Sciences sociales et sport n° 3
205 pages
Français

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Sciences sociales et sport n° 3 , livre ebook

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Français

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Description

Ce numéro comporte les articles suivants : "Un laboratoire parfait" ? Sport, race et génétique : le discours sur la différence athlétique aux Etats-Unis ; La banalité de l'excellence : enquête ethnographique sur la stratification et les nageurs olympiques ; Vocation artistique et rationalisation du travail : ethnographie d'une compagnie de danse contemporaine ; L'invention du Grand Prix automobile : constitution et autonomisation du sport automobile dans l'entre-deux-guerres ; Lutter contre la sédentarité : l'incorporation d'une nouvelle morale de l'effort ; Les usages politiques des politiques publiques et des enquêtes sociologiques. L'instrumentalisation d'une politique sportive départementale et de son évaluation.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 juin 2010
Nombre de lectures 404
EAN13 9782296257832
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Revue sciences sociales et sport
Gestion des commandes :

Olivier HOIBIAN : UFRSTAPS – Université Paul Sabatier –

118, route de Narbonne – 31062 – Toulouse Cedex 09

olivier.hoibian@wanadoo.fr
Revue

S CIENCES

S OCIALES et

S PORT


N° 3 – Juin 2010
R EVUE SCIENCES SOCIALES ET SPORT

COMITE SCIENTIFIQUE


BOETSCH, Gilles. Anthropologie. CNRS Aix-Marseille II
BROMBERGER, Christian. Anthropologie, Université de Provence. IUF
CALLEDE, Jean-Paul. Sociologie. CNRS Bordeaux
CLEMENT, Jean-Paul. Sciences sociales-STAPS, Toulouse III
CORBIN, Alain. Histoire (Université. Paris I Panthéon-Sorbonne)
DINE, Philippe. French Studies. National University of Ireland, Galway (IRL)
DURET, Pascal. Sciences sociales-STAPS, Université de la Réunion
DURING, Bertrand. Sciences sociales-STAPS. Université Paris-R. Descartes
DURU-BELLAT, Marie. Sociologie. IEP de Paris, OSC et IREDU
GUTTMAN, Alan. English & American Studies, Amherst College MA (USA)
HARVEY, Jean. Sciences sociales-Kinésiologie. Université d’Ottawa (CA)
LABERGE, Suzanne. Sciences sociales. Université de Montréal (CA)
LAHIRE, Bernard. Sociologie. ENS, Lyon
OHL, Fabien Sciences sociales-Sciences du Sport Univ. de Lausanne (CH)
ORY, Pascal. Histoire contemporaine. Paris I Panthéon-Sorbonne et EHESS.
POCIELLO, Christian. Sciences sociales-STAPS (Univ. Paris-Sud Orsay)
RASPAUD, Michel. Sciences sociales-STAPS. Université J. Fourier, Grenoble
RAUCH, André. Sciences sociales-STAPS. Université de Strasbourg
SOHN, Anne-Marie. Histoire contemporaine. Université de Rouen
SUAUD, Charles. Sciences sociales-STAPS. Université de Nantes
VIGARELLO, Georges. Histoire. EHESS et Univ. Paris-R. Descartes
WAHL, Alfred. Histoire. Université de Metz
© L’HARMATTAN, 2010
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-11995-6
EAN : 9782296119956

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
« Un laboratoire parfait » ? Sport, race et génétique : le discours sur la différence athlétique aux Etats-Unis {1}
Nicolas Martin-Breteau*

