Le Sentiment d’Affection et le Droit de la Famille , livre ebook

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Ce livre parle de le sentiment d’affection et le droit de la famille. Si importante que soit la signification juridique du sentiment d’affection de nos jours en droit français, si actuel que soit l’idée « d’une famille affective », le concept traditionnel de famille n’est peut-être pas appelé à disparaître de sitôt. Son déclin est périodiquement annoncé : atteinte par la gangrène individualiste du XIXe siècle pour les uns, frappée mortellement par la révolution française pour les autres, la famille fondée sur la parenté et l’alliance, semble toutefois, tel le phénix, renaître régulièrement de ses cendres.
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Date de parution

01 janvier 2015

Nombre de lectures

7

EAN13

9796500177366

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Farouk Mechri
Professeur Emérite à la Faculté des Sciences
Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis
Le sentiment d’afection
&
le droit de la famille
Editions LATRACH
2015Première édition 2015
© Tous droits réservés
Latrach Editions
95 rue de Londres - Tunis 1000
Tél. 00.216.71.241.123
Fax 00.216.71.330.490
E-mail : contact@latrach-edition.com
www.latrach-edition.com
2Introduction
« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point ; on le sait
en mille choses ». Ces mille choses sont ce que nous appelons nos
sentiments. Et, comme l’exprime bien la phrase de Pascal,
ceuxci nous apparaîssent à la fois comme irremplaçables et comme
inexplicables, car le plus intellectualiste des philosophes doit bien
admettre qu’il existe des expériences comme la joie, la révolte,
l’admiration, l’amitié, l’amour, dont rien ne pourrait vraiment
combler le vide laissé par leur absence. Inexplicables, car on ne peut
pas analyser un sentiment, le ramener à des causes ou à des facteurs
objectifs sans perdre aussitôt ce qui est en fait l’essence.
Le sentiment présente diverses signifcations.
Le sentiment est, avant tout, l’acte et le résultat du sentir, lequel
désigne la prise de conscience immédiate, sans intermédiaire, sans
distance, des choses et de nous-même ; l’objet du sentiment est
toujours ce qui « touche ». Le sens d’intuition, « de pressentiment »
est un peu différent : on retrouve ici le « cœur » de Pascal, cette
évidence indiscutable bien qu’indémontrable ; en fait, tout sentiment
comporte ce caractère de révélation immédiate qui n’admet aucun
pourquoi. Sentiment signife également impression, état affectif ;
c’est encore l’intuition, mais en tant qu’elle nous affecte ; un
sentiment de gêne, de dégoût, de bien-être ; en réalité, tout sentiment
s’oppose à la connaissance froide. Un autre sens apparaît avec celui
d’élan, qui souligne non plus l’état, mais l’énergie affective, comme
l’indique le mot « ressentiment » ; en fait, tout sentiment depuis la
crainte jusqu’à l’amour est un mobile qui pousse à agir. D’une façon
plus restreinte, sentiment signife affectio ; on le confond soit avec
la tendresse (éprouver un sentiment pour …), soit avec la bonté,
comme dans l’expression populaire « ne pas faire de sentiment » ;
ainsi se comprend l’idée que tout sentiment comporte un fond de
générosité qui fait obstacle aux froids calculs de la raison, idée qu’on
retrouve dans toutes les morales du sentiment.
3Partant de l’idée qu’il convient de rendre à César ce qui appartient
à César, certains voudraient que le sentiment fut l’affaire des poètes
et des artistes et l’enfermer dans le ghetto des arts et des lettres.
S’il peut faire l’objet d’une observation scientifque, il ne doit guère
intéresser que les psychologues, voire les psychiatres.
D’autres estiment, en revanche, qu’une science humaine ne peut
ignorer l’importance de la donnée sentimentale. Le sentiment n’est-il
pas le moteur de tous nos actes. Aussi, nombreux sont les philosophes
qui ne croient pas à la toute puissance des idées : une idée qui n’est
qu’une idée ne produit rien : elle n’agit, pensent-ils, que si elle est
sentie, que dans la mesure où elle est accompagnée d’un état affectif.
Et certains ont été jusqu’à considérer le sentiment comme la pierre
angulaire de la morale. Adam Smith a fait de la pitié, Schopenhauer
de la sympathie, le principe directeur de nos actes, donnant ainsi au
sentiment une dimension métaphysique.
