Trophée des plumes 2022 - (Une Vie, Mille Soucis)

Koffi Crépin Akoumany

Description

Lire "Une Vie, Mille Soucis", c'est faire une plongée dans l'univers personnelle de Keziah, une étudiante qui s'est retrouvée seule face à la vie.

Informations

• Publié par: Crepson
• Date de parution: 31 mai 2022
• Nombre de lectures: 14
• Langue: Français

Extrait

Une Vie, Mille Soucis

Le soleil sortait à pas caméléonesque de sa tanière. La lune était retournée dans la sienne depuis une poignée d'heures. Les dernières lueurs de la nuit avait été assiégées par les musclés rayons orangés de l'astre du jour avant le réveil de Keziah. Elle avait prévu être debout avant la naissance de l'aurore. Hélas ! Morphée l'avait assujettie plus longtemps. Vite fait, elle rendit des actions de grâce à Dieu, sortit de ses draps et se retrouva dans la douche. La brosse ne fit qu'un tour dans sa bouche. M. Sirr, l'oncle chez qui habite Keziah, ronflait toujours; sa femme Méka de même. C'était un samedi et le couple Sirr savourait leur matinée.

Ce matin là, Keziah devait aller au campus pour un devoir. Elle était en première année de Droit. La révision qu'elle voulait faire la veille a été avortée par les effets de la vive discussion qu'elle eut avec son père M. Doh. Ce dernier, la quarantaine à peine entamée, a été menaçant comme à son habitude.

- Soit tu m'obéis, soit je te renie, petite prétentieuse; avait-il vociferé à l'autre bout du fil avant de raccrocher.

Les pensées de la jeune fille de dix-huit ans s'entremêlaient alors qu'elle commença ses interminables tâches domestiques. En un battement de cils, Keziah mit le grand salon au propre. Mais sa gaieté habituelle a laissé siège à une nuage d'angoisse. Et la tristesse maquillaient son innocent visage.

- Si je refuse ce mariage et qu'il arrive quoi que ce soit à ma mère, ça me pèsera sur la conscience. Mais je ne suis pas encore prête à m'engager.

Alors que les habiles mains de Keziah nageaient entre casseroles, plats et verres; son esprit pataugeait dans une marée d'inquiétudes. Une fois la vaisselle achevée, elle se doucha. L'amphi 1200 était tel un essaim d'abeilles lorsque Keziah arriva. Le devoir prit fin deux heures plus tard et elle alla retrouver son ami Ismaël.

- Salut Kezi, tu rayonnes ce matin. Mon beau-frère prend bien soin de toi on dirait.

- Eh Isma, tu fais comment pour voir des rayons sur mon lugubre visage?

- Lu... quoi? Je ne connais même pas ce mot. C'est du russe ?

Keziah le tapota et se contenta de sourire. Les plaisanteries d'Ismaël qui de coutume la faisaient éclater de rire, arrivaient difficilement à lui soutirer un sourire.

- Keziah, allons au parking chercher ma moto. Je t'emmène faire le vide.

Keziah s'exécuta sans trop poser de questions. Elle avait une confiance particulière en son camarade d'amphi devenu son confident. À une vingtaine de mètres du parking, Ismaël vit sa moto sommeillant sur le sol. Il accouru et releva l'engin qui se vidait de son sang. Il la secoua et vit qu'il y avait encore assez l'essence. Il s'assit ; Keziah l'imita. Il embraya pour la plage.

- La plage!

- Oui la plage. Détends-toi okay?

Ils prirent une table et commandèrent deux pots de glaces.

- Raconte-moi ce qui te tracasse Kezi. Je pourrai te donner un coup de pouce.

- Merci Isma; mais tu ne peux absolument rien faire pour moi. Je suis face à mon destin et je doute fort qu'il y ait une issue.

- Ké...

- Non écoute moi; il y a des choses dont on ne peut changer le cours. Mon père m'a toujours traité de maudite, d'erreur de ses escapades de jeunesse. Peut-être que la nature ne me voulait vraiment pas.

- Cesse de dire des choses pareilles.

- Peux-tu croire que mon tuteur m'a fait des avances en début d'année ? Un jour même, en l'absence de sa femme, il voulait me déshonorer. Heureusement pour moi qu'un de ses amis était venu lui rendre visite. Tu comprends la raison qui me fait dire que mon père a raison à propos de ma malédiction ? Comment se fait-il que le petit frère de mon père, mon propre oncle, veuille coucher avec moi?

Ismaël, le jeune de vingt-cinq ans était intrigué au regard de tout ce que son amie traversait. Selon lui, elle était trop jeune pour avoir à vivre un tel calvaire.

