Un baiser sur la falaise
178 pages
Français

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Un baiser sur la falaise , livre ebook

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Description

«?Ce serait un baiser différent de celui qu'il donnait à la fille qu'il espérait entraîner dans le bois, mais Marie n'était pas n'importe quelle fille : c'était Marie, il l'embrassait, pas pour la conduire dans le bois. Marie s'effondra dans ses bras, il la soutint, caressa doucement ses joues, l'embrassa. Il plongea son regard dans les yeux de Marie pour chercher la lueur, l'étincelle, la flamme qu'instinctivement il pensait y trouver. Ce fut autre chose, mais tout aussi beau.?» René Bard dresse le tableau d'une génération éduquée strictement dans le respect des bonnes mœurs, avant l'époque de la libération sexuelle. Il raconte l'histoire de Jacques, un employé respecté dans une usine de découpe du bois et de fabrication de meubles, membre du parti communiste et passionné de pêche. Celui-ci donne des leçons de soutien scolaire à Marie, à peine plus jeune que lui, pour la préparer à l'examen du baccalauréat. Les parents de la jeune fille veillent de très près à son éducation et à son bien-être. Les deux amoureux font durer le jeu de séduction avant de s'avouer leurs sentiments, sous le regard bienveillant des adultes. L'auteur parvient à rendre compte des émotions contradictoires et des élans passionnés de ceux qui s'aiment sans le savoir.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 janvier 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342158502
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un baiser sur la falaise
René Bard
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Un baiser sur la falaise

Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
Livre I C’est la vie
1
Le vent soufflait fort. Les arbres balançaient leurs branches à peine feuillues et Jacques, assis sur le siège passager de la voiture, imaginait que les arbres saluaient son passage en s’affrontant à des rafales parfois violentes. Dans le ciel couraient des nuages blancs, ballonnés, traînant des queues effilées. Elles s’ouvraient sur des espaces bleus, éclairés par les clartés dorées des rayons d’un soleil invisible. La voiture montait sans peine, malgré le poids à l’arrière du véhicule avec tous les pots de colle et les outils. Par endroits, les forêts d’arbres serrés étaient coupées jusqu’à la cime des monts par des avalanches de rochers. Là-haut, se déroulait le sentier que Jacques empruntait pour randonner ou aller à la pêche dans le ruisseau coulant sur le versant opposé. Henri quitta la route nationale et engagea son véhicule, à gauche, sur une chaussée étroite, mal entretenue, vers un hameau de quelques maisons autour de la mairie à laquelle s’accolait l’école. Devant la dernière habitation, avant que la route, transformée en chemin de terre, ne se perdît dans le lointain, deux personnes les accueillirent, une femme et un homme, âgés, l’épouse et son mari. Ils le connaissaient car ils l’embrassèrent sur les deux joues. Jacques eut droit à une poignée de main amicale.
Le seuil de la maison donnait sur une vaste pièce à la fois cuisine, salle à manger, bureau dans un coin. L’ameublement était caractéristique des habitations de campagne : le buffet, immense, brillait de tous ses feux tant il était ciré ; il paraissait si solide qu’il devait résister à n’importe quel incendie. Henri tapa du pied sur le sol, ce qui amusa la dame. Elle expliqua :
« Mon fils nous a offert ce plancher, l’a lui-même mis en place. Nos volailles n’ont plus le droit d’envahir le sol, auparavant de terre battue, et son père, ajouta-t-elle en indiquant l’homme d’un coup de menton, a été contraint d’aménager une basse-cour.
— Que devient Paul ? demanda alors Henri.
— Il travaille à la SNCF, répondit le vieil homme, milite dans un syndicat et au Parti, je crois.
— Nous le voyons rarement, ajouta la femme, mais c’est notre petit, et je pense à lui tout le temps.
— Non seulement elle pense, mais elle parle !
— Et toi, tu n’en parles pas, peut-être ? se rebiffa sa femme. »
Jacques comprit qu’il assistait à une chamaillerie sans importance, il n’était qu’à voir leurs visages réjouis auxquels se joignait le sourire amusé d’Henri. Lui aussi, pourtant, avait des soucis avec Marie, sa fille. Il arrivait régulièrement à Jacques de dîner le soir chez Rosalie. Il assistait à des querelles aigres, vives parfois, entre la mère et la fille, auxquelles Henri mettait fin en expédiant Marie dans sa chambre. Haussant les épaules, elle obéissait en proférant :
« Oh ! Toi, avec ton Parti ! »
« Marie est impossible, disait Henri. La seule personne qui a du pouvoir sur cette gamine de quinze ans bientôt, c’est son petit frère – 4 ans – qui fait d’elle ce qu’il veut. Un jour, elle a crié contre lui ; il ne s’est pas démonté, a crié aussi, l’air de dire : Je peux crier plus fort que toi ! Elle gagne parfois. »
Jacques se souvenait de cette séance du Parti : le téléphone avait sonné. Henri avait pris la communication, s’était excusé d’un mot, avait quitté la réunion en disant : « Ma fille ! » Le vieux camarade, un ancien député, qui présidait la séance, expliqua :
« Henri a de gros problèmes avec sa fille et son épouse n’en vient pas toujours à bout. »
 
