La lecture à portée de main
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Description
Informations
Publié par | Soliflor |
Date de parution | 30 novembre 2016 |
Nombre de lectures | 49 |
EAN13 | 9782930543642 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 1 Mo |
Informations légales : prix de location à la page 0,0040€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Introduction
Le saviez-vous ? Selon les étymologistes, le mot « salade », à peu près identique dans toutes les langues européennes, viendrait du latin « sal », qui désigne le sel. Et pour cause, puisque ce condiment était à l’origine le seul employé pour assaisonner ce mets populaire !
Curieuse d’en apprendre davantage sur les salades d’antan, je me suis plongée dans le livre consacré à cette matière d’un chef coq de la fin du XIX e siècle ; Alfred Suzanne !
Un mets simple et varié
Plume alerte et très efficace, puisqu’il compte à son actif de nombreuses encyclopédies culinaires, ce cuisinier français, qui a œuvré une quarantaine d’années Outre-Manche, nous décrit avec une étonnante finesse les habitudes alimentaires de son époque à travers son ouvrage « 150 manières d’accommoder les salades ».
La culture gastronomique dont il témoigne à travers ses recettes, toutes commentées avec saveur, est d’une richesse d’autant plus surprenante que le menu est, de prime abord, d’une grande simplicité et accessible à tous.
Page après page, l’auteur nous livre ses considérations sociologiques, voire anthropologiques, sur les comportements alimentaires de ses contemporains, dans un style élégant et teinté d’humour au second degré. Autant vous dire que je me suis délectée !
Ainsi, dans une louable intention pédagogue, un chapitre baptisé « Variétés Culinaires » explore quelques thèmes d’à propos afin, je suppose, de familiariser un lecteur peu averti avec le vocabulaire lié aux usages en cours. De cette façon seront décrits, entre autres, les Dames de la Halle et le Pique-Assiette , les premières étant plus familièrement appelées « poissardes » et ce dernier affublé de la dénomination « d’adroit parasite ». Ne le confondez pas avec le « parasite vulgaire, gêneur, faiseur et encombrant » car le pique-assiette est souvent homme de bonne compagnie, qui tente de tenir un rang dont il n’a plus que l’éducation, alors qu’un revers de fortune ou des dissipations précoces l’ont réduit à vivre d’expédients ! Quant aux Harengères , Alfred Suzanne en parle comme de dames à l’intempérance de langage cultivée parfois jusqu’à la licence ! Je pense que cette simple description vous en dit long sur le caractère trivial de leur conversation… Un réel vocabulaire poissard vit d’ailleurs le jour vers le milieu du règne de Louis XV, sous l’égide d’un poète et littérateur du nom de Vadé, lequel l’introduisit dans les salons où il rencontra un immense succès !
Exemple parmi d’autres de son écriture tout en charme, la réflexion d’Alfred Suzanne en conclusion de la recette de Salade d’orange à la Chinoise : l’auteur, sur un ton qui me semble faussement innocent, confie alors au lecteur « avoir été surpris que ce mélange baroque ne soit pas plus mauvais ». Sincèrement, je trouve cela délicieux.
Une cuisine saine et diététique
En tant que conseillère en nutrition, je n’ai pu manquer de relever également au sein de cet ouvrage certaines réflexions d’ordre sanitaire sur le besoin de crudités qu’il estime instinctif chez les hommes, tout comme chez les animaux sauvages. Dans cet esprit, il suggère au lecteur d’observer chiens et chats dans leur appétence à brouter du chiendent. Selon lui, ces espèces animales répondent en cela à leurs besoins purgatifs, tandis que les hommes trouveront dans la salade un aliment acide qui, par essence, stimulera l’action des sucs gastriques nécessaires à la digestion. Certes plutôt abusive et d’autant moins précise que le terme « Salade » est des plus génériques, cette assertion a le mérite de mettre en avant l’intérêt du chef pour une cuisine saine et consciente. Et l’on ne peut lui tenir grief des avancées scientifiques embryonnaires de l’époque dans le domaine de la nutrition !
