Voir Barça ou mourir
116 pages
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Description

Ce roman bouleversant est l'une des premières mises en fictions de l'immigration clandestine. Quatre jeunes Sénégalais embarquent, au péril de leur vie, à bord d'une pirogue. Ils rêvent d'atteindre l'Eldorado qu'est Barcelone à leurs yeux. Pour cela, ils vont tout sacrifier : leurs économies, leur famille et peut-être même leur vie. Chaque année, des milliers d'immigrés clandestins disparaissent en mer : on retrouve, quelquefois, l'embarcation de fortune qui devait les mener à bon port, c'est-à-dire dans quelque « paradis » européen qui leur permettrait d'échapper à la misère. Touchée de près par ce phénomène, Mame Bana Badji démontre avec une verve incomparable à tous ceux qui seraient tentés par le voyage, que, contrairement à ce qu'ils croient, ce voyage n'a rien d'exotique et que l'Europe est tout sauf un Eden.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 octobre 2014
Nombre de lectures 10
EAN13 9782342028164
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Voir Barça ou mourir
Mame Bana Badji
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Voir Barça ou mourir
 
 
 
À ma mère, longue vie à toi
 
À mon papa, paix à son âme.
 
 
 
Remerciements
 
 
 
À ma famille.
À mon parrain Mouhamed Tété Diédhiou, député à l’Assemblée nationale sénégalaise.
À madame Régine Dhoquois (Cimade).
À Line.
Et à toutes les personnes qui m’ont apporté leur soutien que tous soient sincèrement remerciés.
 
 
 
 
 
 
Après la prière du soir, Makhtar fit appel à Bintou, sa première femme. Il lui demanda de venir dans sa chambre pour une conversation en tête à tête.
— Que me vaut cet appel ? Aurais-tu oublié qu’aujour­d’hui c’est le tour d’Aïssatou ?
— Je sais bien que c’est son tour, mais j’ai à te parler.
Makhtar a quatre femmes.
Bintou s’assied alors sur la natte que Makhtar avait étalée pour la prière.
— Non, viens t’asseoir sur le lit.
Bintou s’exécute et s’installe à ses côtés.
— Bintou, de toutes mes femmes, tu es la seule à laquelle je puisse vraiment me confier en ce moment.
— Mais où veux-tu en venir, Makhtar ?
— Laisse-moi continuer.
Il se tut un moment et reprit :
— Bintou, si je t’ai appelée, ce n’est ni parce que tu es ma cousine, ni parce que je te préfère aux autres. Mais parce que tout bonnement, tu es la seule à te soucier de ma maladie. Je t’en suis infiniment reconnaissant. Mais ce n’est pas l’objet de notre discussion. Je sens que mon mal me ronge et que, peu à peu, cette maladie est en train de gagner du terrain.
— Je suis sûre que tu guériras avec la nouvelle thérapie que tu as commencée en France.
 
