Trophée des plumes 2022 - (Tragi-comédie)
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Trophée des plumes 2022 - (Tragi-comédie) , livre ebook

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Description

J.-Christiand N’CHO TRAGI-COMEDIE « …Nous serons donc obligés de lui amputer la jambe gauche. Je suis désolé madame. » Ce sont les mots que nous ont servis le médecin. Malgré mon jeune âge, j’avais aisément perçu la portée de ces mots. J’allais perdre ma jambe. Je ne pouvais m’y résoudre. Pourtant, quelques semaines auparavant, tout allait pour le mieux. Mon nom est Mouna. Je suis née dans une belle petite famille. Elle était assez modeste, mais mon petit-frère et moi n’avions jamais manqué de rien. Nos parents se battaient convenablement pour nous faire plaisir. Nous étions tous très complices et l’amour qui régnait dans cette magnifique maison était notre plus grande force à tous les quatre. Mais, il ne fallut qu’une seule nuit pour que tout parte en pièces. Cette nuit-là, alors que j’étais déjà endormie, j’entendis une forte détonation. Une bouteille de gaz avait explosé. Toute la maison partit en fumée. Ma mère et mon frère moururent sur le champ. Mon père et moi étions toujours en vie. Mais, mon cas était moins grave que le sien. Il avait de très graves brûlures et devait être transféré au centre des grands brûlés.Moi, j’ai été hospitalisée dans un hôpital public. Pendant l’incendie, je reçus l’une des planches de la charpente sur la jambe, ce qui me provoqua d’horribles douleurs. Après plusieurs examens, les médecins ont révélé que si je n’étais pas opérée au plus vite, je perdrais l’usage de ma jambe.

