Un procès à la campagne
142 pages
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Un procès à la campagne , livre ebook

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Description

Dans une campagne très traditionnelle, marquée par le souvenir de la Deuxième Guerre mondiale, des intellectuels passent un week-end dans " Le Moulin " appartenant à deux d'entre eux. Mai 68 est très proche et la reconnaissance du fait homosexuel, l'une des grandes transformations sociales de l’époque, encore assez discrète...

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Informations

Publié par
Date de parution 16 septembre 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332606952
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-60693-8

© Edilivre, 2013
Avertissement
Charles-Marie Vermion a quitté Paris en 1981, au moment des élections présidentielles. Je crois qu’il n’a pas attendu le deuxième tour et qu’il s’est embarqué à Rouen pour la Nouvelle-Zélande à bord d’un porte-conteneurs. Il rêvait depuis longtemps de voyager « dans la cabine de l’armateur » et se réjouissait d’une longue traversée. Il pensait sérieusement que le XX ème  siècle avait aboli les voyages en supprimant, non seulement les distances, mais surtout la lente accommodation qui permettait autrefois au voyageur de s’imprégner à l’avance des autres civilisations. Au fond, le XIX ème siècle était son siècle de prédilection. Il s’imaginait souvent empruntant un train luxueux jusqu’à Venise, puis un paquebot jusqu’en Chine, avec quelques escales impossibles à Aden ou à Madras. Son départ dût-il quelque chose aux circonstances ? Je ne le pense pas. Il s’était mis en relation depuis longtemps avec la Compagnie de navigation du Pacifique et il n’attendait que l’occasion propice. Je ne peux cependant pas m’empêcher de penser que le mal de partir devait être bien fort en lui pour le pousser à abandonner Paris au moment où le changement politique qu’il espérait si intensément allait se produire. « Si la gauche l’emporte », disait-il volontiers, « je ne resterai pas sur le rivage, je prendrai mes responsabilités, il y a quand même des choses qui changeront ». L’ancien gauchiste, toujours resté indépendant, mais naguère très lié aux Maos de Vincennes, faisait alors sourire autour de lui et il ne semblait pas s’en soucier. A-t-il suivi les informations pendant son voyage, c’est très probable. A son arrivée à Auckland, le deuxième gouvernement Mauroy était déjà formé et il a dû normalement trouver au siège de la compagnie plusieurs lettres que lui avaient adressées certains de ses amis devenus plus au moins ministres et lui proposant de revenir à Paris. Il n’a jamais répondu et de nombreuses démarches permirent seulement d’apprendre que, parvenu à Auckland, il avait passé quelques minutes au siège de la compagnie, puis s’était perdu dans la foule. Sans nouvelles de lui depuis lors, ses amis peuvent seulement épiloguer sur les raisons qui l’ont poussé à disparaître. Peut-être le manuscrit qu’il nous avait laissé avant son départ en nous demandant « d’en faire ce que nous voulions, ça n’a aucune importance » contient-il les clés de l’énigme. Le lecteur en jugera et, peut-être un jour, le spectateur. Je ne peux, pour ma part, m’empêcher de le penser. Non que, dans ce texte, quoique ce soit indique une pareille intention, mais plutôt en raison du sombre désespoir que masque à peine un humour féroce et qui a donné le frisson à certains de ceux qui ont eu la pièce entre les mains.
Un grand comédien, de surcroît bon metteur en scène, m’a dit après l’avoir lu : « Si c’est ça la vie, à quoi bon faire du théâtre ! ». Lui qui aimait beaucoup Charles-Marie a littéralement détesté la pièce. D’autres n’y ont vu que des règlements de compte, admettant seulement que l’auteur était parmi ses propres victimes. En général, seuls ceux qui n’ont pas connu Charles-Marie ont aimé la pièce, certains d’entre eux passionnément, et c’est ce qui nous a décidé à la faire paraître, un peu comme un hommage à un disparu. Et puis notre ami n’est pas parti tout seul : son absence, la gauche, le temps ont dispersé toute une petite société dans laquelle nous avions vécus et qui lui a servi plus ou moins de modèle pour son « Procès à la campagne ». Nous relisons aujourd’hui ce texte avec une nostalgie qui noue la gorge et donne envie de pleurer. Certains parmi nous n’ont même pas pu le terminer, le sentiment du temps perdu étant porté à son paroxysme par une écriture si proche de la réalité qu’elle la fige dans une sorte d’angoisse mortelle – comme c’est d’ailleurs littéralement le cas à la fin du deuxième acte. C’est sans doute ce trait qui caractérise le mieux l’écriture de Charles-Marie. L’auteur rejoint par là tout un théâtre de la quotidienneté dont il s’est manifestement inspiré et sa réussite, si elle existe, se mesure comme toujours pour cette forme d’expression, à sa cruauté. Tout art, il est vrai, est cruel et la beauté ne rejoint le bien qu’à l’infini de l’horizon. Il reste seulement à savoir si, d’un quotidien plus ou moins travesti, peut naître une représentation authentique de la réalité psychologique et sociale d’une époque. C’est ce dont on peut certainement discuter ici. Pour commencer, y-a-t-il vraiment des personnages dans ce Procès ? Pour ma part, j’en doute fort car chaque personne semble prisonnière d’un langage qui la définit tout entière, non sans stéréotype – mais peut-être en va-t-il parfois ainsi dans la vie ? Y-a-t-il davantage de rapports entre les personnages ? Je ne le crois pas. Tout semble réglé d’avance, la sinistre comédie n’étant qu’une farce répétée sans cesse et dont l’image finale, lorsque la machinerie du moulin se met en marche comme par accident, révèle l’absence profonde de sens – mais, penseront certains, la vie n’est-elle pas ainsi ? Alors que je relisais le manuscrit pour l’impression, cette double question, liée aux enchaînements de personnages, m’a conduit à repenser aux années que nous avions vécues ensemble, à l’époque du moulin comme nous disons désormais, ou encore à l’époque de Charles-Marie comme disent certains d’entre nous. Dans notre souvenir, le plus fascinant est l’atmosphère qui régnait alors parmi nous. Nous vivions dans la conviction qu’un changement fondamental de la société était en cours, non pas nécessairement sur un mode politique, mais plutôt comme une profonde mutation dans les consciences.
Certes, Mai 68 avait très vite trouvé ses limites dans l’événement et, même parmi nous, il arrivait déjà que l’un ou l’autre élevât une parole sacrilège contre nos journées révolutionnaires. Le mouvement étudiant n’avait-il pas mis en cause le savoir, tout mis à plat, tourné le dos à une véritable réforme de l’Université ? Ces critiques – qui devaient avec le temps s’aiguiser et se généraliser – ne nous atteignaient guère. Nous savions que l’essentiel était d’un autre ordre, un saut qualitatif de l’esprit, une mutation, qui nous interdisaient désormais d’envisager la vie comme autrefois. Qu’il s’agisse des rapports avec les jeunes, les étudiants ou de notre place d’intellectuels dans la société, tout nous semblait alors changé, pour toujours. Naturellement, les choses étaient pour l’instant restées en place mais on pourrait subvertir les institutions de l’intérieur et, selon le mot de la Kollontaî, la compagne d’armes de Lénine, on bâtirait un monde où on ferait l’amour comme on boit un verre d’eau. Car cette révolution intéressait les mœurs au premier chef et la « libération » des homosexuels apparaissait indissolublement liée « au mouvement ». Elle n’était pas admise facilement dans tous les milieux gauchistes, et des discussions sévères s’engageaient quelquefois sur le caractère politique ou non de la question homosexuelle, mais celle-ci prenait de plus en plus d’ampleur, changeait progressivement de sens, toute une jeunesse semblant promise au jardin, jusque là peu exploré, des délices de la bisexualité ! Ces termes barbares – jusqu’à l’hétérosexualité qui bouleversera tant de familles bourgeoises quand elles apprirent au début des années 70 que tel était désormais le nom donné par la jeunesse aux pratiques « normales » – ces termes effrayaient bien un peu mais on ne prit pas le temps d’en inventer d’autres, ce qui pourtant eût été facile. Par comparaison, il est vrai, pédéraste, comme par un retour aux sources, fleurait bon, ou plus souvent mal, la pédophilie. Bref, des discussions s’ouvraient encore, notamment sur l’âge de la majorité sexuelle, assez bas finalement en France avec ses 15 ans, mais qui descendait plus bas encore, disait-on, au Luxembourg par exemple – ce que personne n’est jamais allé vérifier. Toutefois, l’essentiel était ailleurs, l’homosexualité était lourde de sens, elle contribuerait de façon peut-être décisive aux changements espérés. N’était-elle pas le symbole de la révolte au sein des familles ? Ne donnait-elle pas lieu traditionnellement à la répression de l’appareil d’Etat, y compris l’appareil idéologique d’Etat – ennemi sans frontière qu’on avait baptisé AIE, sigle qu’illustrèrent tant d’ouvrages écrits sur le vif à cette époque et aujourd’hui tombés dans l’oubli. L’homosexualité était, dans sa nature et dans sa pratique, « transversale » : l’idée plus ou moins fumeuse fit même à peu prêt à elle toute seule l’objet d’une thèse d’Etat de philosophie à Vincennes devant un jury partagé dans ses goûts, mais unanime dans son admiration pour les brefs travaux que l’impétrant, futur romancier de renom, avait hâtivement rassemblés pour la circonstance. Cette transversalité était l’arme secrète des intéressés : leurs goûts les portaient vers d’autres classes sociales, d’autres groupes ethniques, et les verrous d’une société bloquée sautaient ainsi les uns après les autres. Le champ d’expérience était immense, l’homosexualité ayant depuis toujours fasciné les hommes sur tous les rivages de la Méditerranée mais s’étant également répandue dans les pays du Nord, à l’abri d’un puritanisme ambigu. Si l’argent s’en mêlait, ces amours restent fréquemment vénales, ce n’était pas si grave : l’argent n’était qu’après tout qu’un grand échangeur, selon la formule très datée qu’utilisa notre philosophe vincennois dans sa thèse complémentaire – une série d’articles parus dans le journal du FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire).
La transformation de la société prenait ai

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