À vrai dire, laitue, salade romaine, chicorée, cresson, barbe-decapucin, mâche, raiponce, pourpier, pissenlit, escarole et endive — principales plantes herbacées utilisées pour composer les salades du XIX e siècle — seraient aujourd’hui classés comme des aliments à réaction plus alcaline qu’acide au sein de notre organisme, de même que le soulagement digestif suggéré par le cuisinier d’alors serait davantage lié à leur capital enzymatique, en tant que crudités, qu’à leur prétendu potentiel « Hydrogène acide ». Qu’à cela ne tienne !
L’enseignement d’Alfred Suzanne en termes d’assaisonnement est également digne d’intérêt. Il en parle comme d’une opération a priori simple mais qui exige néanmoins soin et discernement et nous cite à ce propos un vieux proverbe espagnol, lequel décrète qu’il faut être quatre pour bien assaisonner une salade ! Un homme prodigue pour l’huile avec laquelle on doit se montrer libéral, un avare pour le vinaigre qui sera versé avec modération, un sage pour les condiments, sel et poivre, avec discrétion, et un fou pour opérer le mélange avec vigueur. En réalité, selon l’auteur de « 150 manières d’accommoder les salades », ce proverbe est partiellement vrai mais fait défaut en ce qui concerne la vigueur du mélange, car celui-ci nécessite des mains adroites, soigneuses et réfléchies pour l’accomplir !
Il rajoute que Jean-Jacques Rousseau, lui-même grand amateur de salades, prétendait que seule une jeune-fille aux doigts délicats pouvait opérer avec succès un assaisonnement minutieux, préservant les qualités naturelles des feuilles !
Toujours pour l’anecdote, il fut un temps où la salade était consommée sans couvert ! En cette époque révolue, la coutume voulait que le soin d’assaisonner ce plat revienne à la plus jolie jeune fille de la société, ce qui charmait certains, mais n’était pas sans créer des jalousies d’autres parts.
Dans le registre des histoires, Alfred Suzanne raconte également qu’un émigré français a fait fortune Outre-Manche en assaisonnant les salades dans les clubs et les grandes maisons de son pays d’accueil ! Une des différences notables du mode d’assaisonnement continental par rapport à celui des Anglais était qu’à l’époque, ces derniers avaient un dégoût prononcé pour l’huile et se contentaient de manger une salade « sans autre apprêt que saupoudrée de sel » ! Pas très motivant…
Pour compléter le tableau, je ne peux manquer de vous livrer une des phrases de l’auteur en rapport avec la place de la salade au cœur d’agapes que nous ne connaissons plus : « Son appétissant aspect réveille le sens gourmand et fait retrouver de nouvelles forces pour continuer la lutte et achever dignement le festin. » La lutte, vous l’aurez compris, n’étant autre que digestive et liée à la bâfrerie !
Pour en finir avec ce chef avisé, je le citerai une dernière fois, tant sa plume est d’actualité et perdrait à l’interprétation : « Aux nombreuses recettes préconisées pour l’assaisonnement d’une salade, le véritable amateur préfère l’apprêt primitif, qui se compose simplement de sel, poivre, huile et vinaigre avec, comme raffinement, un accompagnement de cerfeuil, d’estragon et quelquefois de ciboulette et de pimprenelle. »
En dehors de ce préambule, et même si certaines recettes du cuisinier français n’ont pas pris une ride, je n’ai pas l’intention de retirer à Suzanne ce qui lui appartient en reprenant ses conseils à mon compte, quoique je les eusse bien sûr lestés d’une pointe de modernité.
En vérité, si je vous replonge plus d’un siècle en arrière pour vous « raconter des salades » — quoique ! — c’est par fidélité à la chronologie des pensées qui m’ont traversée à propos de l’essai que vous tenez entre vos mains !
Il y a quelques mois de cela, j’ai reçu le livre d’Alfred Suzanne de mon éditrice, comme source d’inspiration sur le thème qu’elle souhaitait me voir aborder dans un prochain opus. Mais ce n’est que le début de l’histoire… En ce qui me concerne, la gestation d’un ouvrage débute de manière « spirituelle » et ma réflexion porte sur le message que je désire transmettre à ceux qui me feront l’honneur de me lire.
Des recettes gourmandes
Dans cet état d’esprit, et sans qu’Alfred Suzanne y soit pour grand-chose finalement, il m’a soudain paru