Faut-il s inspirer de la justice américaine ?
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Description

Un écart de comportement dans l’intimité d’une chambre d’hôtel peut, de nos jours, déclencher quasi instantanément un cyclone médiatique planétaire. Ce qui restera dans l’Histoire de cette « affaire DSK » n’est pas seulement la chute d’un homme mais aussi la particularité d’un système judiciaire aux yeux
duquel il ne s’agit pas d’invoquer un quelconque régime d’exception.
Le choc produit dans les mentalités relevait surtout de la sévérité d’une procédure qui, frappant un Européen, était perçue par l’opinion sur cette rive de l’Atlantique comme l’affirmation insolente,
voire agressive, d’une conception de la justice. Mettant en présence les jurisprudences belges, françaises et américaines, Jean de Codt montre clairement combien la perception du délit peut différer d’une société et d’une tradition à l’autre. Il ne tire pas de cet exercice ni rejet radical ni approbation affichée de l’une ou de l’autre ; il lui arrive par contre de préconiser, en historien du droit qu’il est, un retour aux sources.

Ancien substitut du procureur du Roi à Bruxelles et substitut du procureur général près la cour d’appel de Bruxelles, Jean de Codt a été nommé, depuis le 20 mai 1997, conseiller à la Cour de cassation de Belgique puis président de la chambre pénale de la Cour. Il enseigne également aux Facultés universitaires Saint Louis, à l’École régionale et intercommunale de police et à la Haute École Paul-Henri Spaak. Enfin, il est également vice-président à la Cour de Justice Bénélux et président de la chambre française du Conseil national de discipline de l’ordre judiciaire.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 13
EAN13 9782803103249
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

FAUT-IL S'INSP IRER DE LA JUSTICE AMÉRICAINE ?
JEAN DE CODT
Faut-il s’inspirer de la justice américaine ?
Préface de Jacques De Decker
Académie royale de Belgique rue Ducale, 1 - 1000 Bruxelles, Belgique www.academieroyale.be
Informations concernant la version numérique ISBN : 978-2-8031-0324-9 © 2012, Académie royale de Belgique
Collection L’Académie en poche Sous la responsabilité académique de Véronique Dehant Volume 10
Diffusion Académie royale de Belgique www.academie-editions.be
Crédits Photo de couverture : © Patrimonio designs – Fotolia.com Conception et réalisation : Grégory Van Aelbrouck, Laurent Hansen, Académie royale de Belgique
Publié en collaboration avec
L'Aurore - Editions numériques rue de Verlaine, 12 - 4537 Seraing-le-Château (Belgique) contact@laurore.net www.laurore.net
Informations concernant la version numérique ISBN 978-2-87569-027-2
A propos L’Aurore est une maison d’édition contemporaine, intégrant l’ensemble des supports et canaux dans ses projets éditoriaux. Exclusivement numérique, elle propose des ouvrages pour la plupart des liseuses, ainsi que des versions imprimées à la demande.
Avant-dire
Un écart de comportement dans l’intimité d’une chambre d’hôtel peut, de nos jours, déclencher quasi instantanément un cyclone médiatique planétaire. Ce qui restera dans l’Histoire de cette « affaire DSK » qui a tant frappé les esprits n’est pas seulement la chute d’un homme, sa brutale exclusion d’un parcours politique qui aurait pu le hisser à la tête d’un pays alors qu’il gouvernait déjà un organisme d’influence mondiale, mais aussi la particularité d’un système judiciaire aux yeux duquel il ne s’agit pas d’invoquer un quelconque régime d’exception. Le choc produit dans les mentalités relevait surtout de la sévérité d’une procédure qui, frappant un Européen, était perçue par l’opinion sur cette rive de l’Atlantique comme l’affirmation insolente, voire agressive, d’une conception de la justice. Beaucoup d’encre a coulé à propos de ce qui a été perçu comme un heurt des mentalités, voire des cultures. Cette réaction avait ceci de singulier que la justice américaine, du fait de sa gigantesque dramatisation médiatique (le cinéma, la télévision l’avaient rendue, pensait-on, familière à un vaste public), n’était plus à découvrir. Mais rien ne frappe plus que la personnalisation. Le justiciable bénéficiant d’une grande notoriété dans l’Ancien Monde, son sort ne pouvait, dans un premier temps, qu’y susciter une réaction d’effarement incrédule. Des études qui sont certainement déjà entreprises sur l’impact de l’évènement sous toutes les latitudes ne pourront que fournir une intéressante étude comparative des attitudes face à un scandale aussi massivement répercuté. Le danger d’en rester à des commentaires superficiels et partisans à propos d’un fait divers au retentissement sans précédent était grand. Raison de plus de tenter de calmer le jeu. C’est ce qu’entreprit le Barreau de Bruxelles, accueilli par le Collège Belgique, en organisant au sein d’un cycle de conférences sur la justice une séance posant la question de l’opportunité de s’inspirer de la conception américaine. Je fus invité à y prendre part parce que j’avais publié dansLe Soir, au lendemain de l’épisode new yorkais, un commentaire « à chaud » qui avait été remarqué. Je me limitai à quelques considérations très générales, encore sous le coup de l’évènement. Mais j’eus le privilège, aussitôt après, d’entendre Jean de Codt traiter le problème de façon magistrale. Le texte qu’il a tiré de sa communication, et qui en est la version largement développée, témoigne plus encore de