Pourtant, Bintou sait pertinemment que son mari a raison, qu’il ne ressortira pas indemne de cette maladie. Mais elle fait de son possible tous les jours pour qu’il ne pense pas trop à cela.
— Non Bintou, je ne suis pas un enfant, je sais de quoi je te parle. J’ai perdu des millions en médecine moderne. Maintenant, je pense qu’il est temps que je me tourne vers la médecine traditionnelle.
— La médecine traditionnelle ! s’exclama-t-elle vivement en levant les yeux au ciel. Non Makhtar, je ne pense pas que cela soit une bonne idée, car la plupart de ces tradipraticiens ne sont pas autorisés à exercer ce métier. Ils n’ont aucune notion de médecine scientifique et ne savent pas quelle dose administrer à un patient… De grâce n’aggrave pas ta maladie en remettant ton sort entre les mains de ces charlatans.
— écoute-moi, ce matin je suis allé avec mon ami Ibrahima à la rencontre du tradipraticien que j’ai fait venir de Matam. Après m’avoir examiné, il m’a fait savoir que des ennemis m’avaient jeté un mauvais sort et que ma seule chance de guérir de cette maladie était de me faire soigner par lui. Je pense qu’il a raison car les radiographies n’ont détecté aucune maladie grave et le pire est qu’il n’y a pas de changement avec toutes ces thérapies, je souffre atrocement, Bintou.
— Donc cela veut dire que tu vas arrêter la thérapie que tu as commencée en France ?
En effet, Bintou ne souhaitait pas que son mari soit victime du même sort que son père. Ce dernier avait perdu la vie à cause d’un surdosage. Un cordonnier de profession lui avait administré des médicaments qui avaient eu un effet négatif. Il mourut sur la route de l’hôpital.
— Oui, je vais tout arrêter et me consacrer seulement à ce que Fati va me donner car je ne veux pas mourir si tôt, je dois encore m’occuper de l’avenir de mes enfants.
Émue aux larmes par la décision de son mari, Bintou se mit à pleurer.
— Je sais ce que tu es tentée d’imaginer, toujours le pire. Mais sache qu’il ne m’arrivera rien. Mon tradipraticien a une très bonne réputation. D’ailleurs il nous a dit lui-même qu’il refusait systématiquement d’accepter l’argent de la part des malades qu’il ne parvenait pas à guérir. Tu peux être sans crainte. De grâce, ne t’inquiète pas ma petite Bintou et s’il te plaît, arrête de pleurer.
Bintou aimait tellement Makhtar que, depuis sa maladie, elle avait suspendu toutes ses activités pour se consacrer uniquement à lui.
— Makhtar, si telle est ta décision, je ne peux que l’accepter et te recommander dans mes prières afin que tu retrouves la santé, dit-elle en reniflant. Sache que je te soutiendrai jusqu’à la fin de ma vie, car pour moi, tu es plus qu’un mari.
Tu es le seul homme que je connaisse car j’avais à peine seize ans lorsque tu m’as épousée.
— Ma chère Bintou, je n’ai jamais oublié la beauté de tes seize ans : j’en ai gardé un tel souvenir, que lorsque je te regarde, j’ai l’impression que c’était hier. Tu n’as pas changé. Maintenant, arrête de pleurer et rejoins ta chambre. Je te prie de bien vouloir appeler tes coépouses à venir me rejoindre.
À sa sortie de la chambre, Bintou chargea sa belle-fille, Saly, d’appeler ses coépouses de sa part.
En effet, la relation entre Bintou et les trois autres était très tendue : cela faisait au moins six mois qu’elle ne leur adressait plus la parole. Ces femmes-là n’avaient que faire de la maladie de leur mari. Au contraire, elles semblaient guetter sa mort, tels une bande de vautours perchés en haut de leur arbre, frémissant à l’idée de fondre sur le festin que représente le voyageur égaré.
Ces trois harpies passaient le plus clair de leur temps dans la chambre de la plus jeune, et elles bavardaient, se racontaient des potins, faisaient naître d’invraisemblables rumeurs.
— Mais qu’est-ce qu’il a à nous dire ? demanda Khady, la troisième femme.
— Je suis sûre que c’est pour nous dire comment il a fait le partage de ses biens, puisqu’il sait qu’il ne lui reste que peu de temps à vivre, répliqua Anta, la deuxième femme.
