Des jours et des jours
104 pages
Français

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Des jours et des jours , livre ebook

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Description

Ils s'imaginent nous connaître et veulent nous dominer. Les éduquer n'est pas une mince affaire. Je vous le garantis. Ils sont indisciplinés, imprévisibles, insensés. La tâche est rude. Il faut mettre en œuvre toutes ses ressources : finesse, intelligence, persévérance, persuasion, diplomatie. Ce n'est pas une sinécure. Cela prend des jours et des jours. Nous en venons à bout. Savez-vous pourquoi ? Parce que nous, moi et mes semblables sommes dotés d'une patience infinie.



Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 avril 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414520442
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
Immeuble Le Cargo 157, boulevard Mac Donald – 75019 Paris
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous nos livres sont imprimés dans les règles environnementales les plus strictes. Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-52045-9

© Edilivre, 2021
Dédicace






Pour Pierre, Axel, Quentin
Moi aussi je pourrais écrire l’Iliade et l’Odyssée. Qu’est ce qui me retient ? Une de mes principales qualités : la modestie. Je ne veux pas me mettre en avant, me pavaner. Je suis discrète certains diront, secrète. Dans ce monde étrange, vous êtes vite transformés en curiosité, en animal de foire, en attraction. Pour être sincère, je ne sais pas écrire. Cela règle le problème. Est-ce si grave ? Je possède quelque chose de plus important. Je devine ce que vous pensez bien avant que cela ne vienne à votre conscience. Eh oui, télépathe je suis. Je comprends votre langue à vous les bipèdes. Vous ne vous en doutez pas puisque je ne peux pas parler. Je suis née comme ça. Je n’en tire pas gloire. Je vous informe. Je ne vous connais pas et pourtant je vous ai choisis, vous, pour me confier, raconter mon histoire. Je vous laisserai déchiffrer mes pensées les plus intimes. Je serai brève, je ne veux pas vous lasser, abuser de votre écoute bienveillante. Ma vie n’a pas été une route goudronnée rectiligne et lumineuse mais un chemin cabossé, troué d’ornières. Je m’en suis sortie. J’ai eu de la chance ? Peut-être.
Alors, voilà, je suis née à B. C’est une ville traversée par un fleuve, un tout petit fleuve. Je n’en dirai pas davantage. Je ne me promène pas dans les rues et il me serait bien impossible de vous emmener visiter les curiosités des lieux. Je ne révélerai que peu de choses de ma prime enfance non par souci de dissimulation mais plutôt par absence de souvenirs précis.
Je suis incapable de me remémorer ma mère, ma fratrie. Il semble que j’ai vécu quelque temps avec un certain Gustave, mon premier servant. Suis-je née chez lui ? Suis-je née dans la rue ? Dans l’innocence de ma jeunesse, ai-je élu domicile dans sa modeste demeure ? M’a-t-il capturé comme un gibier ? Je l’ignore.
Ce que je peux dire, c’est que je ne m’y plaisais pas. Je ne m’y sentais pas à l’aise. Je traînais dehors, à l’aventure, frayant peu avec mes semblables, solitaire déjà.
Gustave ne me nourrissait pas régulièrement. Je trouvais parfois porte close et allais dormir sous les étoiles en des endroits secrets pour préserver ma sécurité. Gustave n’était pas méchant mais peu attentionné. Quand on n’est pas bien née, il faut forcer le destin.
C’est pourquoi je décidai d’approfondir l’exploration des alentours, de rechercher un cadre plus adapté à mes besoins et à mes désirs.
Dénicher un habitat qui corresponde à mes aspirations profondes. Voilà ma quête. Je recherchai une maison avec un jardin occupée par des bipèdes qui sauraient m’apprécier, me rendre hommage.
La chose essentielle à vérifier était l’absence de concurrence. Pas de quadrupèdes.
Je repérai une belle bâtisse à flanc de coteau, avec une véranda exposée plein sud. J’y pénétrai aisément en me faufilant à travers les haies. Je déambulai une petite matinée dans le jardin sans m’approcher de la maison. Ma prospection se révéla fructueuse. Pas d’énergumènes à quatre pattes, d’aucune sorte. Ma future demeure était habitée par une dame âgée, Mme Delair. J’étais jolie, mignonne à cette époque quoiqu’un peu réservée, certains diront hautaine et déjà d’une intelligence très vive. Je me fis timide, réservée. Je manifestai mon appétit par un léger miaulement qui fut bien interprété. On me servit une assiettée de croquettes de meilleure qualité que la nourriture fournie par Gustave. Le premier jour, je n’insistai pas et repartis errer dans les environs. Puis, je revins régulièrement matin et soir sans chercher à pénétrer dans la maison. Je restai de plus en plus longtemps à la porte après mon repas achevé jusqu’au jour où l’on m’invita à franchir le seuil de la maison. Je ne m’incrustai pas. Petit à petit, je gagnai du terrain et parvins à conquérir le cœur de Madame Delair. Elle venait de perdre son mari. Elle était perturbée et se sentait abandonnée, esseulée. Sans s’en rendre compte, elle avait besoin de quelqu’un à ses côtés. Quelqu’un comme moi, délicat, plein de retenue, se déplaçant à pas feutrés. Ainsi, je trouvai rapidement ma place et pus m’installer, manger, dormir, circuler à ma convenance dans la maison, ma maison et dans le jardin, mon jardin avec l’insouciance des nantis, certaine d’avoir trouvé mon havre de paix.