la science juridique et de l’ampleur de vue de son auteur. En mettant en présence les jurisprudences belges, françaises et américaines, il montre clairement combien la perception du délit peut différer d’une société et d’une tradition à l’autre. Il ne tire pas de cet exercice ni rejet radical ni approbation affichée de l’une ou de l’autre ; il lui arrive par contre de préconiser, en historien du droit qu’il est, un retour aux sources. Sans focaliser par trop son propos sur l’« affaire » qui a déclenché son investigation, il y fait manifestement allusion lorsqu’il écrit : « que vous soyez une humble femme de chambre ou un membre éminent de la gouvernance internationale, la loi est identique, pas plus, pas moins. » Mais il n’en néglige pas pour autant d’autres causes qui elles aussi défrayèrent la chronique, comme la sinistre saga Dutroux, qui eut pour conséquence de renforcer les droits de la victime. À ce moment, dit-il, « le centre de gravité du procès pénal belge s’est quelque peu déplacé. » Revenant au cas DSK, il déplore néanmoins que, du fait de sa médiatisation, l’incident survenu au Sofitel de Manhattan se soit soldé, pour DSK, dans un premier temps du moins, par une douteuse victoire : « L’homme a mordu la poussière et nul ne l’a relevé de l’infamie, alors que personne ne l’a condamné ». Il ne faudrait cependant pas voir dans ce constat le signe d’un anti-américanisme primaire : épinglerait-il, sinon, les mémorables saillies d’un magistrat belge insinuant l’existence de protections haut placées, ou souhaitant aller jusqu’au bout « pour autant qu’on le laisse faire » ?
L’essentiel du propos de Jean de Codt ne réside cependant pas dans son « actualité » (au demeurant déjà dépassée par les développements de l’«affaire »), mais plutôt dans la finesse de sa réflexion comparative, non seulement rigoureuse et experte, mais écrite avec style et une sorte de distance ironique qui en fait tout le prix. Ainsi, lorsqu’il évoque les peines légères qui ne sont pas exécutées en Belgique en raison de la surpopulation carcérale et le fait que la reconnaissance de culpabilité emporte au surplus une réduction de peine, on appréciera la formulation de la conséquence : « le risque de rouler ainsi la punition dans la farine de la négociation ». La cuisine judiciaire aurait-elle aussi ses ratés ?
La question de la peine de mort devait fatalement paraître au menu de cette mise en balance juridique. L’auteur, en son chapitre VI, propose une synthèse très complète sur le sujet, de nature à satisfaire l’expert autant que le profane. Il apparaît que le maintien de la peine de mort aux États-Unis s’appuie sur un principe fondé sur la culture puritaine, « la clémence étant un signe de faiblesse, indigne d’un peuple libre », tandis que dans un contexte marqué par le catholicisme, « une deuxième chance doit toujours être accordée à un individu fautif ». Ce même chapitre est, en d’autres matières encore, des plus riches en révélations. On y apprend, par exemple, qu’un bracelet électronique peut, en Belgique, n’être livré que trois, voire six mois après une condamnation ! Le socle de la réflexion de Jean de Codt est qu’« américaniser notre modèle serait l’occire ». Pour illustrer sa pensée, il a une image des plus parlantes : « la migraine du patient ne se soigne pas en lui coupant la tête ». Mais de manière tout aussi visionnaire, il ne craint pas l’affrontement. Va-t-on vers un choc, prélude à un séisme ? Il en faut plus pour effrayer le juriste qui, dans ce beau texte, se révèle un essayiste au plein sens du terme, qui enfourche sa pensée comme le cavalier son fier destrier.
Jacques De Decker, Secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique
Est-il nécessaire d’observer que la marche d’une instruction criminelle est d’une toute autre importance que celle d’une procédure civile ? Ici, deux citoyens se présentent à la justice pour un objet qui n’intéresse qu’eux ; l’un expose sa demande, l’autre sa défense : ils produisent leurs titres et le juge prononce. En matière criminelle, ce n’est pas contre un citoyen isolé qu’il faut se défendre : c’est le corps social qui est la véritable partie ; c’est la société entière blessée par l’infraction de la paix et de la sûreté publique, qui presse le jugement et la condamnation d’un coupable. En matière civile, la partie publique est toujours muette ; ou si elle se montre, c’est pour l’avantage de quelques citoyens que leur âge, leur faiblesse ou leur absence mettent dans l’impossibilité d’agir ; ou pour l’intérêt de quelque administration, ou pour l’observation de quelques formes utiles, sans doute, mais presque toujours relatives à des intérêts particuliers. Mais en matière criminelle, le ministère de la partie publique est toujours forcé ; elle recherche, elle poursuit, elle requiert ; chaque pas dans la procédure est pour ainsi dire un acte du magistrat. Ce n’est pas ici une portion seulement de la fortune du citoyen qui est en péril, c’est toute son existence : c’est sa vie, c’est son honneur qui répondent à la société de la réparation qui lui est due ; et l’erreur du magistrat ferait toujours une vaste plaie à l’ordre public, soit en frappant un innocent, soit en déchaînant un coupable. Si une mûre discussion a dû préparer le code de procédure civile que vous avez sanctionné, quelle réflexion profonde, quelle attention religieuse n’a-t-on pas dû porter dans la rédaction d’un code d’instruction criminelle !
