Voyage sur les frontières russo-chinoises et dans les steppes de l’Asie centrale , livre ebook

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Thomas Witlam Atkinson (1799-1861)



"Je venais de parcourir l’Altaï. La vallée du Bia, où s’étale l’Altin-Kool, – le lac d’Or, – m’avait offert des paysages qui ne cèdent en rien aux plus beaux des Alpes suisses et italiques. La vallée de la Katounia, non moins belle, m’avait conduit jusqu’au sommet du Biélouka. De ce point culminant du massif altaïque, je descendis vers le sud, résolu à aller chercher dans le Gobi des scènes qui n’avaient jamais été considérées par un œil européen et reproduites par un pinceau. Là, je savais que ma carabine serait nécessaire à autre chose qu’à conquérir mon dîner. Là le courage et le sang-froid du voyageur sont mis à l’épreuve par des gens inaccessibles à la crainte et à la fatigue. Il faut avoir la main ferme, l’œil prompt et l’habitude des armes, si l’on veut se garantir de tout acte de violence. Le pillage est le droit commun du désert, et, ce qui est pis, le voyageur qui succombe, s’il n’est pas mis à mort, est destiné à subir une captivité certaine.


Mon escorte se composait de trois Cosaques, braves et honnêtes compagnons qui eussent affronté tous les dangers. Puissent-ils vivre longtemps et heureux sur le coin de terre qu’ils habitent au pied du Kourichoum ! Je leur adjoignis sept Kalmoucks, forts et robustes chasseurs, habitués à la pénible vie des montagnes. J’avais une provision suffisante de poudre et de plomb, ainsi qu’une collection de huit carabines. Mes Kalmoucks avaient les cheveux coupés ras à l’exception d’une touffe sur le sommet de la tête, réunie en une longue tresse qui leur pendait sur le dos et leur communiquait un extérieur tout à fait chinois. De fait, ils pouvaient être considérés comme des sujets chinois. Malheureusement pour eux, la Russie les contraint aussi à lui payer une taxe."



1848. Récit de voyage de l'architecte et artiste anglais Thomas Witlam Atkinson.

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Publié par

Date de parution

09 juillet 2022

Nombre de lectures

1

EAN13

9782384420872

Langue

Français

Voyage sur les frontières russo-chinoises
et dans les steppes de l ’ Asie centrale


Thomas Witlam Atkinson

Traduit de l'anglais par Ferdinand de Lanoye


Juillet 2022
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-38442-087-2
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 1085
Avant-propos

Comment se peuple la Sibérie, et comment on y voyage.