Introduction

Il y a quelques années, le journaliste américain Jon Entine a publié un essai influent dont le but affiché était la mise à nu des raisons de la domination internationale des athlètes « noirs ». Son titre : « Tabou. Pourquoi les athlètes noirs dominent en sport et pourquoi nous avons peur d’en parler. » {2} A l’époque de la publication de l’ouvrage, Jon Entine était journaliste sportif et producteur de télévision. Il s’était notamment rendu célèbre par son documentaire controversé « The Black Athlete : Fact and Fiction » {3} (1989) qui se terminait en affirmant la supériorité athlétique génétique des « noirs » pour expliquer leur surreprésentation dans certains sports de haut niveau. Reprenant de telles conclusions, Taboo est le premier ouvrage aux Etats-Unis à tenter d’orchestrer de façon systématique les arguments, auparavant épars dans divers ouvrages et articles, sur la supposée supériorité génétique des « noirs » concernant les activités athlétiques. En 2002, Jon Entine a quitté ses anciennes fonctions pour rejoindre le think tank conservateur The American Enterprise Institute for Public Policy Research (AEI).
Le propos central du livre de Jon Entine est de considérer le sport comme un « laboratoire parfait » {4} pour étudier les aptitudes athlétiques des populations humaines. Cette métaphore s’appuie sur deux assertions. La première considère l’épreuve sportive comme un « test » dans lequel les compétiteurs obéissent tous aux mêmes règles et où, par conséquent, les discriminations de toutes sortes rencontrées dans la vie sociale seraient bannies. La seconde fait de l’épreuve sportive la mesure abstraite d’une performance (exprimée en temps, en distance, en poids, etc.) censée produire un résultat absolument neutre sur le plan politique. Cette stricte égalité entre les compétiteurs et l’expression abstraite des résultats de leurs performances permet à l’auteur de présenter l’épreuve sportive comme une véritable expérience scientifique ayant lieu dans des conditions similaires à celles rencontrées en laboratoire. Sans enjeu politique et sans discrimination d’aucune sorte, le sport servirait ainsi de révélateur aux « inégalités naturelles » entre les individus et entre les groupes humains, qu’Entine appelle « races ». Le livre se présente ainsi comme la description dépolitisée d’un état de fait ancré en nature : les « races » humaines seraient inégales eu égard à leurs « aptitudes » physiques différenciées. Le sport permettrait donc de statuer « scientifiquement » et une fois pour toutes sur des questions qui, lorsqu’elles sont posées pour les aptitudes intellectuelles par exemple, entraînent immanquablement de virulentes polémiques.
Cet article entend étudier, avec le recul rendu aujourd’hui possible, le propos de Taboo. Une telle étude du discours sur la différence athlétique permettra d’analyser les transformations contemporaines du discours sur l’essentialisme racial aux Etats-Unis. Pour ce faire, il convient d’abord de replacer la publication du livre dans son contexte historique de longue durée puis dans son contexte historique immédiat. L’étude de sa filiation intellectuelle permettra dans un deuxième temps de présenter les thèses du livre, les ressorts de son raisonnement et les erreurs menant à son argument central faisant du sport un « laboratoire parfait ». Enfin, il s’agira de faire ressortir l’agenda politique que, consciemment ou inconsciemment, le livre sert.

I. La longue histoire de la construction de l’inégalité entre « noirs » et « blancs »

L’histoire des Etats-Unis d’Amérique s’est en grande partie érigée sur une différentiation radicale entre « blancs » et « noirs » {5} . Percevoir les êtres humains en « noirs » et « blancs » n’est pas un acte naturel, mais une construction sociale héritée, aux Etats-Unis, de la période coloniale et de l’esclavage {6} . Entre les XVII e et XIX e siècles, cette différentiation a essentiellement pris l’aspect d’un discours paternaliste sur la différence raciale servant à prouver l’infériorité naturelle du « noir » sur le « blanc » et à légitimer la traite et l’esclavage des Africains et de leurs descendants. Progressivement, à la suite de l’arrivée en 1619 à Jamestown en Virginie des premiers esclaves africains en Amérique du nord, un ensemble de lois édictées par les différentes colonies britanniques de la région a permis de codifier, entre les années 1640 et 1690, la pratique de l’esclavage et le statut des esclaves et de leurs enfants. L’esclavage est ainsi devenu dans la deuxième moitié du XVII e siècle un état permanent et héréditaire souffrant de très rares exceptions. De surcroît, les esclaves africains et leurs descendants, appartenant pourtant à différents peuples originaires de diverses régions d’Afrique occidentale, en sont venus à être considérés comme une seule et même « race noire » {7} . Au XVIII e siècle, le discours sur les « races » humaines a ainsi élaboré une représentation du « noir » comme sous-homme, plus proche de la bête que de l’humain et, à ce titre, dénué de la faculté de se gouverner lui-même. Incapable d’autonomie, la liberté n’aurait su lui convenir {8} . Si bien que l’esclavage a pu être présenté comme un processus de civilisation et de moralisation de l’esclave arraché, par la discipline du travail, à sa bestialité primitive {9} . A de nombreux égards, la fondation de la jeune république indépendante au tournant des XVIII e et XIX e siècles fidèle à cette position ne permettant qu’une libération très progressive des esclaves dans les Etats du Nord du pays, et pas dans ceux du Sud.
Au XIX e siècle, dans le cadre de l’interdiction de la traite atlantique en 1808 et de la montée en puissance des mouvements abolitionnistes des deux côtés de l’Atlantique, ce discours différentialiste a cherché à légitimer, par le recours soi-disant scientifique à la biologie naissante, le bien fondé de l’esclavage. Puis, après de la

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