Chronique amazonienne
233 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Chronique amazonienne , livre ebook

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233 pages
Français

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Description

Ce livre est à la fois le récit déconstruit de sa vie innombrable. Car cet homme fut, entre autres, chasseur de jaguars, chercheur d'or, restaurateur, transporteur aérien, guide d'aventure extrême, colon, planteur de vanille et de café, commerçant et patron. Mais surtout, il fut écrivain. Ce texte raconte aussi le rêve obstiné d'un fou poète à cheval entre l'Europe et l'Amérique, l'Altiplano et l'Amazone, le business et le cosmos.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2009
Nombre de lectures 350
EAN13 9782296683983
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

CHRONIQUE AMAZONIENNE
D'un bateleur fou d'écriture
 
Graveurs de mémoire
 
Dernières parutions
 
Éric LE RAY, Marinoni, fondateur de la presse moderne (1823 -1904), 2009.
Michèle PERRET, Terre du vent. Une enfance dans une ferme algérienne, 2009.
Pauline BERGER, Bruits de couloirs. Dans les coulisses d'un internat de jeunes filles (1951-1958), 2009.
Franco URBINI, La libération de la France, l'Indochine. Souvenirs de guerre d'un 2e classe (1941-1947), 2009.
Rémy MARCHAND, Les mémoires d'un poilu charentais, 2009.
SHANDA TONME, Les tribulations d'un étudiant africain à Paris. Livre I d'une autobiographie en 6 volumes, 2009.
Attica GUEDJ, Ma mère avait trois filles. 1945-1962 : une enfance algérienne, 2009.
Roby BOIS, Sous la grêle des démentis. Menaâ (1948-1959), 2009.
Xavier ARSENE-HENRY, Les Prairies immenses de la mémoire, 2009.
Bernard LAJARRIGE, Mémoires d'un comédien au XXe siècle. Trois petits tours ..., 2009.

Geneviève GOUSSAUD-FALGAS, Les Oies sauvages. Une famille française en Tunisie (1885-1964), 2009.
Lucien LEMOISSON, Itinéraire d'un pénitentiaire sous les Trente Glorieuses, 2009.
Robert WEINSTEIN et Stéphanie KRUG, L'orphelin du Vel' d'Hiv, 2009.
Mesmine DONINEAUX, Man Doudou, femme maîtresse, 2009.
François SAUTERON, La Chute de L'empire Kodak, 2009.
Paul LOPEZ, Je suis ne dans une boule de neige. L'enfance assassinée d'un petit pied-noir d'Algérie, 2009.
Henri BARTOLI, La vie, dévoilement de la personne, foi profane, foi en Dieu personne, 2009.
Frédérique BANOUN-CARACCIOLO, Alexandrie, pierre d'aimant, 2009.
 
Pierre VERNAY
 
 
CHRONIQUE AMAZONIENNE
D'un bateleur fou d'écriture
 
 
Edition établie par Michel CROCE-SPINELLI
 
 
L'Harmattan
 
 
 
© L'Harmattan, 2009
5-7, rue de I'Ecole polytechnique ; 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
ISBN: 978-2-296-09974-6
EAN: 9782296099746
 
Poussée vient. Des bras sortent de la tête de n’importe où,
pour s’étirer, pour se défendre, pour davantage s’étendre,
à l’aventure, bras de fortune sans savoir où déboucher,
essais d’enfants, dessins d’enfants.

Mouvement comme désobéissance.
 
Henri Michaux
 
DROGMAN EN LIGNE
 
DUBLIN, 2001.
 
 
- M. Drogman, êtes-vous spécialiste en toxicomanie ?
Je crus à une plaisanterie, l’internaute de Bolivie signait L’Hé et s’exprimait en français. Il insistait :
- Je relève votre nom dans la liste des participants au congrès drogue et bioéthique de Boston.
Je répondis :
- M. L’Hé, étant interprète auprès d’organismes internationaux, je signe Drogman en hommage aux « drogmans » du 17e siècle -du grec byzantin dragoumanos -, interprètes qui servaient la Sublime Porte à travers leurs ateliers de langues disséminés de par les pays du Levant, mais je peux vous affirmer que je n’ai rien à voir, ni de près ni de loin, avec les narcotiques.
Pas démonté, l’internaute relança :
- Au 11e siècle, interpréter signifiait expliquer, au 15e, traduire, au 19e, jouer. Vous, vous faites quoi ?
- Et vous ?
- Moi, j’écris. L’Hé, l’Homme Excité, c’est le nom de mon personnage, déjà quinze ans que j’écris…Si je vous interroge, c’est qu’un de mes personnages est cocaïnomane…Enfin tant pis ! Dominez-vous vraiment toutes ces langues, comme vous le prétendez ?
- En effet, je les maîtrise. Que désirez-vous ?
- Je veux éditer mes livres en version bilingue.
- Langue source ?
- Le français.
- Langue cible ?
- Mais enfin... toutes.
- Désolé, je n’ai pas de temps à perdre.
- Je suis un oral, un sonore, et l’équivoque où votre nom m’a égaré me fait saisir que je n’ai pas besoin d’un traducteur mais d’un interprète simultané, pour m’offrir tous les sens et tous les possibles contresens et tous les détournements, les ambiguïtés des mots, et me surprendre.
- Vous n’êtes pas sérieux.
- Je vous envoie un billet aller et retour, classe affaires, tous frais payés, et nous en discuterons chez moi. Accord ou non, je vous offre un voucher pour quinze jours de visite au cœur des Andes dans les meilleures conditions.
J’ai accepté. Je ne connaissais pas la Bolivie. Aurais-je accepté si je l’avais connu, lui ? ...Oui, je crois…j’en suis sûr même. Cette joie et cette souffrance en fusion m’inspirèrent d’abord une inquiétude et une répulsion, mais très vite aussi une forme de reconnaissance pour cet homme excité et héroïque dont la vie cherchait obstinément à ouvrir notre monde. Ce monde que nous pensons achevé et dont nous sommes fiers d’être l’espèce dominante, lui l’avait baptisé, sans mépris ni méchanceté, la planète des omégas, la planète des finis , dont il fallait s’échapper pour poursuivre ailleurs l’aventure de la vie, qu’il appelait Vidiana’n.
 
A l’aéroport de La Paz, un Indien très préoccupé tendait un carton avec mon nom écrit dessus.
- Mister Drogman ?
Je lui répondis en aymara, ce qui le laissa muet. L’aymara fut utilisée par la recherche informatique. Les langues de l’Altiplano, les branches du tronc pukina ont encore beaucoup à révéler.
Le petit homme, qui répondait au nom d’Hipolito, me fit monter dans une Jeep Nissan, un châssis court 1982 à l’aspect délabré. Mais le moteur tournait rond. Je félicitai le chauffeur qui m’informa que ce moteur, d’origine précisa-t-il, approchait les 400.000 km, dont trois quarts de pistes, et de la très mauvaise. La Bolivie manquait de routes pour son million de km 2 .
- Le patron surveille bien la mécanique. C’est qu’il conduit vite ! Chaque matin il va pour ses pratiques de karaté à Sopocachi en trente minutes. Moi, il me faut quarante minutes, et sans me promener. Il va vite Don Pierre, trop vite !
- Don Pierre ? demandai-je.
- Oui, notre patron.
Après avoir traversé l’Alto et Ciudad Satelite, une tache plate de maisons inachevées en briques, nous avons bifurqué sur la droite, abandonnant la route de La Paz. Et bientôt, un chemin de terre qui commençait par une poubelle municipale nous fit plonger dans une vallée immense et dépeuplée.
Au centre de la vallée, Achocalla, le village où vivait L’Hé, se présentait comme les restes d’un avion gros porteur écrasé en bout de piste. On abandonna la route caillouteuse pour suivre des ruelles sillonnées par des paysans, des ânes, des moutons, des vaches et des microbus. On franchit un torrent sur un pont de rondins et la Jeep s’arrêta, Klaxon bloqué, devant un portail rouillé. Quelques dizaines de pins et d’eucalyptus derrière le mur en adobe annonçaient une vaste propriété. Le portail s’ouvrait difficilement. Une Indienne pliée en deux tirait un des battants. Et L’Hé apparut, chemise et pantalon noirs, jambes écartées, pieds nus dans des sandales de cuir. Derrière lui, une meute immobile et attentive de chiens huskies au regard pâle.
Proche de la soixantaine, un mètre soixante-dix, le type d’homme qui fait son âge mais est resté fort. Il devait peser dans les quatre-vingt-dix kilos. Mobile et massif, sans doute à cause du karaté qui le maintenait compact. Je m’approchai et le découvris. Tignasse grisonnante, queue-de-cheval bouclée, barbe aux trois quarts blanche, une gueule ! Des blessures anciennes avaient laissé des cicatrices, l’une en forme de sangsue en haut du front, une autre comme une étoile à la naissance du nez, et un mille-pattes à l’arcade sourcilière gauche.
Il se voulait aimable et parlait trop. Sa silhouette de costaud recherchait la bonhomie, mais soudain lui échappait une courte suite de mouvements à la rapidité surprenante. On l’approchait, mais en gardant instinctivement ses distances. Dès la première rencontre, on participait à sa principale et involontaire forme d’échange, le quiproquo.
Il prit mon sac de voyage, m’entraîna vers un jardin, me fit passer par un patio, une cuisine, une salle à manger, enfin un salon avec cheminée, piano droit, quelques fauteuils. J’en pris un pour m’effondrer, un peu essoufflé. Debout, L’Hé me regardait avec le sourire de l’hôte attentif :
- Nous sommes à 3.800

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