Henri indiqua alors à ses hôtes la raison de sa visite :
« Avec mon camarade, nous affichons pour la campagne électorale.
— Je m’en doute, fit l’homme, Roger ; avec ma femme Marthe, nous écoutons la radio. Si je peux rendre service ?
— Avec plaisir, nous roulons depuis ce matin et nous avons encore à afficher, dans beaucoup de villages.
— Veux-tu manger avec nous ? l’invita Marthe.
— Non ! déclina Henri, nous sommes attendus à Saint-Romane. Je vous donne deux ou trois affiches, un paquet de tracts, un pot de colle et nous continuons notre route. »
Jacques avait évidemment noté que Marthe avait seulement invité Henri ; dans la voiture, il lui en fit la remarque.
« Tu prends tout à l’envers, comme d’habitude, répliqua Henri, Marthe nous a invités tous les deux, elle ne t’aurait pas laissé grignoter un croûton sur le perron ! »
Ce n’était pas la première fois que Jacques se méprenait ainsi. Au début, Henri prenait la mouche jusqu’à ce qu’il sût qu’il ne s’agissait ni de fautes, ni de maladresses, mais l’expression du caractère foncier de Jacques, son besoin de vérité, de pureté. Cet ancien député qui présidait les séances avait observé :
« Corrige chez lui ce qui n’est qu’inexpérience. C’est un garçon sérieux… Marx, auquel il fait parfois allusion, aurait été ravi de posséder un élève comme lui. »
De retour sur la route principale, il était midi passé, Henri gara le véhicule sur un terre-plein aménagé en bord de chaussée. Il y avait une grande table de bois, les pieds fixés au sol, flanquée de deux bancs. Le tout était encerclé par la forêt. Au pied d’un arbre, une poubelle.
« Tu connais ? s’enquit Henri.
— J’ai vu ce coin, en allant en montagne, mais je ne m’y suis jamais arrêté.
— Les chasseurs de sangliers, les chercheurs de champignons s’y retrouvent. »
Ils s’installèrent l’un en face de l’autre autour du repas froid préparé par Rosalie : beaucoup de charcuterie, des œufs durs, de la salade verte pour accompagner la tranche de viande froide tartinée de moutarde, du fromage, un paquet de noix, avec la bouteille de vin et la gourde d’eau, compagne de Jacques dans ses excursions ou ses parties de pêche. Jacques avait adhéré au Parti depuis peu de temps et il avait besoin d’éclaircissements : il n’était pas toujours facile de comprendre et d’accepter certaines idées, certaines affirmations. Lors de ses études, en classe de Philosophie, le professeur avait vaguement évoqué Karl Marx et son ouvrage : Le Capital. Il savait maintenant que plus d’une leçon serait nécessaire pour parvenir à comprendre ce livre. Un soir, Henri l’avait surpris en train de feuilleter le premier tome de l’ouvrage, l’avait félicité, encouragé.
« Moi, lui avait-il dit, il m’a fallu assister à plusieurs écoles du Parti pour arriver à saisir l’essentiel de la pensée de Karl Marx ou de Frédéric Engels, ce philosophe contemporain de Marx, et son ami. Je me souviens, continua Henri de cette leçon à laquelle je n’avais pas saisi grand-chose, ces termes que je connaissais mais qui ne me disaient rien : force de travail, valeur, plus-value. Après la leçon, j’ai ouvert une encyclopédie. Définition de la plus-value : "somme que vaut une chose au-delà de ce qu’on la prise ou achetée." Pour moi, c’était du charabia. Inintelligible ! J’ai revu l’instructeur. Patiemment, il m’a expliqué à nouveau : ce n’est pas son travail que vend l’ouvrier, c’est sa force de travail, c’est-à-dire ce qui est nécessaire pour entretenir et reproduire sa capacité (sa force) de travail : nourriture, habillement, logement, etc. Pour le patron, ce que vend l’ouvrier, c’est son travail pour lequel il reçoit un juste salaire. Que je m’explique plus simplement : quand un ouvrier travaille huit heures – s’il a du travail – quatre heures suffisent pour reproduire ou renouveler sa force de travail, il travaille quatre heures gratuitement, ce qui produit la plus-value patronale. » Henri allait utiliser le mot « Capitaliste », Jacques ne lui en laissa pas le temps, il changea le sujet de la conversation, le questionna sur ce qui le turlupinait depuis le début de la campagne électorale :
« Crois-tu, Henri, que notre candidat a des chances d’être élu ?
Henri secoua la tête de gauche à droite en levant les yeux au ciel :
— Encore des questions naïves ! Comment veux-tu que je sache quel sera le résultat ? D’ailleurs, actuellement, j’ai autre chose à penser.
— Mais ?
— L’important pour moi et pour tous les membres du Parti, c’est ça, fit-il en montrant du doigt son automobile : les affiches, les tracts et, aussi, les réunions publiques, les entretiens avec les uns et les autres. La période de l’élection permet de mieux réfléchir, d’ouvrir les yeux des femmes, des hommes du pays. Nos adversaires et concurrents, ceux de la Droite, ne s’y trompent pas : pour eux, le danger, c’est le Parti. Quant à l’élection, l’important sera le score ; plus de voix pour nous, plus nous aurons de forces pour nous battre dans l’intérêt des travailleurs.
— En somme, dit Jacques, que notre candidat soit élu ou non, n’est pas l’essentiel.
— Tu le fais exprès ! répondit Henri, amusé. – Quelque temps auparavant, il serait monté sur ses grands chevaux. – Mais si, l’essentiel, s’il est élu, ce sera la preuve que notre Parti a progressé, a obtenu beaucoup de voix. Maintenant, assez discuté, croque tes noix, il nous faut y aller. »
La route grimpait vers les sommets par une succession de raidillons suivis de courtes descentes ; Jacques l’imaginait tel un serpent à la longueur illimitée, se faufilant au milieu des taillis, des arbres. Henri ne disait mot, concentré sur la conduite du véhicule. De temps à autre, Jacques jetait un regard sur son profil aux traits ma

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