Professeur à Taïwan
390 pages
Français

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Description

« J'observe que, de même qu'à Bangkok où j'éprouvais partout une impression de déjà vu d'où découlait un étrange sentiment de "revenir à la maison", ici, je me sens parfaitement à l'aise, tout me plaît, tout me semble déjà familier, et il va sans dire que maintenant, l'utilisation des baguettes n'a plus de secrets pour moi ! »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 mai 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342006193
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Professeur à Taïwan
Amélie de la Musardière
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Professeur à Taïwan
 
 
 
À ma fille Marie-Françoise.
 
 
 
Introduction
 
 
 
Cher lecteur, les lettres que je vais vous présenter ont été écrites par mon amie Annie. Elles retracent l’histoire de sa découverte de l’Extrême-Orient, ses premières expériences de professeur de français dans une université chinoise, et son mariage avec un collègue taïwanais.
 
C’est un peu par hasard que je suis entrée en possession de ses lettres, par curiosité que je les ai lues et pour l’intérêt qu’elles me semblent présenter que j’ai entrepris de les publier.
 
Enfin, pour l’avoir connue adolescente et parce que j’ai toujours conservé avec elle des liens fort étroits, je me suis adjugé le rôle du présentateur qui se permet parfois d’interrompre le cours d’un récit pour en éclairer tel ou tel aspect de ses propres lumières.
* * *
Mon amie Annie avait quitté la France depuis si longtemps et il lui était arrivé tant et tant d’aventures, qu’elle était devenue pour moi une sorte de personnage mythique dont la réalité, comme les nuages, s’évanouissait dès que l’on essayait de s’en approcher.
 
Notre amitié remontait à l’adolescence. À cette époque, nous étions toutes deux pensionnaires dans une institution religieuse très conservatrice, et passions notre temps à décortiquer le Télémaque de Fénelon, traduire Cicéron ou La Guerre des Gaules – ce qui, personnellement m’amusait davantage – et à essayer de comprendre ce que les anciens Égyptiens appelaient le kâ. Je ne pouvais détacher les yeux des illustrations de notre livre d’histoire ancienne tant le chacal Anubis me semblait élégant, et mon cœur palpitait d’angoisse à la vue de la balance qui pesait les âmes, lesquelles devaient être plus légères que plume pour entrer dans le monde d’Osiris…
 
Nos préoccupations de l’époque étaient exclusivement scolaires et particulièrement littéraires. C’est que nous faisions des études classiques et malgré notre jeune âge, nous étions à la fois fières d’appartenir au groupe des littéraires pures, et conscientes d’être les dernières représentantes d’une espèce en voie de disparition.
 
Cela ne manquait pas de nous rapprocher, naturellement. Mais ce dont nous étions les plus fières, c’était de pouvoir nous parer du titre d’« hellénistes distinguées ». En effet, si notre école comptait encore bon nombre de latinistes, nous n’étions que quatre à pouvoir lire Homère dans le texte, sous l’égide bienveillante d’un vieux monsieur, son grand âge lui ayant servi de sésame auprès des sœurs qui faisaient régner l’ordre religieux, moral et intellectuel dans notre respectable institution. Ses quatre élèves lui étaient très affectionnées et, mi-plaisanterie, mi-tendresse respectueuse, l’appelaient « Tonton » en aparté.
 
Et je sais qu’alors que je rêvais à l’évocation de la grande salle hypostyle de Karnak, à l’épaisseur de ses colonnes et à leurs chapiteaux en forme de lotus, Annie voyait les algues et le sable dont la barbe d’Ulysse était salie, sentait le sel lui piquer les yeux alors qu’il levait le visage vers « Nausicaa aux bras blancs », et repartait avec eux éprouver les émois des invités du banquet donné par Alcinoos… Chaque récit l’emportait tellement qu’elle transpirait à la lecture de l’incendie de Troie, riait des tours de Circé, et prenait peur à l’évocation de la colère du pauvre Polyphème… encore que je ne comprenais pas pourquoi elle le plaignait…
 
C’est en souvenir de cette si lointaine connivence de notre adolescence studieuse que j’acceptai, l’an dernier, d’aider Annie à vider la maison de sa mère après le départ de celle-ci pour une maison de retraite.
 
Annie s’étant occupée de vendre tous les meubles et bibelots, j’héritai des archives. Qui eût cru que la vieille dame possédât tant et tant de papiers ? Je bourrai le tout, à grand-peine, dans les sacs plastique les plus solides que je pus trouver ; les entassai dans ma grosse voiture-camionnette ; et enfin, Annie m’ayant laissé carte blanche, entrepris de les trier. Comme cela arrive dans presque tous les cas semblables, ces monceaux de paperasseries, dont un bon nombre déjà jaunies, ne présentaient plus le moindre intérêt et je dus en éliminer les quatre cinquièmes.
 
Sur ce, Annie, que toutes ces démarches et tracasseries avaient grandement perturbée, décida de repartir à l’étranger, me laissant les seules archives qui valaient – à mes yeux du moins – la peine d’être conservées : toutes les lettres qu’elle avait écrites à sa famille depuis qu’elle avait quitté la France à l’âge de vingt-trois ans.
 
