Zulmis et Zelmaïde
22 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Zulmis et Zelmaïde , livre ebook

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
22 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Extrait : "Si l'on suivait toujours les règles de la nature et de l'équité, il n'y aurait que des heureux sur la terre; on ne verrait ni mère rigides, ni filles dissimulées, ni maris maussades, ni femmes infidèles. On se conduit par des principes bien différents: une fille trompeuse devient un jour une mère méfiante et trompée; les époux s'achètent au lieu de se choisir, et l'on enlaidit l'hymen en le séparant de l'amour..." À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN : Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes. 

LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants : 

• Livres rares
• Livres libertins
• Livres d'Histoire
• Poésies
• Première guerre mondiale
• Jeunesse
• Policier

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 37
EAN13 9782335050288
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335050288

 
©Ligaran 2015

Zulmis et Zelmaïde Conte
Si l’on suivait toujours les règles de la nature et de l’équité, il n’y aurait que des heureux sur la terre ; on ne verrait ni mères rigides, ni filles dissimulées, ni maris maussades, ni femmes infidèles.
On se conduit par des principes bien différents : une fille trompeuse devient un jour une mère défiante et trompée ; les époux s’achètent au lieu de se choisir, et l’on enlaidit l’hymen en le séparant de l’amour.
Cette morale est nécessaire pour justifier Zelmaïde.
Elle était fille d’une reine (comme vous le croyez bien), qu’on appelait la reine Couleur de rose, quoique déjà âgée ; et l’on voyait à ses cheveux que le blanc était sa couleur de nécessité, et la couleur de rose sa couleur d’inclination.
Elle avait autrefois, c’est-à-dire il y a longtemps, épousé le Gris de lin, sur lequel je n’ai point de mémoires bien étendus. Il est à présumer qu’il n’avait pas assisté à beaucoup de sièges. Sa femme était devenue veuve, et avait eu raison. Zelmaïde était sa fille unique, par conséquent fort riche, et par une autre conséquence destinée à un mari fort sot. C’était à un génie de ses voisins, qu’on appelait le génie Épais, et qui certainement portait bien son nom. Il parlait peu, pensait encore moins, et rêvait beaucoup. Je n’ai pas ouï dire qu’il ait jamais rien composé ; mais c’est tout ce qu’il aurait pu faire qu’une ode comme on les faisait l’année dernière.
Enfin, c’était là l’époux dont Zelmaïde devait être honorée. Leurs États étaient mitoyens, et leurs cœurs éloignés. Cela s’appelle aujourd’hui une affaire de convenance.
On s’attend bien que Zelmaïde était une princesse accomplie : il ne tiendrait qu’à moi de lui prêter quelques défauts, mais je ne profiterai pas de la permission ; et pour faire son portrait en peu de mots, elle était aussi aimable qu’une bégueule se croit respectable.
La reine Couleur de rose, dont le talent n’était point d’élever des enfants, avait confié l’éducation de la princesse à la fée Raisonnable. C’était une vieille fée décrépite, et qui, comme toutes les femmes de son âge, avait, dit-on, été belle comme le jour. Son palais était bien loin d’ici (Tavernier et Paul Lucas, qui mentent beaucoup, en auraient dû parler dans leurs voyages). Enfin, les nouvellistes du Palais royal, à force de parcourir sur la carte les bords de l’Escaut, de la Lys et du Rhin, ont découvert qu’il était situé dans le pays des fées.
C’était chez la fée Raisonnable qu’on mettait tous les enfants : les grands par air, et sans que cela tirât à conséquence ; les petits par principes, et sans que cela les menât à rien.
La vraie science de la fée était de rendre l’esprit juste et le cœur droit, d’apprendre à sentir et à penser ; mais en même temps elle enseignait à parler modérément, à réduire les leçons en exemples, et les maximes en actions. On peut conclure de là que nos historiens modernes, nos faiseurs de contes, et moi tout le premier, n’avons point fait nos classes chez elle. On trouvait dans son palais plus de gens d’esprit que de beaux esprits : on n’était point flatté de ce dernier titre, et l’on était persuadé qu’il était plus aisé d’être un bel esprit qu’un homme d’esprit.