Le 22 février 1848 un traîneau de voyage, renfermant M. et Mme Witlam Atkinson (les voyageurs mêmes dont nous allons suivre les traces) (1) arriva au galop de l’intérieur de Moscou devant la porte de cette ville qui s’ouvre sur la route de la Sibérie. Les barrières des villes russes sont formées par deux poteaux ou grandes poutres soutenant une grosse traverse mobile. On élève celle-ci chaque fois qu’on doit laisser passer une voiture ou un cavalier, puis on la laisse retomber immédiatement. Avant d’être admis et franchir cette sorte de joug ou de potence, le couple anglais dut faire vérifier ses passeports. « Si peu de temps que prit cette formalité, dit Mme Atkinson, ce moment suffit pour évoquer dans nos souvenirs les lamentables fantômes des nombreux proscrits pour lesquels cette barrière avait été la première étape de l’exil ; les uns accusés des plus grands crimes, les autres des plus minces délits, beaucoup simples victimes des caprices, de la brutalité ou des terreurs d’un maître, beaucoup aussi martyrs d’une foi héroïque.
« Pendant notre court séjour à Moscou, les familles de quelques déportés, sachant notre dessein de visiter prochainement des contrées où leurs pères, leurs maris et leurs frères gémissaient détenus depuis de longues années, avaient cherché à lier des relations avec nous. Chacun des membres de ces familles avait quelque chose à nous communiquer. Ici c’était une femme qui s’était tenue à la porte de Moscou avec son enfant dans les bras pour recueillir le dernier regard d’un mari et d’un père ; là, de jeunes enfants, maintenant hommes faits, avaient été terrifiés par le cliquetis des chaînes en embrassant leurs parents pour la dernière fois ; ou bien c’étaient des mères qui avaient assisté avec angoisse au défilé de leurs fils entre les funestes poteaux qu’ils ne devaient jamais repasser ; ou bien enfin des sœurs qui avaient reçu les derniers adieux de ceux qui leur étaient chers, et des frères qui s’étaient pressés d’une étreinte suprême et ne devaient jamais se revoir : tous ces infortunés avaient quelque message à faire parvenir. Chaque famille ayant un fils, un père ou un frère en Sibérie (et il en est des meilleurs et des plus braves), avait voulu nous avoir pour hôtes. On n’avait pas osé leur écrire depuis longtemps. On pouvait seulement leur faire transmettre oralement des témoignages d’affection et d’intérêt, et chacun avait désiré que nous fissions de ces commissions un cas tout particulier. Ils croyaient ne nous avoir jamais assez entretenus des détails de leur infortune, détails souvent tragiques, toujours tristes au plus haut degré.
« Il y avait un mélancolique intérêt dans ces récits que tout le monde eût appréciés comme nous. Ils roulaient généralement sur les circonstances qui avaient conduit les êtres regrettés dans l’exil, et sur la difficulté de faire parvenir si loin quelques confidences d’où dépendaient souvent l’honneur, la fortune et l’avenir de plusieurs familles. Aussi je comprenais les recommandations minutieuses dont chaque confidence était l’objet, et je n’oublierai jamais notre départ et les bénédictions que tant de cœurs brisés appelèrent sur nous. »
Il fut donné à M. et Mme Atkinson, durant leurs longues pérégrinations à travers la Sibérie, de tenir la plupart des engagements pris envers ces respectables infortunes. Depuis la pente orientale de l’Oural qu’ils descendirent par la belle vallée de la Toura jusqu’aux rivages basaltiques du lac Baïkal, ils se détournèrent bien souvent de leur chemin, pour aller dans quelque hameau écarté, dans des solitudes sans nom, souvent même dans l’antre souterrain d’une mine, à la recherche d’un exilé recommandé à leurs soins, et lui transmettre subrepticement un souvenir d’affection, des nouvelles du foyer perdu.
Ainsi dans la première ville sibérienne où ils mirent le pied, à Neviansk, célèbre par ses richesses métallurgiques et par son hôtel des Monnaies dont la haute et belle tour s’incline hors de la perpendiculaire plus encore que la tour de Pise, et fait penser involontairement à ces monuments à base de sable dont parle l’Écriture, les voyageurs purent constater qu’une bonne partie de la population descend des fugitifs échappés dans le siècle dernier des solitudes de Bérézof et d’autres enfers sibériens, et qu’en dépit des terribles prescriptions impériales, le premier des Demidoffs recueillit, cacha et employa dans ses mines et dans ses usines.
Ainsi au confluent de l’Iset et du Tobol, à Yaloutorrowsk, ils allèrent embrasser, au nom de sa famille, un des principaux conjurés de 1825, un Mouravieff que vingt-quatre ans d’exil, dont plusieurs passés dans les forêts marécageuses du gouvernement d’Yakoutsk, sans société aucune, sans livres et sans papier, n’avaient pu amener à modifier son esprit ind omptable et les convictions pour lesquelles il souffrait, pour lesquelles son frère avait péri du dernier supplice (2) .