Informations

Publié par
Date de parution 30 mai 2022
Nombre de lectures 195
Langue Français

Extrait

J.-Christiand N’CHO
TRAGI-COMEDIE
« … Nous serons donc obligés de lui amputer la jambe gauche. Je suis désolé madame. » Ce sont les mots que nous ont servis le médecin. Malgré mon jeune âge, j’avais aisément perçu la portée de ces mots. J’allais perdre ma jambe. Je ne pouvais m’y résoudre. Pourtant, quelques semaines auparavant, tout allait pour le mieux.
Mon nom est Mouna. Je suis née dans une belle petite famille. Elle était assez modeste, mais mon petit-frère et moi n’avions jamais manqué de rien. Nos parents se battaient convenablement pour nous faire plaisir. Nous étions tous très complices et l’amour qui régnait dans cette magnifique maison était notre plus grande force à tous les quatre. Mais, il ne fallut qu’une seule nuit pour que tout parte en pièces. Cette nuit-là, alors que j’étais déjà endormie, j’entendis une forte détonation. Une bouteille de gaz avait explosé. Toute la maison partit en fumée. Ma mère et mon frère moururent sur le champ. Mon père et moi étions toujours en vie. Mais, mon cas était moins grave que le sien. Il avait de très graves brûlures et devait être transféré au centre des grands brûlés. Moi, j’ai été hospitalisée dans un hôpital public. Pendant l’incendie, je reçus l’une des planches de la charpente sur la jambe, ce qui me provoqua d’horribles douleurs. Après plusieurs examens, les médecins ont révélé que si je n’étais pas opérée au plus vite, je perdrais l’usage de ma jambe. Tante Ténin, la sœur cadette de ma mère donna alors son autorisation pour l’opération. Le lendemain même, j’étais au bloc. L’opération s’était passé à merveille, du moins, c’est ce que nous ont fait croire les chirurgiens. Sauf que quelques jours après, les douleurs s’intensifiaient. Les médecins nous assurèrent que cela pouvaient souvent arriver et qu’avec les médicaments qui m’étaient prescrits tout irait, très vite, pour le mieux. Cependant, rien ne s’améliorait et je commençais à perdre la mobilité de ma jambe. Alors, nous nous sommes rendus chez un autre médecin qui, après examen, nous apprîmes que j’avais été victime d’une grave erreur médicale. En vérité, mon mal ne nécessitait pas une intervention chirurgicale, mais seulement une rééducation. Pire, la chirurgie fut un grand désastre, contrairement à ce que nous avait affirmé le chirurgien. Je devais donc être amputée pour éviter que toute la partie gauche de mon corps ne soit paralysée. Il n’y avait pas d’autre issue. L’amputation se fit quelques jours après que le médecin nous annonça la nouvelle.
Tante Ténin poursuivit l’hôpital dans lequel j’avais subi ma première chirurgie. Le même jour où elle porta la plainte, on nous appris le décès de mon père. En quelques semaines, j’avais perdu ma maison, ma mère, mon frère, ma jambe et
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maintenant, mon père. A seulement dix ans, je perdis tout ce que j’avais de plus cher.
Je fus, dès lors, recueillie par tante Ténin. Après un procès qui coûta énormément d’argent à cette dernière, nous avions réussi à obtenir gain de cause. L’hôpital avait reconnu sa faute et se soumettait à nous indemniser. La somme imposée par le juge était bien au-delà de nos espérances. Elle s’éleva à plusieurs dizaines de millions. Tante Ténin venait de toucher le pactole. Cependant, cet argent, qui était destiné à s’occuper de moi, n’a jamais servi cette cause. Avec l’indemnisation, tante Ténin changea de train de vie, elle et son mari. Moi qui voyais en elle une nouvelle famille et une consolation, je fus très vite désillusionnée. Tante Ténin ne s’occupait plus de moi. Tout l’argent gagné servait à offrir plein de cadeaux à ses enfants. Elle leur fit changer d’école et les inscrivit dans des établissements de luxe. Quant à moi, je fus déscolarisée. Il fallait bien que quelqu’un fasse la boniche. Cette tâche me revenait à présent. Au mépris de mon handicap, c’était moi qui devais faire la cuisine et le ménage dans toute la maison. Tante Ténin ne faisait rien de ses journées à part consulter toutes les chaines de télé et faire du shopping. Quand les tâches qui m’étaient assignées n’étaient pas accomplies à temps, elle me battait comme un animal. Quand l’un de ses enfants commettait une bêtise, c’était moi la fautive peu importe la raison. C’est moi qui étais châtiée. Je ne mangeais pas les midis, mais seulement les soirs. Pendant qu’elle et ses enfants mangeaient les mets succulents que je cuisinais, moi je me débrouillais avec les restes de la veille. Son mari, lui, rentrait ivre tous les soirs. Quand tante Ténin n’avait pas envie, c’était avec moi que cet ivrogne devait satisfaire sa libido. Il y prenait du plaisir au point de ne plus toucher sa femme. Mais, elle en était ravie, ça lui faisait des vacances
Chez ma tante, on m’appelaitSoubagace qui signifie sorcière en Malinké. Ma tante me traitait de sorcière parce que, selon elle, j’avais tué sa sœur et toute ma famille et que Dieu m’avait punie en me coupant la jambe. Dans cette maison, j’entendis toute sorte de calomnie à mon sujet.
A quinze ans, je tombais enceinte de l’époux de tante Ténin. Cette dernière me fit ingurgiter une décoction d’origine douteuse pour interrompre cette grossesse. Elle considérait cet enfant comme étant l’enfant du diable. Et elle ne pouvait pas nourrir l’enfant duSheitandans sa maison. Cependant, l’avortement se fit à mon cinquième mois de grossesse et la potion que ma tante m’a fait boire avait encore plus compliqué la situation. Je fus urgemment emmenée à l’hôpital où les médecins m’annoncèrent que je ne pourrais, malheureusement, plus enfanter après cette aventure dangereuse. J’étais totalement détruite de l’intérieur. Mais la vie devait continuer son cours.
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Un jour, alors que je rentrais d’une course, je vis une affiche sur un panneau où il était inscrit «Groupe théâtrale recrute une personne en situation de handicap pour le rôle principal d’une pièce.» Sans hésiter, je me suis inscrite et présentée au casting. J’ai décroché le rôle sans trop grande difficulté. Durant les répétitions, je devins très proche de notre formateur au point où il devint comme un père pour moi. Je lui racontai toute l’histoire que j’ai vécue depuis le décès de ma famille et il fut plein de compassion, au point où il me demanda de venir vivre chez lui. Ma tante accepta sans réfléchir. Cela faisait bien longtemps qu’elle cherchait un moyen pour se débarrasser de moi.
Avec le théâtre, je me sentais tellement bien. A chaque fois que je montais sur scène, j’avais l’impression de faire une thérapie. Quand je jouais, j’oubliais que j’étais orpheline, handicapée et illettrée. J'oubliais le calvaire que ma tante m’avait fait vivre. Après chaque répétition, je rentrais avec ce sentiment profond de paix intérieure en moi. Mieux qu’une simple occupation, j’avais trouvé le pansement à toutes ces plaies que je trainais depuis tant d’années. Le théâtre m’avait soignée.
J’avais l’impression de trouver en lui un consolateur, un confident, un ami, un équilibre. Le théâtre était devenu toute ma vie. J’étais douée pour ça. La preuve : tous les spectateurs adoraient mon jeu de rôle. Je fus même contactée pour jouer des rôles principaux dans plusieurs films. En quelques années, la petite Mouna qu’on traitait de sorcière était devenue une actrice de renom, une star internationale qu’on voyait en télé comme au cinéma. En plus, j’avais coupé tout lien avec Tante Ténin et sa famille. Je vivais la vie dont j’avais toujours rêvé.
Cependant, les enfants de ma tante vinrent, un soir, me rendre visite à mon appartement. Je ne sais toujours pas comment ils ont connu mon lieu d’habitation. J’acceptai, toutefois, de les écouter car ils restaient, malgré tout, mes cousins. C’est l’aînée qui s’attela à m’annoncer la nouvelle : « Notre père est mort depuis un an et maman est entre la vie et la mort. Elle souffre d’une insuffisance rénale. Nous ne sommes malheureusement pas compatibles et nous avons cherché en vain un donneur. Nous t’en supplions à genoux. Accepte de nous aider Mouna... »
A ces mots, je restais sans réponse. Aucun mot ne me venait en tête. Je n’avais nul doute sur le fait que la vie soit une pièce de théâtre. Mais en vérité, j’ignorais toujours si elle était une tragédie ou une comédie.
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