022
Nombre de lectures 91
Langue Français

Extrait

Harmonie est morte !Ces mots inacceptables résonnent bizarrement dans mon esprit.Harmonie est morte ! Pour essayer de les percevoir plus nettement, je répète à haute voix cette fois Harmonie est morte !Cette fois, ils sonnent vrai, infaillibles. Après le tumulte qui a suivi son décès et les préparatifs de ses obsèques, après la pompe de son enterrement, je me suis retrouvé seul. Seul avec les reliques de son existence qui me suivent partout. Le retour à la maison, au réel, a été fantastique. Bien que petite, elle est devenue vide la maison ! Malgré cela,quelques traces qui subsistent m’autorisentà penser des fois qu’elle est bien vivante, qu’elle me fait des signes de vie. Ses vêtements sont encore rangés dans la chambre, sa gamme de toilette encore poséesur l’étagère de la douche, ses cheveux encore déployés sur les peignes, son parfum hante encore le lit, et nos photos trônent encore dans le salon. Objets et lieux sont devenus chargésd’une significationnouvelle. Nous sommes toujours ensemble, je le sens. Toutest encore imprégné de sa présence, jusqu’à ma peauoù elle a gravé caresses et baisersSi je ferme les yeuxlongtemps et l’imagine, peut-être apparaitra-t-elle comme autrefois. J’ouvres les yeux, personne! Elle est morte, mauvais rêve ! *** Depuis que je suis rentré, la nuit a posé sa froide couverturesur moi et m’a conduit dans les souterrains de la solitude. Comme si cette séparation définitiveavec l’amour m’avait aussi retranché du monde. Les rires des autres me sont devenus insupportables, le bonheur inadmissible, et la vie même me semble désormais une agitation stupide. Dans mon errance à travers le passé, je retrouve son visage à chaque pas. Je titube dans ma
mémoire, je me heurte aux souvenirs heureux, je tombe à chaque fois, sur la vanité du corps.
Comment vivre ?
Si j’allaisvers elle, vers son fantôme plutôt ? Puisque plus rien icin’a de sens, puisque tout s’est revêtu de la couleur noire du deuil, puisque les pleurs ne ranimeront pas soncadavre. Demeure cet espoir très fin, les retrouvailles par-delà la mort dans un espace plus pur. *** Cette possibilitém’apparaissait tellement enchantée, quej’échafaudaisdéjà des plans pour sa réalisation pratiqueJ’étais à ce point dans mesréflexions quand on a frappé à la porte. J’ai fait semblant de n’avoir rien entendu, espérant que le visiteur dérangeant s’enirait. Monsilence n’a pas découragé l’étranger.Au bout d’une minute, les coups ont repris avecardeur, et j’ai étéobligé d’aller voir quic’était. Gabriel, un vieil ami, perdu de vue, qui m’avait juste envoyé un message de
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condoléances en s’excusant de ne pouvoir venir pour l’enterrement. Pour se rattraper, il avait décidé de venir me voir.J’ai certainementdû lui faire une impression désagréable avec l’abandonoù je me trainais depuis des jours.Il me semble qu’il avait devinémon état d’esprità ma mine,vu qu’il a entamé une conversationimmédiatement dans le but de me dégourdir -Ça va ? -Ça va, je crois -Je peux rester un peu ? -Oui -Comme je t’ai expliqué je ne pouvais pas venir
-Ce n’est pasgrave, ça ne change rien, tout est fini maintenant Il a pris place sur le canapé, moi aussi, et assez étrangement, il m’a fixélongtemps, en silence, et après quelque temps, il s’estremis à parler -Je te sens en colère -Mais pourquoi elle ? pourquoi ? Et je me suis mis à sangloter, j’ai craqué-C’est difficile de garder son calme dans ces situations, je ne sais pas simes paroles pourront te consoler -Je ne comprends pas, Pourquoi elle ? -Je comprends ta colère, mais ne te pose plus cette question s’il te plait, tu n’auras pas de réponse, c’estarrivé -La vie est injuste ! -Tu veux mettre fin à tes jours ?Tu crois que c’est la solution ou alors maudire l’existence? Ma seule réplique a été le silence. Il a repris -Je te comprends, il y’a des momentsl’existence n’a plus desens, perdu dans des labyrinthes inexplicables, on ne se sent plus de connexions avec les autres et le monde. -Oui c’est comme ça que je me sens, je me sens coupé de tout, comme une feuille quitombe, une feuille détachée de sa branche, sans sève, jaunie, vieillie, balloté par le vent mais qui descends inévitablement vers le sol -Mais sache que même à partir de la terre, la feuille est promise à une vie nouvelle, à pourrir et à fournir du fumier, le cycle de la vie se poursuitprès de l’arbre-Tu me conseilles de l’oublier, de faire comme si elle n’avait jamais existé? -Non pas l’oubli, mais l’acceptation, le grand oui. D’acceptersa mort et de continuer à vivre -Accepter ?