Ainsi encore dans le voisinage de Minousink, bourgade peuplée d’exilés sur le Jénisseï, ils eurent à visiter un savant allemand, le docteur Fahlenberg, dont la mort avait été officiellement annoncée vingt ans auparavant à sa famille qu’il n’avait pu désabuser, et qui, par suite d’un raffinement de cruauté et de tortures, n’ignorait pas que depuis cette époque il ne comptait plus que pour mémoire dans le cœur de ses enfants, et que sa femme s’était remariée ! Ce n’est pas tout : cet homme, aussi distingué par son érudition que par l’élévation de son esprit, avait ouvert à Minousink une école où bientôt afflua la jeunesse des environs. Dès que le gouvernement l’apprit, il fit fermer l’école, déporta le pauvre savant à quelque distance dans le désert, et lui prescrivit même la seule occupation qui lui fût permise. « Voici, dit le malheureux en ouvrant sa fenêtre devant ses deux visiteurs anglais et en leur montrant un coin de terre planté de tabac, voici le noble travail auquel je dois consacrer les quelques années qui me restent à vivre ! »
À Irkoutsk, où M. et Mme Atkinson passèrent les deux hivers de 1850 à 1852, se trouvaient un certain nombre d’exilés russes ou polonais, qui, condamnés d’abord au travail des mines de Nertchinsk, avaient obtenu, avec le temps, une commutation de peine et formaient, à l’époque dont nous parlons, la meilleure et la plus agréable société du chef-lieu de la Sibérie orientale. On remarquait parmi eux deux grands seigneurs russes : les princes Troubetskoï et Wolkonskoï, avec leurs familles. La femme du premier, élevée dans sa jeunesse en Angleterre, au milieu des plus grands noms des trois royaumes, était la première femme de haut rang qui eût suivi son époux dans l’exil sibérien. Son exemple avait été contagieux. Mme Atkinson recueillit de la bouche même de cette noble femme, dont l’esprit cultivé égalait le dévouement, la relation du voyage qu’elle avait entrepris, suivie d’une seule servante, dans ces tristes contrées, et le récit plus navrant encore de sa réception et de son genre de vie aux mines de Nertchinsk, où le prince son époux travaillait comme forçat ! Quant au prince Wolkonskoï, il cultivait, chaque été, de ses propres mains une petite ferme qu’on lui avait cédée dans le voisinage de la ville, et dont sa femme, autrefois une des lionnes des salons de Pétersbourg et de Moscou, vendait elle-même les produits. Lui, toujours de manières graves et dignes, portait sans affectation des vêtements plus que simples. Toujours aussi dans les assemblées publiques, au théâtre, à l’église, il prenait place parmi les paysans et les gens du peuple, qu’il aimait et dont il était aimé. « Je suis un des leurs, disait-il, et je tiens à honneur d’être regardé comme tel. »
Ces détails touchent, sans doute, par plus d’un point à des questions d’un ordre étranger à ce recueil ; cependant, comme traits de mœurs locales, ils y ont leur place marquée. La géographie ne peut ignorer par qui et comment se peuple et se civilise une contrée plus vaste, à elle seule, que notre Europe entière : contrée à laquelle ses inépuisables forêts, ses fleuves immenses, ses richesses minérales, son sol fertile en dépit des hivers, et enfin le voisinage de la Chine, de la Transoxiane, du Japon et de l’Amérique, réserve sans nul doute un grand avenir. Eh bien ! quand sa population sera assez dense pour former une nation, on ne peut douter qu’elle n’honore les noms que nous venons de citer, – et bien d’autres encore, scellées sous la pierre du sépulcre où à la base des noires croix latines qui marquent par milliers sur le sol sibérien, les tombes des Polonais, – comme les noms de ses pères et de ses fondateurs.
Lorsque M. Atkinson repassa la porte fatale de Moscou, sept ans s’étaient écoulés depuis son départ. Il avait sillonné de ses pérégrinations, tantôt seul, tantôt suivi de sa courageuse compagne et même d’un enfant qui leur était né dans ce voyage, la Sibérie méridionale, les montagnes de l’Altaï et la vaste dépression qui s’étend entre cette chaîne et les monts Célestes, d’une série d’itinéraires montant ensemble à plus de soixante-trois mille kilomètres (quinze mille huit cent cinquante lieues !). Le premier de tous les Européens, il a croisé la route que suivirent jadis, dans leur marche vers l’Occident, les hordes de Tchenkis et de ses fils. Le premier aussi, il a vu se dresser devant lui les masses neigeuses du Bogda-Oola et les paysages alpestres de l’Alatau. Si de ces régions inexplorées avant lui il a pu rapporter un journal de notes écrites scrupuleusement chaque jour, et un portefeuille de cinq cent soixante dessins, ce n’a été ni sans fatigues, ni sans difficultés. « J’ai souvent été éprouvé, dit-il, par le fr

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