— Si seulement tu avais raison, je commencerais dès demain ma nouvelle vie, car je sens que je suis en train de perdre du temps dans cette maison, dit Aïssatou la quatrième épouse qui était aussi la plus jeune.
— Ne perdons pas de temps, dit Khady.
Elles sortirent de la chambre d’Aïssatou à la hâte. Une fois devant la porte de la chambre de Makhtar, cette dernière dit :
— Laissez-moi entrer la première car c’est mon tour aujourd’hui.
Elle frappa à la porte.
— Entrez, dit Makhtar.
Aïssatou entra la première, suivie des deux autres.
— Prenez place, dit Makhtar en leur indiquant la natte.
Pourtant, lorsque Bintou avait voulu s’asseoir sur la natte, il l’avait invitée à le rejoindre sur le lit. Assise à même le sol, Aïssatou s’apprête à s’asseoir sur le lit.
— Retourne t’asseoir à ta place, sur la natte, ordonne-t-il, avec de l’autorité dans la voix.
Il se racla la gorge, but un verre d’eau, puis dit :
— Je vous ai fait venir ici pour vous faire part d’une chose.
Khady pinça le pied de Fama qui sourit légèrement.
— Quelqu’un viendra cette nuit, je pense qu’il restera ici un bon moment.
Aïssatou l’interrompit, l’air désespéré :
— Mais de qui s’agit-il ?
— De Fati, le tradipraticien, qui me fera une nouvelle thérapie.
— Un tradipraticien ! et combien vas-tu le payer ? À mon avis, tu y laisseras toute ta fortune. N’oublie surtout pas que tu as des enfants. Tu as assez perdu d’argent en faisant des thérapies en vain. Tu ne penses à rien sinon à ta maladie ; pense un peu à notre avenir et à celui de nos enfants.
— Je sais ce qui vous intéresse, dit Makhtar sans trop entrer dans les détails.
Anta voulut dire un mot quand il répliqua avec faiblesse :
— Ne pensez surtout pas que je vous ai fait venir ici pour que vous donniez votre avis. Mais puisque vous êtes mes femmes jusqu’à présent j’ai senti la nécessité de vous tenir au courant de ma décision. Donc, j’aimerais que vous vous occupiez bien de lui, c’est tout. Maintenant vous pouvez regagner vos chambres, je dois me reposer.
Alors qu’elles s’apprêtaient à reprendre leur interminable séance de cancans, elles croisèrent Bintou et affichèrent un air mauvais. Khady dit :
— Regardez, mère Teresa ! Je parie que l’idée de faire venir un tradipraticien vient d’elle.
Bintou comprit vite qu’on parlait d’elle. Elle voulut se taire et faire comme si elle n’avait rien entendu, mais, ce fut plus fort qu’elle. Elle déposa la tunique de son aîné, Karim, qu’elle était en train de coudre et répondit sèchement :
— Vous n’avez décidément aucun respect pour notre mari. C’est la première fois que je vois des épouses qui souhaitent à ce point la mort de leur mari pour faire main basse sur ses biens. Je ne me demande même plus pourquoi vous avez accepté ce mariage. Vous savez toutes les trois que si Makhtar a accepté de vous épouser, c’est parce que vos parents le lui ont demandé : il ne pouvait pas refuser vu l’amitié qu’il a pour eux.
— Ne mélange pas les choses : c’est lui-même qui est venu demander ma main de son plein gré. Personne ne l’y a forcé. Et d’abord, de quoi te mêles-tu ? Je comprends pourquoi tu nous envies tant… on a une peau plus belle et plus fraîche que la tienne… rétorqua Khady.
Elle voulait continuer à dérouler ses propos insultants, mais Bintou l’interrompit :
— Vous n’imaginez tout de même pas que j’ignore ce que vous faites, la nuit tombée ? C’est une honte. Vous n’avez aucun respect, ni pour vos enfants, ni pour vous-mêmes.
— Mais que peut-on si Makhtar ne peut pas nous donner ce dont nous avons besoin ? Tu penses vraiment que nous allons attendre sagement qu’il guérisse ? N’importe quoi, vraiment, on aura tout vu ! Toi-même, tu en as envie, mais tu sais bien que personne ne veut plus de toi, vieille peau.
Le vacarme se répandit dans toute la maisonnée. Makhtar ne douta pas un seul instant que ses femmes étaient en train de se crêper le chignon.
— Maman

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