Vaches qui rient
206 pages
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Vaches qui rient , livre ebook

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Description

L'installation d'une ligne haute tension dans une campagne provoque un gigantesque bouleversement. Loin de causer aux animaux les dommages que l'on craint, elle semble au contraire les guérir, leur donner force, bien-être et vigueur reproductrice ; et il en va de même pour les villageois ! Il s'ensuit une libération des mœurs qui tourne au chaos, et dont l'Église, qui s'en mêle, ne sait si elle doit s'en inquiéter ou en profiter.
Le groupe d'amis qui remettra un peu d'ordre, sans toutefois perdre la joie de vivre retrouvée, aura fort à faire !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 juin 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414078783
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-07876-9

© Edilivre, 2017
I
Alexis se débarrassa de ses bottes sur le seuil et enfila des sabots avant d’entrer. Il se dirigea vers la longue table de chêne qui occupait le centre de la cuisine et s’affala sur le banc. Marie, sans même le regarder, sentait la lassitude dans ses épaules et ses reins, le découragement de ses mains fatiguées posées à plat sur le bois ciré. Elle plaça un bol devant lui, coupa quelques tranches de pain qu’elle disposa dans une corbeille, apporta le saucisson et le fromage, un couteau et la planche à découper, puis retourna chercher la cafetière.
– On dirait qu’il va faire beau, dit-elle d’un ton neutre en versant le café dans le bol.
Alexis regarda par la fenêtre, comme s’il ne venait pas de rentrer. Le soleil matinal caressait le sommet des monts arrondis du Morvan, quelques petits nuages légers naviguaient dans le ciel bleu.
– Ouais, dit-il. Pour ce que ça nous profite…
Marie prit son temps.
– Les vaches ? demanda-t-elle après quelques secondes de silence.
– Deux de plus, fit Alexis. Ça fait six maintenant. Dont quatre qui sont pleines. Il aurait fallu tout vacciner avant, dit le vétérinaire : comme si on savait que ça allait arriver, cette saloperie !
– Elles vont avorter ?
– Peut-être pas, ça dépend où elles en sont de la gésine. Mais ça donnera des veaux infectés.
– Six, dit Marie. Sur soixante-cinq vaches, ça ne fait qu’une sur dix, quand même !
– Ouais. Sauf que ça va continuer, d’après Lardeau.
Le vétérinaire n’était jamais rassurant, pensa Marie. On ne lui demandait pas des bonnes nouvelles s’il n’y en avait pas, mais quand même, il y avait la manière… Plus encore que le sort des vaches, c’était ce pli au front de son homme, le découragement dans ses yeux, qui lui faisaient souci.
– Alors, qu’est-ce qu’il faut faire, d’après lui ?
– Séparer les malades et les bien-portantes, et les changer de pré : ça se transmet par l’herbe, paraît-il. Il en a de bonnes : comme si on avait des centaines d’hectares !
– Il y a le grand pré, au bord de la rivière. De toute façon, tu disais qu’il faudrait bientôt les y mettre.
– C’est ce que je vais faire, pour les bien-portantes. Mais les malades, je les mets où ?
– Parce qu’il faut les changer, elles aussi ?
– Oui, d’après Lardeau, si on veut avoir une chance qu’elles guérissent. Les laisser au même endroit, ça entretient la maladie, et on est sûr qu’elles crèveront.
– Tandis que si on les change… ?
– Un petit espoir. Tout petit.
Il s’était coupé des rondelles de saucisson et mâchait sans enthousiasme, en buvant de temps en temps une gorgée de café. Elle alla chercher la cafetière et lui en versa de nouveau.
– Il y a le pré sous les pylônes, dit-elle.
– C’est ça ! Pour les achever !
Elle laissa passer un temps.
– On n’a rien d’autre, dit-elle. Et de toutes façons…
* *       *
Le pré sous les pylônes était un sujet sensible, en passe de coûter la mairie à la municipalité actuelle. Le conseil municipal d’Écourcy avait, trois ans auparavant, donné son accord au passage d’une ligne à haute-tension à proximité du village, escomptant de cette opération un double bénéfice : d’une part EDF promettait d’installer un transformateur, qui permettrait une alimentation du village plus sérieuse que les faibles intensités actuelles ; d’autre part, les agriculteurs dont les champs étaient concernés seraient indemnisés de façon fort raisonnable, ainsi que la commune elle-même. La décision avait été prise après une réunion ouverte à tous, à la mairie, et il ne s’était trouvé que ce vieux fou d’Édouard, qui de toute façon n’était jamais d’accord sur rien, pour la contester. Trois mois plus tard, le paysage s’ornait d’une série de pylônes dont l’esthétique n’était discutée que par ceux qui n’en bénéficiaient pas directement ou indirectement.
Et puis, un bruit d’origine indéterminée s’était mis à courir. Les animaux que l’on laissait paître sous cette ligne tombaient malades, disait-on. Les vaches donnaient moitié moins de lait, et les récoltes étaient maigres et fragiles. Aucun de ceux qui en parlaient ne l’avait constaté de ses yeux, mais les sources étaient données pour sérieuses : dans tel village voisin, des naissances de veaux monstrueux avaient été constatées. Et un troupeau entier de brebis avait été frappé de stérilité : pas un seul agneau au printemps dernier !
