L institution
300 pages
Français

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Description

Crise de l'institution ou crise des institutions ? Une manière de faire retour sur l'institution est d'examiner le récit de sa fondation, le lien établi entre cette catégorie et l'émergence de l'Etat moderne occidental. Les coups de boutoir de la modernité à l'encontre des institutions mettent-ils en péril le travail du légiste ?

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Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2008
Nombre de lectures 200
EAN13 9782336262291
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2008
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296061927
EAN : 9782296061927
L'institution

Jean-Philippe Bras
Avant-propos
Cet ouvrage rassemble les contributions à un colloque organisé par le Centre d’Études des Systèmes Juridiques (CESJ), jeune équipe de l’Université de Rouen, à la Faculté de Droit, de Sciences Économiques et de Gestion, les 22 et 23 juin 2006, sur le thème de L’institution, passé et devenir d’une catégorie juridique . La manifestation et la publication ont été rendues possibles grâce au soutien de l’Université de Rouen et de la Région Haute-Normandie.
Le choix d’une telle thématique, issu des délibérations internes au groupe de recherche, renvoie à plusieurs considérations. Depuis sa fondation, le CESJ a principalement développé ses activités autour de la théorie du droit et de l’histoire du droit sous l’impulsion de ses directeurs successifs, Michel Troper, Yves Sassier, Pierre Brunet. L’institution, parce qu’elle est une catégorie juridique qui fait histoire, permettant de rendre compte des systèmes juridiques dans une perspective diachronique, mais aussi qui inscrit le droit dans des régimes d’historicité, par son rapport paradigmatique à la notion de temps et de durée, paraissait un angle d’attaque particulièrement fructueux pour une entreprise commune entre historiens et théoriciens du droit. Par ailleurs, le retour sur le moment théorique fondateur, à la charnière du XIX e et du XX e siècle, où s’imposent l’œuvre et la figure tutélaire de Maurice Hauriou, permet de saisir l’émergence de cette théorie dans un mouvement général des sciences humaines et sociales, à travers une capillarité entre les disciplines. Hauriou est dans les pas de Bergson et il ferraille avec Durkheim. Dans cette perspective, il nous est apparu important de remiser la tentation de l’enfermement disciplinaire, et de prolonger cet échange en proposant à un sociologue (François Aballéa), et à un philosophe (Bruno Karsenty) de participer à nos travaux.
Une autre considération, d’actualité, a également joué, tenant aux mutations contemporaines de nos systèmes de droit, dont l’une des principales caractéristiques serait la mise en crise des institutions, introduisant un doute sur le devenir de cette catégorie juridique, sur sa capacité à rendre compte des relations de droit telles qu’elles se nouent aujourd’hui dans nos sociétés. Les concepts en vogue de la pensée contemporaine — mondialisation, marché, gouvernance, organisation, société civile, régulation... — apparaissent comme autant d’indices de la déstabilisation du socle des institutions construites autour de la catégorie État-nation, antérieurement appréhendée comme un référent universel. Cette crise des institutions peut être lue de différentes manières. Est-elle une transition vers de nouvelles constructions institutionnelles, consacrant l’effacement de l’État, dans son statut d’« institution instituante » ? Ici, la crise des institutions se confondrait avec celle de l’État, et préfigurerait un réarrangement institutionnel. Ou bien s’agit-il plus fondamentalement d’une crise de l’institution, du paradigme institutionnel, dans les sociétés « post-modernes », traversant les sciences humaines et sociales, mettant le droit en première ligne de nouveaux questionnements épistémologiques? Face aux présentes apories de l’institution, l’effort théorique s’oriente-t-il vers des refondations institutionnelles ou vers un déplacement des paradigmes ?
Le discours et l’analyse de la crise suscitent également un travail rétrospectif, auquel se livre un premier ensemble de contributions, par un retour critique sur la théorie de l’institution, dont les manques participeraient à cette mise en crise, et sur la manière de faire l’histoire des institutions, tributaire de la concomitance entre le parachèvement de l’entreprise d’établissement de l’État-Nation et le moment théorique fondateur de catégorie juridique de l’institution.
