Une haine au bagne
1090 pages
Français

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Une haine au bagne , livre ebook

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Description

Pierre Zaccone (1818-1895)



"À l’heure où la nuit tombe dans les rues de Paris, où les fenêtres s’allument et brillent de toutes parts, depuis le rez-de-chaussée jusqu’à la mansarde, où les passants glissent comme des ombres dans les demi-ténèbres qui estompent les maisons de tons grisâtres ; à cette heure, cent mille drames se jouent à la fois sur ces cent mille théâtres qui étincellent, drames sombres et terribles qui se passent derrière la toile, où nul spectateur n’assiste, qui se nouent dans l’orgie, se déroulent dans le vice et ont tous pour péripéties la faim, la douleur, le suicide ou le crime ?... Et ces drames, que nul ne voit, sont autrement émouvants que tous ceux où se démènent à froid des hommes payés pour peindre la fureur ou le désespoir, car, dans ceux-là, c’est une fureur vraie qui tord les muscles de l’acteur, c’est le désespoir seul qui imprime la pâleur sur son visage, et, lorsqu’il tombe mort, ce n’est plus pour aller se reposer dans la coulisse ; car la coulisse, pour lui, c’est la tombe !...


Par une soirée du mois de février 1845, dans un petit salon simplement meublé, situé au fond d’un des plus élégants hôtels de la rue d’Aumale, un de ces terribles dénouements se préparait.


Un jeune homme était là, écrivant à la lueur de deux bougies, et la rapidité fiévreuse avec laquelle la plume courait sur le papier accusait la violence de l’émotion à laquelle il était en proie."



Quelques forçats s'évadent du bagne de Toulon et arrivent à Paris. Leur chef, Blondlel, a bien l'intention de solder ses comptes avec le comte de Précigny, le frère de la femme qu'il a toujours aimée...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782374639130
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une haine au bagne
 
 
Pierre Zaccone
 
 
Mai 2021
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-913-0
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 912
I
La mort du comte de Burty
 