1.
Parmi les bipèdes que je croisais,
signalons Suzanne qui aidait Madame Delair à tenir sa maison.
Suzanne est une forte femme qui a un avis sur tout, qui sait tout. La première fois qu’elle m’a vue, elle s’est exclamée :
— C’est la chatte qui traînait chez Gustave !
Madame Delair lui a répondu :
— Ah, vous savez comment elle s’appelle alors ?
— Le connaissant, il ne lui a pas donné de nom. Il ne s’en occupait pas beaucoup.
Elle m’a fixée un long moment, puis elle a lancé :
— Grisette, ça lui irait bien. Qu’est-ce que vous en pensez ? Allez, on va l’appeler Grisette.
Grisette, vraiment c’est original ! Madame Delair n’a pas bronché. Allez savoir pourquoi. Il faut croire que Suzanne est convaincante. Vous l’avez deviné, mon poil est gris, cependant agrémenté d’un dégradé de beige s’étirant comme des traînées d’astéroïdes du plus bel effet. C’est pourquoi Grisette ne pouvait convenir. Enfin, rien ne m’obligeait à répondre quand on m’appelait. Rien ne me forçait à endosser cette vilaine identité. Bref, j’avais un nom, une appartenance. J’existais. Je m’encrais dans la réalité. À partir de ce moment, ma vie se déroula tranquillement. Madame Delair recevait peu de visites, ses filles (les garces… oui, oui, vous verrez), de jeunes enfants, quelques voisins, et quittait rarement son domicile. Elle se confiait souvent, ignorant que je comprenais tout, presque tout. Je croisais parfois Suzanne qui vaquait à ses occupations dans la maison.
— Alors Grisette, tout va bien pour toi. C’est la belle vie. Tu te la coules douce.
Qu’est-ce qu’elle veut dire ? Je ne comprends pas. Je l’ignorais. Je détestais être apostrophée de la sorte. Dorénavant, quand je la verrai arriver, je sortirai dans le jardin. Ou j’irai à l’étage dans une chambre. Elle se prend pour qui et pour qui me prend-elle ?
Madame Delair me parlait beaucoup. J’appris qu’elle était professeur de français en retraite depuis plusieurs années. Elle me racontait des tas de choses et parfois elle lisait le journal à haute voix. Sans qu’elle soit malade, je me rendais compte qu’elle avait des douleurs dans les jambes, dans les bras. Elle ne se plaignait jamais. De temps en temps, elle disait :
— Ah, ma petite Grisette, je suis un peu patraque ce matin. Ça va passer.
En repensant à tout cela, je me rends compte que j’ai manqué de discernement. Je n’ai pas réalisé à quel point Madame Delair était, vous m’excuserez d’être brutale, vieille, avancée en âge, si vous préférez. C’est un élément important qui s’avérera funeste pour moi.
J’aurai vécu environ dix années chez Madame Delair sans drame, sans heurt, sans surprise désagréable. Une bonne petite vie pépère. Au chaud, près du poêle, l’hiver. Au soleil sur la pelouse ou sous les taillis par grosse chaleur, l’été. Non, je ne m’ennuyais pas. Je chassais quelques insectes. Je folâtrais parmi les fleurs. Je veillais à l’intégrité de mon territoire, décourageant les intrus. A l’époque, j’étais brave et vaillante. J’en imposais à cette vilaine race. Vous savez, celle qui aboie, qui bave, qui lèche, qui saute sur les bipèdes, qui se laisse asservir. « Oh mais Grisette est une dominante. Vous vous rendez compte, elle décourage même les chiens » constatait Madame Delair.
Je pense. Je réfléchis. J’observe. Je médite beaucoup yeux mi-clos. Oui, je dors, pas autant que vous pourriez le supposer, rarement profondément. Je suis toujours en alerte. A la moindre alarme, je suis immédiatement en possession de tous mes moyens. Un peu comme les pompiers. Je suis au moins aussi efficace qu’eux et je fais moins de bruit.
2.
Le temps a passé très vite. Les jours, les saisons, les années s’écoulaient, filaient sans regret.
Et puis, patatras. Je n’aurais jamais imaginé un tel revers de fortune. Une telle calamité. Un tel séisme. C’était un matin au début du printemps. Le poêle ronronnait encore pour prévenir les éventuels coups de froid fréquents à cette époque de l’année même dans le sud. Comme à chaque lever du soleil, j’attendais que Madame Delair descende de sa chambre et me serve mon petit déjeuner. J’avais beau miauler, piétiner, tourner, aller, venir. Rien. Jusqu’à l’arrivée de Suzanne. Ne voyant pas Madame Delair ni dans la salle à manger ni dans la cuisine, elle s’est étonnée :
— Madame Delair, vous faites la grasse matinée aujourd’hui ?
N’obtenant pas de réponse elle décida de monter. Je l’ai entendue frapper à la porte. Mme Delair… Madame Delair… Moi, je pensais, Madame Delair a le sommeil lourd ou alors elle devient sourde. Suzanne est entrée dans la chambre, et… Silence. Soudain, un cri strident à vriller les oreilles retentit. A partir de cet instant, ce fut le branle-bas de combat. Suzanne a dévalé les escaliers.
— Oh mon Dieu, oh mon Dieu ! Il est arrivé, un grand malheur ma petite Grisette.
Quel grand malheur peut-il bien être arrivé à part celui d’attendre son repas du matin, le matinal, des heures et des heures ! Suzanne s’est agitée dans tous les sens. Une vraie toupie. Elle a donné des coups de fil. Beaucoup de monde s’est déplacé. Des voisins, les pompiers, un médecin, peut-être même la police… Je ne sais plus, c’est confus. Je me terrais sous le canapé en attendant que l’ordre revienne, que les intrus...

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