De manière indirecte, les trois premières contributions visent à déconnecter l’histoire des institutions de la mise en perspective conduite à partir d’une histoire de l’État moderne, reposant sur deux prémisses : celle d’une rupture temporelle, d’un État moderne post-médiéval, avec certes des variantes ; celle d’un topos, d’un État moderne occidental. Cette spatialisation et cette temporalité de l’État moderne induirait en quelque sorte une relégation implicite du monde médiéval et des mondes non européens dans une institutionnalité faible. Or, comme le montre Yves Sassier, les indices sémantiques d’une conception sophistiquée de l’institution, renvoyant à des opérations complexes, établissant des procédures, dissociant déjà la personne de la fonction, emportant un pan éthique, sont multiples dans le travail des clercs tout au long du Moyen Âge. Gilduin Davy donne une illustration convaincante de la qualité de ce savoir-faire institutionnel à travers l’étude de la contribution de Dudon de Saint Quentin à la fabrique de l’institution ducale en Normandie autour de l’An Mil. La richesse de la boîte à outils dont dispose le chanoine pour établir l’institution, l’inscrire dans la durée — récit fondateur, référence à la tradition, identification de l’instituant, mise en ordre de la société, idée de l’institution, par référence au droit et à la justice, mais aussi au modèle christique... — est telle que les catégories d’Hauriou s’y appliquent avec une pleine pertinence. Autre lieu commun, mais reposant sur des ressorts similaires, le monde musulman serait confronté à une difficulté structurelle dans l’établissement des institutions... parce qu’il est musulman, condamné à une histoire cyclique, de l’impossible durée des institutions. De cet essentialisme, dont on tire explication dans l’analyse des difficultés du monde musulman à accéder à la modernité politique, on déduit une faible propension de ces sociétés à l’institutionnalisation. Pourtant, les travaux des historiens et des anthropologues (Jean-Philippe Bras) mettent en évidence que cette perspective n’est pas la bonne. Les cycles peuvent être lus sur un mode sociologique, et ne caractérisent pas globalement le monde musulman, comme l’établit Ibn Khaldoun au XIV e siècle. Les pouvoirs politiques ont su s’établir en royautés et user du miroir des princes, à l’instar des souverains européens, et donc donner une assise séculière aux institutions. Enfin, les fondations pieuses sont une belle illustration du retournement des usages du religieux en Islam, usages fondateurs de l’institution, l’inscrivant dans la durée.
L’histoire de l’institution ne peut donc se comprendre en faisant l’économie de l’histoire de sa théorie. Or, c’est bien ici que Jacques Bouveresse entreprend de situer son approche critique des travaux d’Hauriou. Si son « insurrection contre l’héritage de 1789 » et l’envahissement des droits subjectifs, le conduit — retour de balancier — à réintroduire les corps intermédiaires dans le paysage institutionnel, au nom du droit objectif, Hauriou n’arrive pas à les faire tenir dans une relation cohérente avec l’État souverain, institution instituante. Et cette impossibilité même tient à la posture d’Hauriou qui externalise la création des institutions dans leur rapport à la société, l’idée préexistant à l’institution, faisant œuvre grâce à des « porteurs », ce qui a pour résultat de constituer toutes les institutions, dont l’État, en corps intermédiaires. Bruno Karsenty reprend ce point des fondements sociaux du droit, et du choc frontal entre les thèses durkheimiennes et la position critique d’Hauriou sur le sociologisme juridique. À l’argument d’Hauriou sur l’incapacité du milieu social à avoir un pouvoir d’initiative ou de création, parce qu’il est force d’inertie, on peut trouver réponse chez Durkheim, en s’appuyant sur ses réflexions relatives aux rapports entre droits et mœurs, l’inscription des mœurs dans la durée les constituant en droit, faisant ainsi de la durée une force créatrice et non d’inertie. Et cette question du fondement de l’institution, et la recherche d̵

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