Quelques pas de côté
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Quelques pas de côté , livre ebook

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Description

« J'ai essayé de m'éloigner un peu des routes tracées. Il ne s'agit pas ici de longues errances, mais de petits chemins de traverse, d'une douce intrusion dans des lieux riches en belles histoires. La diagonale et l'oblique promettent bien plus d'aventures que les chemins rectilignes. J'aime la curiosité, l'étonnement, l'émerveillement, les interrogations. » Olivier Jochem est amoureux de la baie de Somme et en parle très bien : il évoque Saint-Valéry-sur-Somme, Noyelles-sur-Mer ou encore la pointe Saint-Quentin à l'histoire peuplée de figures célèbres. Nous suivons ainsi les pas d'Anatole France, de Jules Verne, de Jeanne d'Arc emprisonnée au Crotoy, du duc de La Rochefoucauld qui en 1792 cherchait un marin de la baie qui voulût bien l'emmener en Angleterre... Une église classée monument historique, une épave aussi légendaire que mystérieuse, un curieux cimetière chinois... La promesse d'une balade culturelle aussi agréable qu'instructive, mettant en lumière certains secrets de la région.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 mars 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342159691
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0041€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Quelques pas de côté
Olivier Jochem
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Quelques pas de côté
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet :
http://olivier-jochem.com
 
J’ai essayé de m’éloigner un peu des routes tracées. Il ne s’agit pas ici de longues errances, mais de petits chemins de traverse, d’une douce intrusion dans des lieux riches en belles histoires. La diagonale et l’oblique promettent bien plus d’aventures que les chemins rectilignes. J’aime la curiosité, l’étonnement, l’émerveillement, les interrogations. Il est parfois agréable de ne pas avoir de réponse à toutes les questions, dans ce monde où chacun exprime si vite un avis, et de garder une petite place à l’imaginaire et à la poésie. Je recherche les endroits où je peux essayer de ressentir le parfum du souvenir, la petite histoire dans la plus grande histoire, et le sentiment de l’invisible caché derrière le visible. Les grands espaces de la baie de Somme sont propices à ces détours et à la sérénité de l’âme. On s’accorde très vite avec son rythme universel. Le bruit y cesse souvent ; le silence accueille et réconforte. Chaque balade change le regard et conduit le plus souvent à soi-même. Mes pas de côté sont une invitation à faire de tels petits détours, pour en revenir enrichi. Un très beau poème intitulé « Le voyage » se termine par « …Dites, qu’avez-vous vu ? »
Le regard d’Anatole
Je suis souvent passé devant, sans trop y prêter attention. Pourtant, il me suffisait de relever un peu la tête.
 
La discrète plaque commémorative qui figure au niveau du numéro 75 du quai Blavet à Saint-Valéry-sur-Somme évoque le souvenir d’un passage :
 
«  En l’an 1886, derrière ces fenêtres
Anatole France
a médité et rédigé Pierre Nozière
“De la chambre où j’écris, on découvre toute la baie de Somme…
Un vent salé fait voltiger les papiers sur ma table
et m’apporte une âcre odeur de marée.”  »
 
Les mots sont justes et beaux. Ils incitent à en savoir plus sur la présence en ces lieux de ce grand écrivain.
 
Anatole France, de son vrai nom François Anatole Thibault, n’était pas originaire de la région. Il était venu simplement y passer ses vacances d’été en famille ; les mois d’août et de septembre. Il avait choisi, cette année-là, de les partager avec un ami, écrivain comme lui, Gilbert Augustin-Thierry, et sa famille. Ils avaient tous les deux une petite quarantaine d’années et étaient très proches. Gilbert Augustin-Thierry n’est pas passé à la postérité comme son ami Anatole. Romancier et poète, il était le neveu de l’historien Augustin Thierry qui a notamment écrit les Récits des temps mérovingiens ainsi que l’Histoire de la conquête d’Angleterre par les Normands . Il était à ce moment-là collaborateur à La Revue des deux mondes et auditeur au Conseil d’État. Il avait publié quelques années auparavant des articles sur les révolutions d’Angleterre et plusieurs nouvelles.
Leur choix de villégiature était assez original pour l’époque. Peut-être avaient-ils été inspirés par le passage de Victor Hugo dans la région, ou celui d’Alexandre Dumas dans la ville, ou encore de Jules Verne au Crotoy ?
Toujours est-il que le 1 er  août 1886, les deux familles débarquèrent à Saint-Valéry-sur-Somme en provenance de la gare du Nord : Anatole, sa femme et leur fille Suzanne, âgée de six ans, Gilbert, sa femme et leurs deux enfants, ainsi que deux domestiques. Les deux écrivains avaient loué deux maisons accolées, dont la principale qui comptait sept chambres et sur laquelle se trouve apposée la plaque commémorative, pour une durée de deux mois et au prix de 800 francs de l’époque. Les deux bâtisses communiquaient entre elles. Ce n’est plus le cas, semble-t-il, aujourd’hui.
La gazette locale avait certainement dû annoncer leur arrivée, comme cela se faisait pour les estivants de passage dans les hôtels ou les pensions de famille de la ville.
Même s’ils étaient en vacances, les deux amis n’oubliaient pas leurs travaux d’écriture. Au contraire, ils appréciaient cette trêve estivale propice à nourrir leur imaginaire d’autres environnements que ceux qu’ils côtoyaient habituellement. Ils avaient décidé de partager un espace où ils pourraient échanger leurs impressions. Ils jetèrent leur dévolu sur une belle pièce éclairée par deux grandes fenêtres donnant directement sur la baie de Somme. Ce cabinet de travail communiquait avec un balcon bordé d’un large garde-corps en fer forgé. Lorsque je suis de passage sur le quai, j’imagine souvent les deux écrivains accoudés à ce balcon, contemplant le panorama. Dommage simplement qu’il soit devenu aujourd’hui une véranda après la suppression du garde-corps. Les villas devaient être pleines de vie avec trois jeunes enfants, des domestiques, et même deux secrétaires engagés pour seconder les écrivains : Eugène Lacolley pour Anatole France et Albert Lucas pour Gilbert Augustin-Thierry.
Ils avaient clairement fait un bon choix. La situation est unique. Lorsque je longe le port de plaisance et que je débouche sur le quai Blavet, il me semble redécouvrir à chaque fois cette magnifique perspective sur la baie valéricaine qui s’ouvre progressivement devant moi. Je me dis alors que cette vue à 180° devait être superbe pour Anatole et Gilbert dans leur cabinet de travail ou sur leur balcon à une huitaine de mètres de hauteur. Anatole France a capté immédiatement la magie des lieux : « De la chambre où j’écris, on découvre toute la baie de Somme, dont le sable s’étend à l’horizon jusqu’aux lignes bleuâtres du Crotoy et du Hourdel. »
Quelques jours après leur arrivée, les deux écrivains étaient déjà à l’ouvrage ! Gilbert Augustin-Thierry dictait à son secrétaire son roman Le Masque , qui paraîtra l’année suivante dans la Revue des deux mondes. Anatole France pour sa part commençait la rédaction de Pierre Nozière , dont de nombreuses pages seront consacrées à Saint-Valéry-sur-Somme.
Le romancier était captivé par cette région. Les pages de son livre sont issues de ses nombreuses promenades, inspirantes à toutes les heures de la journée. Je l’imagine allant flâner du côté de la digue bordée de tilleuls, monter vers la très belle église Saint-Martin, déambuler dans la ville haute, ou se perdre dans le quartier des pêcheurs. Il était curieux de tout connaître. Rien ne le laissait indifférent. Tout était spectacle et matière à nourrir ses écrits. Pierre Nozière allait être son porte-parole. Il allait parler à travers lui ; une sorte de double.
La diversité des lieux et des sujets plaisait à son esprit tout en nuance et subtilité. Il s’était intéressé au passage de Jeanne d’Arc au Crotoy, prisonnière des Anglais, dont il a parlé ensuite dans son livre Histoire de l’héroïne lorraine. Il s’est rendu sur les lieux du départ en 1066 de la flotte de Guillaume le Conquérant pour l’Angleterre, à proximité du cap Hornu. Il a marché jusqu’au Hourdel qui, pour lui, « …sur l’horizon du large, simule je ne sais quel bout du monde » . Il a assisté à une remise des prix aux enfants des écoles, ou encore à la fête foraine du 15 août sur la place des Pilotes, juste à côté de sa location.
Mais c’est tout naturellement à la baie et à la vie des pêcheurs qu’il consacra le plus de temps. Il rend incroyablement visible une ambiance ou un regard. C’est un très fin observateur, d’une justesse remarquable. Il a parfaitement saisi la dureté et la beauté des lieux. « Nous sommes ici dans un pays rude. La mer y est jaunâtre ; c’est à peine si elle bleuit au loin, vers le large. La côte, toute boisée, est d’un vert sombre. » « Le soleil en s’inclinant, enflamme le bord des grands nuages sombres. »
Je l’imagine traversant la baie à marée basse avec son ami peintre et écrivain, Fernand Calmettes, qui a beaucoup dépeint la région, et se précipiter le soir même sur ses carnets pour y noter ses impressions. En les consignant ou en les dictant à son secrétaire, il devait régulièrement jeter un coup d’œil par la fenêtre ou le bacon sur le tableau vivant de la baie, du chenal et du quai Blavet. On peut dire qu’il était vraiment aux premières loges. Un spectacle qui n’avait rien à envier de ceux du palais Garnier à Paris !
Le chenal n’est plus aujourd’hui emprunté que par quelques plaisanciers, alors qu’à l’époque il connaissait une grande activité. Anatole France l’a très bien décrit : « La mer monte et déjà, du côté du large, les bateaux de pêche s’avancent avec le flot. » Ou encore : « Tous les jours, ils sortent à la mer descendante. Ils font traîner leur chalut sur les bancs que l’on voit émerger au loin au fur et à mesure que l’eau baisse et qui forment alors des flots jaunes dans la mer verte et bleue. » Il note qu’ils pêchent la crevette grise que l’on trouve en abondance sur les bancs entre les pointes du Hourdel et de Saint-Quentin. Il adore observer le bal de ces petits bateaux qui apportent de la vie et de la joie dans la baie. Son bonheur est « d’épier de loin leurs voiles grises, blanches ou noires, quand ils reviennent ensemble comme une compagnie d’oiseaux ».
J’aurais aimé assister à la course serpentine de ces barques dans le chenal et la baie. Le ballet de cette longue procession devait être de toute beauté. Les bateaux venaient s’amarrer le long de ce quai, d’une huitaine de mètres de large, tout en terre et descendant en

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