Exposé général du comte Treilhard au Conseil d’État le 7 septembre 1808, rapporté par le baron Locré,Législation civile, commerciale et criminelle ou Commentaire et complément des codes français, t. XIII, Bruxelles, 1836, p. 311.
Introduction
Quand la méchante reine sut que Blanche-Neige était vivante et en sécurité, de rage, elle s’empara de son miroir magique et le jeta au sol où il se brisa. Un juge belge qui passait par là en ramassa un des morceaux et, s’y regardant, demanda : « Miroir brisé, dis-le moi, la justice européenne n’est-elle pas la plus sûre ? ». Le fragment répondit : « Assurément, Monsieur le président, il n’est pas de système judiciaire plus fiable ». Mais le miroir fêlé était aussi félon. Car il ne dit pas qu’un juge américain, également passé par là, avait posé la même question et reçu d’un autre fragment la même réponse parfaitement courtisane. C’est Foulek Ringelheim qui, il y a pas mal d’années déjà, utilisait cette image du miroir 1 éclaté pour introduire un exposé dans le cadre d’un colloque consacré aux « désarrois du juge d’instruction ». Depuis l’affaire Dutroux, le désarroi a gagné l’ensemble du monde judiciaire belge, en butte à une désaffection qu’alimentent surtout le soupçon, l’incompréhension et le découragement. Il n’est pas inutile dans ce contexte de jeter les yeux sur une justice sûre d’elle-même, telle qu’elle fonctionne de l’autre côté de l’Atlantique, au sein d’une des premières puissances de la planète. Quant à savoir s’il faut s’en inspirer, c’est une autre question. Je pourrais la traduire en demandant innocemment s’il faut laisser la femelle du coucou pondre son œuf dans le nid de la fauvette. Mais cette phraséologie bucolique révèle trop rapidement la méfiance pour le corps étranger et son improbable greffe, alors que l’image du miroir aux multiples fragments nous met précisément en garde contre la tentation du double narcissisme qui n’est qu’un mutuel aveuglement. Il me faut cependant avertir le lecteur d’une terrible carence : je n’ai aucune connaissance pratique de la justice américaine. Mon savoir, livresque, ne me permet d’en donner qu’une évocation approximative, pareille à ces tableaux anciens où le peintre, amené par son sujet à représenter l’un ou l’autre animal exotique, en donne un dessin si approximatif que la vérité apparaît d’emblée : l’artiste n’a jamais vu son modèle. Moins hardi qu’Alexis de Tocqueville qui les visita à l’âge de vingt-six ans au lieu de faire son tour d’Italie comme tout le monde, je ne me suis jamais rendu aux États-Unis. La légitimité de mon essai, il faut la chercher ailleurs : bien placé pour observer les divers rouages du système répressif où j’exerce une charge, je peux exprimer quelques réflexions à leur sujet en utilisant le modèle américain ou ce que je crois en savoir comme un projecteur dirigé vers nos propres conceptions, celles-ci étant mises en lumière comme par contraste. Quand on interroge l’homme de la rue, chez nous, sur sa vision de la justice, on se rend compte très vite qu’elle est faite d’un amas de clichés véhiculés par la télévision et souvent glanés dans les films américains qui ont su théâtraliser à merveille, parce qu’elles s’y 2 prêtaient, les institutions judiciaires yankees . Il est étonnant de constater à quel point le modèle américain, ou plutôt une vision simplifiée de ce modèle, pollue la représentation que nos concitoyens ont de leur propre justice et alimente les malentendus lorsqu’ils découvrent sa singularité. S’il faut s’inspirer de la justice américaine, voilà bien, en tout cas, la question typique d’un petit pays qui n’a jamais beaucoup cru en lui-même ou, à tout le moins, n’est pas du genre à se prendre au sérieux, ce qui est plutôt sympathique. Il est à peu près certain que jamais un Américain ne se demandera s’il faut s’inspirer de la justice belge ou même française. Un avocat qui compte au nombre de mes amis me raconte qu’il lui arrive fréquemment de défendre en justice des sociétés américaines ayant des intérêts dans notre pays. L’angoisse de ces justiciables n’est pas de soutenir un procès mais de découvrir, ce qu’ils ont énormément de
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