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-Ce n’est pas facile mais, si les instants disparus deviennent éternels dans ta mémoire, si tu arrives à arracher la chanson du silence avare, si tu retrouves sa présence par-delà la mort, ici. Tu accepteras la perte, commele mystère d’uneombre qui dérobe les apparences. Tu t’installeras dans la clarté, là où souffrance et mort sont acceptés avec paix car inévitables. Cette réplique inattendue m’a fait me taire, et sans me laisser le temps de la digérer, Gabriel m’a dit qu’il s’en allait. Ils’est excusé d’avoir troublé monchagrin etm’a remercié pour mon hospitalité, en me souhaitant courage !Et moi qui voulait encore m’épancher …*** Les conseils de Gabriel ont été bénéfiques ; après une méditation, je me suis endormi plus apaisé aujourd’hui.Cette conversation a évacué les matières usées de mon âme ; lentement, la boule de colère qui crispait ma gorge se dissipe, la glace qui brûlait moncœur fondSera préservé impérissablele monde d’évocations surgit de son image.Harmonie, j’honorerai son nom. Je ne garderai que son essence, dépouillée de tout ressentiment. Je ne garderai que son sourirem’éclairantje ne garderai que son affection brûlante lors des saisonsnuits ;  les pluvieuses, la chaleur de ses bras et lèvres sur ma peau. Sans mélancolie, je me souviendrai de nos confidences intimes ; je me souviendrai de l’exploration de nos corpsdans les colonies du désir, jeme souviendrais d’elle, et de son envol dans les régions impalpables,je me souviendrais de nous, oui je me souviendrais…*** Ce matin, lorsque je me suis réveillé, j’ai senti que je m’étaisrégénérédans la nuit, que j’avais fait provision de courage et de forces nouvelles…J’ouvre, la lumière gicle. L’horizon du ciel bleu déborde. Illuminés par le soleil, les maisons apparaissent dans leur vérité de pierre et d’aluminium. Et la nuit tombe de mes yeux. Nudité première, j’écoutes les promesses du monde. C’est la première fois que je sors depuis…et c’est comme si je redécouvrais le mondePied gauche, pied droit; un pas après l’autre, j’avance. J’avancesur une corde raide. En bas s’ouvre le vide, inconnu, opaque, effrayant... Il ne faut surtout pas s’arrêter, surtout pas hésiter, continuer à avancer. Un instant et le vide recueillera avec fracas les éclats de mon corps. Ma démarche n’est plus somnambule,pied gauche, pied droit. Trouver ou inventer des acrobaties qui me feront me maintenir sur la corde, éviter les déséquilibres des souffles ou de la peur... Après le silence, la vie reprend. La ville se lève. Travailleurs et écoliers se pressent. Je pénètre dans la rue de mon quartier. Je suis accueilli par les sourires, les saluts de la main et les conversations bienveillantes. Je reconnais les visages familiers, je reconnais les gestes d’attention,je reconnais tout ce qui fait la vie, le mouvement. Après la mort, la vie renait en moi
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