À l’heure où la nuit tombe dans les rues de Paris, où les fenêtres s’allument et brillent de toutes parts, depuis le rez-de-chaussée jusqu’à la mansarde, où les passants glissent comme des ombres dans les demi-ténèbres qui estompent les maisons de tons grisâtres ; à cette heure, cent mille drames se jouent à la fois sur ces cent mille théâtres qui étincellent, drames sombres et terribles qui se passent derrière la toile, où nul spectateur n’assiste, qui se nouent dans l’orgie, se déroulent dans le vice et ont tous pour péripéties la faim, la douleur, le suicide ou le crime ?... Et ces drames, que nul ne voit, sont autrement émouvants que tous ceux où se démènent à froid des hommes payés pour peindre la fureur ou le désespoir, car, dans ceux-là, c’est une fureur vraie qui tord les muscles de l’acteur, c’est le désespoir seul qui imprime la pâleur sur son visage, et, lorsqu’il tombe mort, ce n’est plus pour aller se reposer dans la coulisse ; car la coulisse, pour lui, c’est la tombe !...
Par une soirée du mois de février 1845, dans un petit salon simplement meublé, situé au fond d’un des plus élégants hôtels de la rue d’Aumale, un de ces terribles dénouements se préparait.
Un jeune homme était là, écrivant à la lueur de deux bougies, et la rapidité fiévreuse avec laquelle la plume courait sur le papier accusait la violence de l’émotion à laquelle il était en proie.
C’était un homme de vingt-deux ans à peine, dont les traits sérieux et l’air blasé trahissaient cette expérience hâtive de la vie qui distingue aujourd’hui la jeunesse parisienne, et la marque d’un cachet particulier ; il avait la moustache et les cheveux blonds, les yeux d’un bleu foncé, le front bien dessiné, mais dans la physionomie quelque chose de flottant et d’irrésolu qui annonçait un caractère à la fois faible et impressionnable, une nature ardente, facile à tous les entraînements, puissante pour la satisfaction de ses appétits.
Autour de lui tout accusait une vie de luxe, des habitudes de plaisir et des instincts artistiques ; c’était ici une panoplie où brillaient des armes rares, des boucliers, des cottes de mailles, des hauberts, des dagues et des épées dont les coquilles à jour étaient travaillées comme des dentelles : plus loin, des bronzes de Barye, des réductions de l’antique, une petite bibliothèque contenant une centaine d’ouvrages introuvables, et mille futilités ruineuses éparses dans un désordre qui eût révolté l’œil d’un collectionneur et ravi celui d’un artiste.
Il allait commencer une troisième lettre lorsqu’un coup de sonnette se fit entendre. Distrait un moment par ce bruit, il se remit aussitôt à écrire, mais un second coup vint de nouveau l’interrompre.
–  Ah ! dit-il avec un triste sourire, j’oubliais que j’ai donné congé à Jean et que je lui ai même recommandé de ne pas rentrer avant minuit.
Il se leva et alla ouvrir.
Un instant après il revenait avec un jeune homme qui devait avoir quelques années de plus que lui, et dont toute la personne formait avec la sienne le plus parfait contraste.
Le nouveau venu était brun, d’une taille un peu au-dessus de la moyenne, mis avec une recherche et surtout un confortable un peu bourgeois. Autant il y avait d’abandon et de négligence dans la toilette de son ami, autant celui-ci était rigoureusement soigné jusque dans les plus petits détails d’une tenue irréprochable, au point de vue de la convenance.
–  Bonjour, Paul, dit le maître de la maison en tendant sa main ouverte au visiteur.
–  Bonjour, Maxime, dit celui-ci en répondant à cette avance amicale avec une hésitation dans laquelle perçait une certaine déférence.
–  Tu es toujours heureux, toi, reprit Maxime en approchant un siège du sien et faisant signe au jeune homme d’y prendre place, le calme de ta vie se reflète si éloquemment sur ton visage, qu’on se sent porté à envier ton existence sans la connaître.
–  Que je puisse être un sujet d’envie pour qui que ce soit, voilà déjà qui est fort douteux, mais, à coup sûr, ce ne saurait être pour le brillant Maxime de Brescé, dont les plus fiers lions du Boulevard de Gand se font un point d’honneur d’imiter le luxe, le goût et l’élégance.
–  Et pourtant, rien n’est plus vrai, répliqua Maxime, et je donnerais sans hésiter dix années de ma vie pour échanger ma destinée contre la tienne.
–  En vérité, dit Paul en souriant, tu voudrais échanger ton andalous pur sang contre une place au comptoir, où je passe douze heures tous les jours ; ta vie indépendante contre un abrutissant esclavage ; tes cinquante mille livres de rente contre mes six mille francs d’appointements !
–  Avec tes six mille livres de rente, tu trouves le moyen d’être heureux, n’est-ce pas ?
–  Non seulement je suis heureux, mais je fais des heureux ; quatre mille francs suffisent et au delà à mes besoins personnels ; j’ai donc par an un superflu de deux mille francs. Eh bien ! ce superflu a trouvé son emploi, il me sert à élever une fille de ma sœur, pauvre femme rivée pour la vie à un misérable dont les vices la réduisent à une incurable misère, et qui subit sa destinée avec une résignation héroïque ; une seule chose pouvait adoucir son désespoir : c’était la pensée de savoir sa fille à l’abri du sort auquel elle semblait fatalement destinée, et cette suprême consolation, j’ai pu la lui procurer en me chargeant de son enfant. – Il y a cinq ans, elle en avait dix alors, je l’ai placée dans un pensionnat, où avec mille francs je paye les frais de son instruction et de son entretien. Depuis la même époque, je mets tous les ans mille francs de côté pour lui constituer une dot qui, avec les intérêts, s’élèvera à un chiffre respectable lorsqu’elle atteindra sa vingtième année ; ce qui me permettra alors de lui trouver un mari, non pas riche et brillant, mais avec une position modeste et solide, offrant toutes les conditions possibles de bonheur et de sécurité.
Le vicomte Maxime de Brescé avait écouté ces détails d’un air sombre et avec tous les signes d’une profonde agitation intérieure.
–  Mais je termine, dit Paul, se méprenant sur le sentiment qui assombrissait les traits du jeune homme.
–  Je te trouve admirable, et plus que jamais, je le répète, je voudrais être à ta place, dit le vicomte avec une chaleur qui attestait l’énergie de sa conviction.
–  Comment ! dit Paul, toi...
–  Oui, moi, vicomte de Brescé, je renoncerais, non seulement sans hésiter, mais avec transport, à mon nom et à mon rang pour le nom et la position de Paul Mercier, le plus modeste, mais le plus noble, le plus honorable de mes camarades de collège.
–  J’avoue que j’ai peine à croire ce que j’entends, dit le jeune homme avec l’expression de la plus vive surprise.
–  Écoute donc, reprit Maxime d’un ton pénétré.
Et, tirant de sa poche une lettre dont la suscription, écrite en caractères menus, délicats, un peu allongés, trahissait une main de femme.
–  Cette lettre est de ma sœur, qui habite la province avec ma mère, ajouta-t-il ; écoute ce qu’elle m’écrit :
 
« Cher et excellent frère, tu passeras donc ta vie à te créer des tourments imaginaires, à te trouver des torts qui n’existent que dans ton esprit et prennent leur source dans une délicatesse portée à l’excès ? À quoi bon toutes ces explications pour un retard de quinze jours dans l’envoi de notre rente, et qu’avons-nous besoin de tous les détails dans lesquels tu crois devoir entrer pour rassurer notre bonne mère sur le placement de la petite fortune qu’elle a sauvée du naufrage ? Ne sais-tu pas que sous ce rapport comme sous tous les autres, elle a une foi entière dans ta prudence, et s’en rapporte beaucoup mieux à toi qu’à elle-même ? Tu crains que ce retard ne nous gêne ; rassure-toi, dix mille francs de rente sont

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