Sous l’impulsion de quelques jeunes, une association s’était créée et emparé sérieusement du problème. Elle se donna pour première tâche de réunir des preuves indiscutables de ces dommages. À partir du moment où il devint clair que le but de ces investigations était d’intenter un procès à la compagnie d’électricité afin d’obtenir des dommages et intérêts, ces preuves affluèrent. Il n’était pas un paysan possédant quelque pré sous la ligne qui n’ait subi des pertes d’animaux, ou d’exploitation. Les deux vétérinaires de la région, soucieux de leur clientèle, en attestèrent volontiers. Alexis, comme beaucoup d’autres, délaissa ces terrains, anticipant prudemment une catastrophe prévisible. Le manque à gagner qui résulta de cette restriction n’était pas négligeable : il devint évident pour tous qu’il devait être légitimement compensé.
Mais la maladie qui frappait aujourd’hui les vaches d’Alexis n’avait rien à voir avec ces problèmes. C’était une forme d’atteinte virale causant d’abord des diarrhées, puis des avortements, bien connue de tous les éleveurs et dont le traitement était pratiquement inexistant. Elle apparaissait à intervalles réguliers, causait quelques ravages, puis disparaissait pendant quelques années. Entre temps, elle avait entraîné la mort de plusieurs petites exploitations qui ne pouvaient s’en remettre.
– Tu as raison, dit Alexis. On n’a pas le choix. J’irai les changer tout à l’heure.
Il termina son casse-croûte sans beaucoup d’appétit. Marie vint se placer derrière lui, et posa les mains sur ses épaules. Elle caressa, puis massa doucement les muscles noueux qui roulaient sous ses paumes. Plusieurs fois dans la nuit, elle avait été réveillée par les soubresauts de son homme qui ne cessait de se retourner dans le lit auprès d’elle.
– Tu as mal dormi, dit-elle.
– Va donc dormir avec ça ! Qu’est-ce qu’on devient, si ça s’étend ?
– On recommence, dit Marie. Ce ne sera pas la première fois.
Il y avait eu de mauvaises années. Le souvenir de l’épidémie de pneumonies qui avait ravagé les troupeaux une vingtaine d’années auparavant restait vivace.
– Oui. Mais on n’a plus trente ans, dit Alexis.
Marie s’apprêtait à lui répondre lorsque le bruit d’une mobylette pénétrant dans la cour de la ferme les interrompit. Alexis regarda sa montre.
– L’Antoine… Sept heures pile. Il a au moins ça pour lui, il n’est jamais en retard.
Depuis un an, tourmenté par des problèmes de dos qui ne lui permettaient plus certains travaux, Alexis s’était résolu à engager un commis. Antoine cherchait du travail. C’était le petit-fils du vieil Édouard, il allait sur ses dix-sept ans et avait dû abandonner le collège à la mort de ses parents dans un accident de la route. Il logeait chez son grand-père. C’était un garçon aimable et travailleur, même si, comme se plaisait à le répéter Alexis, il avait tout à apprendre. Marie alla chercher un autre bol qu’elle posa sur la table.
– C’est un brave gosse, dit-elle. On a eu de la chance.
Le grand adolescent dégingandé entra dans la cuisine tout en ôtant son casque.
– Fait pas chaud à c’t’heure, dit-il avec un grand sourire. On se croirait déjà en hiver.
Marie lui versa son café.
– Mange un morceau, dit-elle. Après, vous avez du travail.
– Tant mieux, dit Antoine en se coupant une rondelle de saucisson. On fait quoi, ce matin ?
– On bouge les vaches, dit Alexis. Celles qui ne sont pas malades, dans le grand pré.
– Et les autres ?
Alexis prit un temps.
– Dans le pré sous les pylônes, lâcha-t-il enfin.
Le garçon interrompit sa mastication et regarda Alexis d’un air incrédule.
– Le pré sous les pylônes ?
– Eh oui ! dit Alexis sans autre commentaire. Allez, finis ton casse-croûte et viens, on n’a pas toute la journée !
– Ah ben ça !
Les deux hommes finirent de manger en silence et sortirent dans la cour.
– On prend la bétaillère, dit Alexis. Il y en a une ou deux qu’il faudra peut-être transporter, elles tiennent à peine sur leurs pattes.
Il siffla les deux border-collies qui montèrent d’un bond à l’arrière de la vieille Citroën en tôle ondulée. Marie, sur le seuil, les regarda partir tout en s’essuyant machinalement les mains dans un torchon. Quand ils eurent disparu, elle rentra, avec un grand soupir. Des soucis, rien que des soucis… Elle se reprit en pensant à son petit-fils, Oscar, qui venait d’avoir deux ans. Elsa avait promis de passer avec lui aujourd’hui. Allons, il y avait aussi des bonheurs !
* *       *
– Tu passes par le petit chemin, dit Alexis. C’est plus long, mais tu n’as pas à aller sur la route.
Huit vaches attendaient dans un enclos attenant au pré. Alexis, aux six malades, en avait ajouté deux qui ne lui semblaient guère solides. Antoine ouvrit la barrière du pré et, aidé par les chiens, fit sortir le troupeau. Quand ils se furent engagés dans le chemin, Alexis entra dans l’enclos. Les deux vaches les plus atteintes semblaient encore moins vaillantes qu’au petit matin. Il ouvrit la porte arrière de la bétaillère et, l’une après l’autre, en les tirant par une corde serrée autour du museau, les fit monter. Elles vacillaient sur leurs pattes, portant avec peine leurs ventres énormes, et il craignit qu’elles s’effondrent. Il faudrait rouler doucement.
Le pré sous les pylônes n’était qu’à quelques centaines de mètres de là. Il y emmena

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