- Ne peux-tu pas dénoncer cet individu qui visiblement est dépouillé de la moindre vergogne ? Lança Ismaël avec rage ?

- J'en ai parlé à ma mère au téléphone ; elle m'a juste conseillé d'essayer de ne jamais être seule avec mon oncle. Elle m'a rappelé que c'est lui qui s'occupe de mes frais de scolarité et autres. Donc pour elle si un conflit s'éclate entre mon oncle et moi suite à ma révélation de son comportement, c'est moi qui subirais les conséquences. En plus, ce serait la parole de mon oncle contre la mienne. Par dessus tout, ouvrir ma bouche risque surtout de briser le foyer de mon oncle.

- Le foyer que lui-même foule au pied en voulant commettre cet adultère incestueux avec toi? C'est une blague de la part de ta mère j'espère. S'il tenait à son foyer, il allait y mettre toute son attention au lieu de jeter ses regards sur une innocente fille qui essaie de se construire un avenir.

- Non seulement il m'a abandonné financièrement, mais en plus son harcèlement persiste. Je suis perdue et à bout de souffle. J'ai l'impression qu'il n'y a que dans l'au delà que je peux enfin trouver le bon équilibre, la paix du cœur que je recherche. Ces derniers temps, me concentrer au cours est aussi difficile qu'attacher les œufs. Entre les difficultés du campus, les harcèlements de mon oncle et les pressions de mon père pour le mariage, j'essaie tant bien que mal de garder les pieds sur terre. Hier nuit j'ai versé autant de larme que des yeux en pouvaient. Comment dois-je m'y prendre pour

ne pas me noyer dans cet océan de dépression que je sens m'inonder?

- Puise ta force en Dieu.

- Dieu ? Dieu est où Isma ? Ne me voit-Il pas sombrer dans le déséquilibre psychologique et émotionnel?

Le jeune homme fit un silence et balaya la plage d'un regard. Un mélange de joie et de vibrations romantiques ; tel était le parfum de l'atmosphère en cet après-midi. La beauté de cette plate-forme sablonneuse infinie et lointaine était exceptionnelle! Des pirogues se trouvaient çà et là, sur la rive. De titanesques véhicules marins au loin sur l'océan dormant, avançaient à l'allure d'un escargot. Là sur la plage, les jeunes gens s'égayaient en famille sous des tentes démontables. On mangeait, buvait, sautillait. Les oiseaux mêlaient leur gazouillement à la bonne humeur qui régnait sur la plage. Isma remarqua un jeune couple qui longeait la côte les pieds nus. Une vague obstinée menaçait de s'effondrer sur eux. Leur fuite était drôle.

- Vois-tu Keziah, Dieu a accordé aux humains le libre arbitre. Mais les humains s'en servent pour le mal. Toi, veille à ne pas perdre espoir en un avenir meilleur. Mais dis moi, comment t'es-tu retrouvée sous la tutelle de ce bon-à la prison que tu appelles oncle?

- Il n'y avait pas de lycée dans le village où je vivais. C'est alors que mon père lui demanda si je pouvais venir chez lui. Il accepta. Tout allait comme sur des roulettes jusqu'à cette année. Je suis maintenant obligée de fuir mon tuteur tel qu'un agneau évite un tigre. Quel est mon crime? Qu'ai-je...

Un sanglot s'empara d'elle. Ses paupières s'enlacèrent; des larmes naquirent et cheminèrent le long de ses joues. Ismaël lui tendit un mouchoir et la calma.

- Mon père m'a appelé hier en fin de soirée. Il m'a menacé pour que j'accepte le mariage dont il me parle depuis peu. Il m'a fait comprendre que mon soi-disant prétendant est un ami à lui qui est prêt à débourser une somme colossale pour payer ma dot; et lui mon père ne veut pas laisser cette offre juteuse lui couler entre les doigts. Hormis l'âge de Kessou, la soixantaine, il a déjà trois femme.

- C'est dans ça ton père te fourre ?

- Sa pression sur moi est telle un paquet de ciment sur une fourmi.

- Tu n'es pas obligée de lui obéir.

- Ce n'est pas si simple. Il m'a dit que ma génitrice a fait une crise et doit être opérée ce lundi à tout prix. Selon lui, si j'accepte épouser Kessou, l'argent de la dot payerait pour l'opération. En plus de vouloir me renier, il m'a fait croire que c'est égoïste de ma part de laisser maman s'en aller alors qu'un simple oui à ce vieillard lui sauverait la vie. Comment trouver l'équilibre face à tout ça?

- Un autre pot de glace s'il vous plaît, lança Ismaël.