Comme elle était chargée d’un grand nombre d’enfants, et qu’elle n’était pas fée pour rien, elle les distinguait, en donnant à chacun une bougie mystérieuse, qui avait le don de rester allumée tant que celui qui la portait était docile à ses préceptes, mais qui s’éteignait dès qu’on en était ennuyé ; et pour lors il fallait abandonner le palais. C’est cette bougie qu’on a nommée dans la suite la lumière de la raison.
L’état de chaque bougie faisait distinguer à la fée le goût, le penchant et la profession de ses disciples. Les filles qui devaient être coquettes se plaisaient à porter la leur dans une lanterne sourde ; une prude allumait la sienne dès qu’elle voyait quelqu’un, et la soufflait dès qu’elle se croyait seule.
Les philosophes avaient toujours la leur éteinte, et croyaient de bonne foi qu’elle était plus brillante que celle des autres. La fée les renvoyait à leurs parents. Ils n’en étaient pas moins persuadés des obligations qu’ils lui avaient. Ils prenaient l’amour-propre pour le mérite, et le raisonnement pour la raison. Les poètes, au contraire, avaient une bougie à laquelle le feu prenait si vivement, qu’elle coulait d’abord, ou s’usait en un jour.
Depuis cinquante ans au moins, la fée n’avait pu conduire aucun de ses écoliers jusqu’à la fin de son éducation. On devait lui redemander les garçons à dix-huit ans, et les filles à seize, et jamais elle ne pouvait garder les uns jusqu’à dix-sept ans, et les autres jusqu’à quinze. Passé cet âge, la bougie s’éteignait. Elle échouait toujours à cette dernière année, par les ruses de la fée Trompeuse, qui était sa mortelle ennemie.
Trompeuse n’était point une de ces fées terribles qui ont des cheveux de serpents, des dents de rouille, des yeux comme des charbons ardents, et un char tiré par des dragons volants. Elle était bien plus dangereuse ; elle était attirante au lieu d’être effrayante, elle avait le pouvoir de prendre telle figure qu’elle voulait, et avait toujours soin d’en prendre une aimable, pour nuire plus sûrement, et pour être adroitement malfaisante.
La fée Raisonnable n’avait pas droit de lui interdire l’entrée de son palais, c’était au contraire une épreuve nécessaire pour la perfection de la jeunesse, mais qui tournait presque toujours à son imperfection.
Elle se montrait aux uns sous une figure de la fée Ambitieuse, et leur peignait les grandeurs en beau. La fée Raisonnable s’efforçait en vain de les peindre dans le vrai, c’est-à-dire en laid : on l’écoutait sans la croire, le portrait qu’en faisait la fée Trompeuse flattait l’orgueil, il n’en faisait pas davantage ; l’amour-propre de ceux à qui elle parlait s’appropriait déjà les respects qu’on ne rend qu’à la place, et le souffle de la vanité éteignait bientôt la bougie.
Trompeuse étudiait avec soin le caractère des filles ; à celles qui n’en avaient aucun (ce qui arrivait souvent) elle faisait valoir la douceur et la gloire d’attirer vingt amants, sans en aimer un seul, donnait le nom d’esprit à l’art de les engager, le nom de gentillesse à la malignité d’entretenir l’esprit, et le nom de sagesse au plaisir de les railler.
Si par hasard elle en trouvait qui avaient le cœur bon, elle en faisait des dupes ; elle leur inspirait le désir d’aimer, en leur vantant le bonheur d’un attachement durable et d’un amour sincère. C’était vainement que la fée Raisonnable, vertueuse sans être sévère, et aimable sans être fausse, leur représentait que ce bonheur est trop dépendant de celui auquel on s’attache ; on ne l’en croyait pas. L’amour-propre, ce vilain amour-propre , qui pourrait produire tant de vertus, et qui les gâte presque toutes, leur persuadait que la fée se trompait, et qu’il n’était pas possible qu’on cessât jamais de les aimer.
Toutes les vues de la fée Trompeuse se tournèrent vers Zelmaïde ; elle négligea même de séduire les autres, et la fée Raisonnable en profita pour achever l’éducation de deux ou trois garçons qu’on n’a jamais employés dans le monde, parce qu’on les trouvait trop singuliers, et de deux filles qu’on força de se faire religieuses par raison, pour les en corriger.
Zelmaïde avait quinze ans, et jusqu’alors sa petite bougie s’était maintenue allumée comme une chandelle d’offrande  ; mais il se trouva un certain Zulmis qui l’empêcha de brûler jusqu’au bout. Il était fils d’un roi de la Cochinchine ; c’était un petit Monsieur fort agréable, qui savait l’espagnol comme un Indien, l’anglais comme un Turc, et le français comme Paméla.
Il inventait des modes, avait une montre de Baillon , faisait des logogriphes, et savait par cœur le Bal de Strasbourg. Il avait donné ordre qu’on

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents