Le Voyageur d un Silence
107 pages
Français

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Le Voyageur d'un Silence , livre ebook

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Description


Le voyage initiatique d'un enfant sans parole.


Il s’agit de l’aventure initiatique de Théo, enfant muet, seul dans les trains de la guerre. Rencontres, dangers et secours l’accompagnent au travers d’événements chimériques et authentiques. Bordeaux – Toulouse – Narbonne – Perpignan – Nîmes – Marseille – Menton, s’enchaînent et fusionnent pour illuminer merveilleusement le secret de son enfance.


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 mai 2020
Nombre de lectures 0
EAN13 9782381530321
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Voyageur d’un Silence
 
La SAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu’ils produisent à la demande et pour le compte d’un auteur ou d’un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité.
H.A. Hairabédian
Le Voyageur d’un Silence
Roman

 
 
« Ce qu’il y a de bien dans le désert c’est qu’il cache un puits quelque part »
Le Petit Prince – Antoine de Saint-Exupéry
 
BORDEAUX, 1943
« Papa, dis pa-pa, mon chéri. Allez sois mignon, dis papa. Pa-pa. »
Il n’y arrive pas. Pas du tout. Il le pense très fort, il remplit sa tête de ce mot. Il sait dire maman.
« Mais papa, je n’y arrive pas. »
Elle met le bout de ses doigts sur ses lèvres comme a dit de le faire la dame de l’école. Ça lui chatouille la main et parfois même sous l’épaule. Il sourit. C’est tout. Rien ne veut sortir. Les mots sont cernés dans sa bouche.
Depuis le départ de papa, parti sans le temps d’un baiser ni l’instant d’un sourire. D’un… « Papa reviendra ». Le silence a broyé chaque mot, chaque lettre.
« Le P, le A, l’autre P et le dernier A. Pas seulement papa.
Mais aussi, bisou, lait, dormir, manger, mal, vélo, pipi, dessin, oiseau, bon, bobo, bonbon. Même bonbon, je n’arrive pas à sucer ce mot, pourtant presque aussi doux que maman. »
Il ne sait dire qu’un seul mot : Maman. Il va dans une école spécialisée avec d’autres enfants du silence. Ils se parlent en faisant plein de gestes amusants. Les récréations sont cris de mouettes et de dauphins bleus. Quand l’un tente le coup des paroles, c’est moche comme tout.
« Elles ressemblent à des vêtements chiffonnés. »
Lui il n’aime pas. Il préfère habiller ses silences avec les grimaces bien repassées de ses doigts. La plupart de ses copains, comme Pampan ou Petit Paul n’entendent pas non plus. Ce Théo-là entend tout. Sa maman Claudine, la caresse rêche de sa robe de taffetas, le clapotis de la Garonne quand passe un bateau, le vent dans les arbres de la place Gambetta, l’orgue de barbarie du dimanche matin. Il entend aussi les klaxons des autos, une porte qui grince, le chat quand il miaule ou griffe le tapis. Les rires des enfants et les colères des grandes personnes. Tout est doux à entendre puisqu’il est de cet âge quand silence dort et les rêves d’argent.
« Allons, mon chéri, dis papa. Il sera content papa quand tu lui diras : pa-pa. »
Papa c’est l’absence. L’homme loin de la maison. De Bordeaux. Il est quelque part là-bas, au bout des rails traçant dans le ciel au-dessus du fleuve boueux, le long chemin sur le pont aux croisillons de fer.
Maman c’est son mot. Les rails son dessin préféré. Il dessine presque toujours des rails, avec leurs traverses boulonnées sur la prison des fleurs.
« Je préfère les trains à vapeur. »
Mais les gens regardent trop tard ses dessins. Ils disent :
« Pourquoi fais-tu seulement la fumée de la locomotive ? »
Il met alors le bout d’un doigt sur le bout des rails, au coin à gauche du dessin.
Eh oui, ils regardent trop tard.
« Ils ne comprennent rien à rien. Le train est déjà parti. »
Les mots, c’est pareil. Ils sont aussi dans un coin de sa tête. Reste leur musique cachée. C’est un sourire au coin de ses lèvres.
La nuit, il crie parfois pour un cauchemar. Quand on ne sait dire, on crie.
Il court sur des rails qui se tordent et se mêlent comme des lianes. Petit Tarzan sautant entre les images des peut-être. Du oui au non de toutes ses questions.
« Papa, au secours papa au secours, papa je tombe, rattrape-moi, je tombe au secours mon papoudé chéri, au secours mon papa ! »
Claudine le réveille. Il est tout mouillé. Elle dit :
— Tu vois, tu peux. Tu as crié papa.
Il fait non de la tête. Non, non, non.
— Mais si ! J’ai bien entendu, tu as crié papa.
Et tandis qu’elle change le pyjama et les draps, elle recommence :
— Allons, répète mon chéri, papa, pa-pa. Papa.
Il se blottit au creux chaud de sa poitrine et pleure en hoquetant.
— Maman maman ma maman.
Claudine lui caresse lentement la tête comme un aveugle coiffe une poupée fragile. Elle le berce.
— Ne pleure pas mon petit. Mon tout petit… Ça n’fait rien. «
Il dort déjà.
Le silence est une écorce pour protéger la sève des paroles. Claudine reste enfermée dans l’arbre de sa solitude. Et c’est elle qui pleure maintenant.
Il est l’objet des conversations les soirs d’été, lorsque les chaises jouent aux quatre coins de la rue du Tondu et de la rue Boyer où l’herbe pousse entre les pavés. Assis sur le rebord en granit du trottoir, il joue avec Petit Paul, son bon copain d’en face, le petit fils du tailleur. Assis comme lui pour se lancer une balle de mousse au travers de la chaussée. Les pieds dans la rigole tout aussi à sec, les mots rebondissent également à hauteur « des grands ».
— Sec, tout est sec. Oui, tout est si sec.
— C’est très sec.
— Depuis bien trois semaines… pas une goutte.
— Quatre, je dirais quatre. Tiens souvenez-vous, depuis le jour qu’ils sont venus chercher les parents de qui vous savez.
— Chut ! Doucement, on pourrait nous entendre. Mon dieu quel malheur des gens si gentils, au fait vous avez trouvé du sucre ?
— Quelques morceaux pour lui. Contre du saindoux de chez sa grand-mère.
— Toujours pareil ?
— Toujours. À part maman…
— Vous avez bien du courage ma pauvre Claudine.
Ainsi Théo devient, quelques instants entre deux alertes, aussi important que la sécheresse, le manque de sucre, la disparition de… qui vous savez, le début d’incendie à l’usine d’allumettes voisine. Les bombardements sur la gare St-Jean et la pénurie même de topinambours.
Les mots le traversent sans regarder ni à droite, ni à gauche. Ils forment d’imprudentes phrases qu’il cache sous la pierre brute de sa tête frisée.
Demain matin, c’est le grand départ.
Ils ont préparé ensemble sa valise. Claudine nommant chaque objet au fur et à mesure qu’elle pliait une chemise, une paire de chaussettes, le short marron avec une bise sur le front à chaque nouveauté.
Mardi, 9 heures 30
Le petit chien noir et blanc de la rue François de Sourdis a suivi Claudine portant la petite valise et Théo souriant aux nuages formant une farandole de voiliers par-dessus la rue.
Ils ont marché à pas rapides jusqu’au tramway qu’ils ont pris au bout de la rue du Tondu. Le petit chien a couru quelques instants en jappant pour dire au revoir, tandis que Théo agitait sa main gauche contre la vitre. Puis le tramway s’est décidément engagé sur l’avenue Aristide Briand, le petit chien s’en est retourné vers ses habitudes. Les grands drapeaux à croix gammées flottent devant les fenêtres de la bourse du travail. Après la place de la Victoire, passé le marché des Capucins, plus question de revenir en arrière.
Au bout du cours de la Marne, c’est la gare.
C’est une bavarde. Ses mots sont en récréation dans le désordre d’échos exagérés et incompréhensibles pour des horaires compliqués. Elle parle avec une voix nasillarde au goût de fer rouillé.
« Comme quand on a la fièvre et mal à la gorge, quand les mots des autres sont des lames d’épée chauffées à blanc pour transpercer la tête. »
 
Claudine n’est pas malade. Sa voix tremble pourtant un peu et sa main serre celle de l’enfant plus fort qu’à l’ordinaire. De temps à autre. Battement de son cœur, étreinte d’une chaude araignée dont la toile après s’être longuement tissée se défait. Il lève la tête, la regarde. Elle non.
— Deux billets ? dit une voix.
— Non, un seul pour le dix heures dix. Je suis venue il y a trois jours retenir un ticket garde-place pour mon garçon. Tarif enfant s’il vous plaît monsieur. Voilà, dit-elle en passant son reçu par le petit guichet.
Parmi toutes les directions possibles inscrites à la case départ du grand jeu de l’oie ferroviaire quelle est celle de Théo ?
Bordeaux – Nantes, Bordeaux – Genève, Bordeaux – Toulouse… pas de Bordeaux – Papa.
Papa il y a si longtemps qu’il n’est plus là.
« Au moins deux vacances, plusieurs crayons de couleur et la moitié d’une gomme. »
Petit Paul, l’été, il va chez sa tante Pierrette. À la mer, du côté de Biscarosse. Théo lance une nouvelle mode. C’est à la rentrée qu’il va chez son papa.
Il fait toujours froid dans les gares. Dans la file d’attente au contrôle, un gendarme français élève la voix avec un voyageur ne sachant pas où récupérer sa bicyclette arrivée de St-Jean d’Angély avant hier. L’ayant dirigé vers le bureau du chef de gare, il se tourne vers Claudine et vers sa carte d’identité puis sur la valise. Lance un regard aux deux soldats allemands statufiés derrière lui. Du bout de son fusil et d’un coup de menton, l’un d’eux fait signe d’avancer. Ils descendent dans le ventre de la gare par des escaliers larges comme deux lits côte à côte. C’est triste.
« C’est noir et ça sent le pipi. »
Théo se serre contre Claudine et se bouche le nez. Elle dit :
— Nous sommes sous les voies.
« Et sur la mienne, qu’y a-t-il ? »
Un train d’orage passe là-haut vif comme l’éclair et tout aussi bruyant. Juste le temps de rentrer leurs têtes dans les épaules. Deux amoureux s’embrassant contre une affiche bleue vantant les sports d’hiver en France avec deux billets SNCF à prix réduit, n’ont pas tremblé. Théo tourne et retourne la tête pour en savoir plus de l’image en partie cachée par le couple.
La remontée vers le quai n° 2 illustre la gare d’une nouvelle manière. Des pigeons picorent entre les rails aussi tranquillement qu’au jardin public. Un train écaillé de partout les attend. Il a des marches géantes. Les trains pour enfants sont plus neufs et ne sont que des jouets. Troisième classe, c’est là.
— Lève tes pieds. Ne fais pas l’enfant, tiens bien la rampe, remonte tes chaussettes, ne t’inquiète pas, je monte t’ins

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