Ulcère
144 pages
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Ulcère , livre ebook

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Description

Nadia, fraîchement diplômée d'HEC Paris est contrainte de rentrer au Maroc sous la pression de sa famille.
Écartelée entre deux cultures, elle peine à se réadapter à une société conformiste et se jette à corps perdu dans un mariage express pour avoir la paix. Le joyeux mojito after-work du vendredi avec les copines se transforme en un amer thé à la menthe after-couscous avec la belle-famille. La jeune ulcéreuse est sur le point de renoncer à ses rêves de liberté quand deux tornades débarquent dans son existence étriquée : Yasmine, mère célibataire et féministe convaincue, et Amal, beurette délurée, fraîche et tranchante comme un bistouri...



L'auteure nous livre un regard critique à la fois tendre et acerbe sur la société marocaine, qui exerce une pression écrasante sur les femmes. C'est un hymne au courage de celles qui se battent dignement pour leur liberté et par qui le changement viendra inexorablement.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 avril 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334086967
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-08694-3

© Edilivre, 2016
Dédicace


A R’qqia, Fatima, Sanaa et toutes les autres…
Citation


« Une femme sans mari est un nid sans oiseaux »
– Proverbe marocain –


« J’ai souri. J’étais entourée de femmes fortes comme pour m’exhorter à suivre leur exemple : ma mère qui défia sa famille de notables en épousant l’homme qu’elle aimait, Amal qui s’était battue comme une lionne pour retrouver sa vie en France et Yasmine qui a fait le choix difficile de s’exiler à la recherche d’une vie meilleure. Et Nadia, l’ulcéreuse ulcérée ? Que va-t-elle devenir ?… »
Chapitre I Nadia Little
Je m’appelle Nadia Berrada et j’ai 35 ans. J’ai du mal à comprendre la manie des gens à fêter assidûment ces millésimes alors qu’en réalité, on s’est juste pris une année dans le fion. Certains devraient même en être interdits tant leur arrivée au monde est plus à classer dans les fâcheux incidents que dans les heureux événements…
A priori, on est censés, au gré des années qui passent, gagner en sagesse et en accomplissement de soi. Laissez-moi rire – LOL. Une aberration de plus. C’est la cata quand on se retrouve comme moi du mauvais côté de la trentaine et qu’on n’est toujours pas casée…
Je suis brune, mince et plutôt jolie, disons d’un charme ordinaire. Les gens ne se retournent pas sur moi et ça m’arrange bien. Un peu coincée sur les bords, je suis plus à inscrire dans le registre des intellectuelles, au grand dam de ma mère, que dans celui des bombes sexuelles, si vous voyez ce que je veux dire : de longues études coûteuses, cadre supérieur avec un salaire indécent et célibataire, ça, vous l’avez compris. Je suis aussi d’un réalisme abrutissant et d’un cynisme chronique, vous devrez faire avec.
* * *
Je suis née à Fès *, ville impériale plusieurs fois capitale du pays, dans une famille traditionnelle et relativement aisée ( L’histoire-géo pour les nuls , c’est plus bas).
Fès est ma madeleine à moi. J’y ai construit mes plus beaux souvenirs, d’abord parce que j’y ai vécu une enfance joyeuse mais aussi parce que les enfants ont cette espèce de faculté à être heureux naturellement. Quand on prend de l’âge, c’est une autre histoire.
Ça, c’est pour le décor.
J’ai grandi dans une maison dont la beauté était insoupçonnée tant les murs de la médina où elle se nichait étaient décrépis et ses ruelles sombres et exiguës. Je n’ai jamais pu m’empêcher de penser que des ingénieurs ingénieux voulaient surprendre le visiteur en cachant volontairement de pareilles perles dans des écrins d’une sobriété désespérante ; telle une belle Orientale qui se cacherait derrière son voile opaque et qui, en l’abandonnant, révélerait une beauté à couper le souffle (vous pouvez fermer la bouche maintenant). Notre belle orientale était une ancienne riad bien entretenue, baignée de la lumière si particulière du Maroc (vous voyez où c’est maintenant ? Félicitations). Du zellige * fin, spécialité artisanale de la ville, habillait les murs du sol au plafond avec ses fines faïences hautes en couleur. Au centre de la maison, il y avait quatre jardinets qui accueillaient des arbres fruitiers dont les branches s’entremêlaient en touchant le ciel : il y avait un vieux grenadier, un figuier, un citronnier et un oranger dont je me régalais des fruits gorgés de soleil dès que mes mains d’enfant ont pu les atteindre. Au couché du soleil, les oiseaux trouvaient refuge dans les branches des arbres dans un boucan assourdissant. Toutes les chambres de la maison dansaient autour de ce patio ouvert et accueillant.
Ça, c’est pour la carte postale.
J’adorais la médina, dont je parcourais quotidiennement les rues sinueuses et les dédales qui sentaient bon le pain chaud et le cuir. Avec mes couettes et mon cartable bien trop grand pour mon petit gabarit, je scrutais les artisans qui travaillaient le cuivre et le bois dans leurs petites échoppes obscures en sirotant du thé à la menthe et en se racontant des blagues salaces dont je ne comprenais heureusement pas grand-chose.