Elle et moi avions toujours gardé le contact une fois nos études finies, grâce à de copieux échanges épistolaires et toutes les visites qu’elle ne manquait pas de me faire lors de chacun de ses séjours en métropole. Toutefois, bien des points de sa vie tumultueuse m’étaient restés obscurs, et j’avoue que si je protestai que la garde de ces classeurs ne m’était d’aucun inconvénient c’était, certes, que j’habitais une maison fort spacieuse, mais aussi, que la curiosité me rongeait…
 
Une fois Annie au loin, j’entrepris la lecture de ses lettres, et je fus transportée dans un monde si différent de la calme et douce campagne où je m’étais retirée, que je ne pus m’empêcher de me mettre à vivre en imagination ce qu’elle avait réellement vécu quelques décennies auparavant.
 
Après un séjour d’environ six mois au Caire, où elle fit ses premières armes en tant que professeur dans une école privée, enseignant l’anglais aux petites filles du primaire et les textes classiques aux grandes adolescentes du secondaire, Annie quitta l’Égypte car décidément, une jeune fille ne peut rester seule dans un pays musulman. D’ailleurs, les tombes de la vallée des Rois, le masque d’or de Toutankhamon, l’œil d’Horus… c’était moi que cela faisait rêver.
 
De retour en France, en quête d’un nouvel emploi, elle explora différentes pistes dont aucune n’aboutit à quelque chose de satisfaisant. Après mûres réflexions, elle comprit que non seulement l’enseignement était sa vocation, mais aussi qu’elle aspirait ardemment à repartir pour l’étranger. Elle sentait d’instinct que si elle restait en France, sa famille – tellement conservatrice et traditionaliste dans tous les domaines – finirait par avoir raison de sa soif d’ouverture et de connaissance, et qu’après avoir été enfermée pendant onze ans dans une pension religieuse, elle se retrouverait vite prisonnière, à vie cette fois, d’un mari « bien-pensant ».
 
À cette époque, Annie qui avait eu une adolescence si sage, obéissante et studieuse, était révoltée contre sa famille. D’autant plus que la profonde mésentente de ses parents l’avait amenée à penser que non seulement l’amour n’existait pas, mais qu’il n’était qu’une fable à l’usage des jeunes filles pour leur faire accepter le statut de femme mariée, qui prenait pour elle les couleurs les plus sombres.
 
Un mari « bien-pensant » signifiait pour elle « bien-méprisant ». Un inconnu qu’il lui faudrait servir sans relâche, auquel elle devrait toujours obéir sans pouvoir donner son avis, et qui lui ferait sûrement des enfants dont elle seule aurait la charge… quoiqu’elle fût totalement ignorante sur ce sujet, malgré son âge. Et ce tyran prendrait appui sur la religion pour justifier ses exigences !
 
Lorsque quelques personnes évoquèrent à voix basse – mais pas si ténue qu’elle ne l’ait entendue – la possibilité pour elle d’épouser un certain jeune homme d’« excellente famille et bon catholique » elle comprit que le danger était imminent. Et ce jeune homme, elle le tenait en grand déprisement. Après avoir fait un minimum d’études pratiques, il était entré à l’armée. Hors des exploits sportifs et des offices religieux, il passait son temps à manger et dormir – sûrement pour refaire ses forces ! Bel avenir en perspective…
Prise de panique, Annie chercha une échappatoire.
 
C’est alors qu’elle se souvint de sa correspondante chinoise. C’était une Taïwanaise, bien sûr, car aucun contact n’était envisageable avec la Chine continentale à l’époque. La Grande Révolution culturelle ayant sévi de 1966 à 1976 et l’armée chinoise étant dirigée par Lin Piao jusqu’en 1971, seuls de faibles échos pouvaient filtrer à l’extérieur. Taïwan, au contraire, était en pleine expansion. Bref… sa correspondante lui avait raconté pas mal de choses et même donné des détails sur l’école qu’elle avait fréquentée et sur l’université où elle avait obtenu une licence de français avant d’arriver chez elle… au grand dam de ses parents ! Après quelques mois d’une cohabitation un peu délicate, les parents d’Annie l’avaient littéralement expédiée aux États-Unis chez une de ses tantes. Mais c’est une autre histoire…
 
La mémoire revenant promptement à Annie, elle écrivit à l’université en question et obtint sans difficulté un poste d’assistante au département de français, assorti d’une chambre sur place. Il lui fallut travailler plusieurs mois pour payer un billet d’avion aller simple – cela se faisait encore à l’époque.
 
C’est ainsi qu’elle partit pour la Chine où elle allait, comme on le dit de façon convenue et quelque peu pompeuse « rencontrer son destin ». Cela m’amuse d’écrire cela. Que veut dire « rencontrer son destin » ? On peut penser à « rencontrer quelqu’un » qui aurait changé le cours de sa vie. Moi qui connais la suite des événements, je dirais plutôt « rencontré une civilisation » qui a changé sa façon de v

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