Le caractère fondamental de la donnée sentimentale a également
été souligné dans le domaine du droit. Selon Duguit, le fondement
de la norme juridique réside dans deux facteurs : le sentiment de
(1)la socialité et le sentiment de justice . Bonnecase s’est attaché à
démontrer la contradiction inhérente au psychologisme juridique
de cette doctrine qui voulait concilier le romantisme juridique et
(2)le classicisme juridique . Et le Doyen Duguit se rendait compte
des critiques auxquelles son système se heurterait : « Rien peut on
dire n’est précaire, changeant, vague, fottant autant que l’opinion
des hommes. Les passions, la haine, l’envie, toutes les causes
(3)innombrables des aberrations humaines interviennent » . Mais ces
objections ne lui paraissaient pas déterminantes : cherchant à défnir
ce qu’est la règle de droit, il voulait éviter l’approche purement
métaphysique de ceux qui la défnissent comme la règle absolue,
toujours identique à elle-même, l’idéal qu’une société doit toujours
poursuivre. Se plaçant sur le terrain positif, il estimait qu’une
règle devient règle de droit au moment où la masse des esprits a le
(1) Léon Duguit, L’Etat, le droit objectif et loi positive, 1901 ; Traité de droit
econstitutionnel, t. 1, 3 éd., 1927.
(2) J. Bonnecase, Science du droit et romantisme, le confit des conceptions
juridiques en France de 1880 à l’heure actuelle, Sirey, 1928, plus
spécialement pages 415 et s.
(3) Cf. les observations du Doyen Duguit consignées en note dans l’ouvrage
précité de J. Bonnecase, pages 294 et s.
4sentiment que le respect de cette règle est si essentiel au maintien de
la solidarité sociale qu’elle en réclame la sanction organisée.
Qui sème le vent récolte la tempête. Le rationalisme exacerbé
du législateur napoléonien n’est pas étranger à la naissance d’un
romantisme juridique voulant notamment substituer le culte du
(4)sentiment au respect de l’intelligence . La confrontation des
thèses extrémistes a pour effet de mettre en lumière leurs carences
respectives. Le droit doit se garder de tomber dans le sentimentalisme.
Mais il ne faut jamais perdre de vue que le droit a pour sujet l’homme :
le droit doit se modeler sur la vie et s’adapter à ses différentes
manifestations : à ce titre, il ne peut ignorer le sentiment. Choukri
Cardahi écrit fort justement : « Cette science (le droit) n’opère-t-elle
pas sur du vivant et ne prend-elle pas l’homme tout entier dès l’éveil
pour le suivre au cours de toute son activité sociale ? Dès lors,
peutelle ne pas subir le contrecoup de ces profonds remous de notre moi
intime qui souvent jugulent notre raison et se rendre maître de notre
volonté ? Le législateur, dans ces conditions, pour faire une œuvre
salubre, devait s’arrêter à ces phénomènes émotifs, et tenir compte
de leur nature ou de leur caractère dans les règles qu’il a mission
(5)d’édicter » .
Aussi, parfois, nos sentiments nous souffent de causer à autrui du
mal ou du bien et le droit n’ignore ni ce méfait ni ce bienfait.
D’autres fois, nous souffrons d’être atteints par autrui dans nos
sentiments et le juge n’est pas indifférent à notre peine.
Encore faut-il savoir, dans chaque cas, ce que le droit saisit au juste
dans nos sentiments actifs ou atteints, ce qu’il réussit à appréhender
en eux, c’est-à-dire en nous.
Les sentiments actifs, moteurs de notre conduite, semblent donner
tort à Kant, si grande est la richesse de leurs effets. La malveillance
n’est-elle pas le critère de l’abus du droit proprement dit ? La
bienveillance ne défnit-elle pas le transport bénévole ?
Il est cependant capital d’observer que nos sentiments ne sont
jamais pris en considération qu’à travers un acte matériel qui les
traduit, à l’occasion du fait de l’homme par lequel ils se sont réalisés.
(4) L. Bourgès, Le romantisme juridique, 1922.
(5) Choukri Cardahi, Nos sentiments et nos passions devant la justice et la loi,
Annales de la faculté de droit Saint-Joseph de Beyrouth, n° 2, 1951.
5Le droit ne saisit jamais le sentiment lui-même, en tant que tel,
isolément, indépendamment d’un acte qui en est la manifestation
extérieure. Si le sentiment reste sentiment, il échappe au droit. Il ne
naît à la vie juridique que s’il passe en acte et c’est l’acte que connaît
le droit, non le monde intérieur.
Les mauvais sentiments en sont la preuve, et d&

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