J’aimais parcourir le chemin de l’école en croisant les petits ânes qui luttaient dans les montées avec leurs charges impressionnantes de peaux ou de laine (les défenseurs de la cause animale repasseront, merci). J’aimais faire la course avec mes petites voisines en portant les planches à pain sur lesquelles nos mères avaient disposé des pâtes rondes longuement et savamment pétries, pour finir dans la bouche brûlante de l’unique four du quartier. Je priais dans ma course folle tous les saints de la ville pour ne pas mordre la poussière car en plus de m’écorcher les genoux, ma mère me ficherait une correction à la hauteur du gâchis. Je savais la chose sacrée et mon père répugnait à manger un autre pain que celui de ma mère…
J’ai toujours été impressionnée par le talent de Mustapha à ne jamais se tromper de pain ni de planche même s’il ne buvait pas que du thé. Il avait une capacité à tenir devant sa fournaise pendant les longs mois d’été où les températures frôlaient parfois les 50 °C. Il aimait répéter à ceux qui le plaignaient ou le réprimaient pour son « mauvais penchant » que Dieu allait dans sa grande miséricorde lui épargner la géhenne dans l’au-delà parce qu’il l’avait connue sur terre.
Au retour de l’école, j’aimais signaler bruyamment ma présence en cognant de toute la force de mes bras frêles la main de Fatma suspendue contre notre belle porte en cuivre et bois massif. J’aimais entendre le pas lourd et claudiquant de dada * Rahma, qui arrivait comme chaque jour en pestant contre sa charge de travail, les exigences de ma mère, ses membres qui la faisaient souffrir, ces satanés oiseaux qui venaient chier sur le patio qu’elle venait de nettoyer et cette maudite porte que j’allais fendre en deux.
L’instant d’après, j’étais serrée contre sa poitrine généreuse et réconfortante qui sentait bon le musc. Des élastiques se croisaient dans son dos et retroussaient ses manches dans une savante technique. Les pans de son caftan étaient retenus dans sa large ceinture brodée. Elle se précipitait ensuite pour couvrir son corps vieillissant dès que mon père rentrait du travail.
Elle me servait des galettes au miel et un verre de lait à la fleur d’oranger dans le patio et me gratifiait de son sourire bienveillant. Elle me posait toujours les mêmes questions sur l’école et me répétait que j’étais chanceuse d’y aller, que je n’avais d’autre choix que d’exceller pour être une femme libre. Je ne comprenais pas toujours ces propos ni son air triste à ces moments-là. Je ne savais rien d’elle ni de sa vie, juste qu’elle était là depuis toujours et que je l’aimais comme une deuxième maman.
Pour m’amuser je n’avais pas de Nintendo ni de Barbie. Comme toutes les petites filles, je jouais à la princesse en me glissant dans un vieux caftan que ma mère avait délaissé et en portant quelques bijoux en toc. J’observais le manège des petites fourmis dans le patio et m’amusais à leur barrer le passage ou les écraser avec cette cruauté infantile. Le plaisir ultime était de regarder quelques dessins animés en arabe sur notre téléviseur noir et blanc à l’image brouillée en raison d’une colonie de cigognes qui avait élu nid fixe sur notre antenne télé. Encore aurait-il fallu que ma mère soit bien lunée pour nous laisser la clé de la télé (seuls les plus de 30 ans peuvent comprendre) qu’elle planquait systématiquement dans son soutif. Je n’étais que très rarement autorisée à inviter des copines car ma mère ne trouvait pas leurs familles assez dignes de nous et encore moins à jouer à la marelle avec les voisines car les filles de bonne famille (moi) ne devaient pas traîner dans les rues. Mon frère, lui, n’était encore qu’un marmot ennuyeux à la tête difforme qui passait son temps à brailler de toutes ses cordes vocales, accroché à longueur de journée à ma mère comme un bébé koala.
Les longs mois d’été, nous les passions cantonnés dans les chambres pour nous abriter de la chaleur étouffante. Le patio se transformait en une poêle géante et toute espèce vivante le désertait. Je passais le temps à rêvasser en lisant les romans-photos et les grands classiques littéraires que mon père me ramenait de chez le vieux libraire, histoire d’améliorer mon niveau et intégrer plus tard le collège français de Casablanca.
À de rares exceptions, mon père, bien qu’il abhorrât les vacances et tout le déménagement qui s’ensuivait, cédait devant mes supplications et les jérémiades de sa dulcinée et concédait à trimballer femme, enfants et domestique à Safi – petite bourgade en bord de mer –, où ma famille possédait une maison secondaire, rare privilège à l’époque.
Ça, c’est pour les souvenirs.
Je passais alors l’été à dorer mon corps androgyne sous une pluie de remontrances maternelles, elle qui ne jurait que par la blancheur immaculée comme critère absolu de la beauté féminine. Son intuition avait dû la conforter dans l’idée que ni ma maigreur ni ma carnation brunâtre, encore moins ma curiosité insatiable, ne feraient de moi une candidate idéale au mariage.
Ça, c’est la réalité.
* * *
Dada : Esclaves d’origine noire-africaine, ces femmes vivaient à temps plein dans les familles aisées, s’occupaient des tâches ménagères et élevaient les enfants sans percevoir de salaire. Elles avaient pour la plupart été enlevées enfants à leurs familles pour être vendues sur les marchés à bestiaux. Bien que l’islam ait décrié l’esclavage, cette pratique persistait dans le Maroc d’antan. Elle a pris un nouveau visage, celui du travail des petites bonnes dans les foyers contemporains, dénoncé par nombre d’associations.
* Fès est une ville du Maroc central, située à 180 kilomètres à l’est de R

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