Le marché bien tempéré
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Description

L’économie de marché est-elle juste ? Le juriste n’entend pas la question de la même façon que l’économiste et le philosophe. C’est peut-être un paradoxe mais il n’y a pas de théorie proprement juridique de la Justice, comme il en existe au sens de la philosophie morale ou de la science économique. Le droit, quant à lui, assure par les moyens qui lui sont propres la réalisation du système, dans la mesure où celle-ci peut en dépendre et où ces moyens présentent, par conséquent, une pertinence. Il corrige d’autre part les excès dont le système est susceptible, la notion d’excès supposant que tous les « habitants » du système, ses acteurs et ceux que sa réalisation est susceptible d’affecter, n’ont pas le même intérêt à cette dernière.

En agissant de la sorte, le droit, dans les deux cas, œuvre à la pérennité du système. Tel est son objectif et son effet, jusqu’à ce que le système soit, le cas échéant renversé, parce que l’objectif recherché aura été manqué. Il s’agit pour le droit de prévenir non seulement cette conséquence extrême, mais aussi l’enclenchement de dynamiques susceptibles d’y aboutir.

Xavier Dieux est avocat au Barreau de Bruxelles, professeur à l’Université libre de Bruxelles, ancien Doyen de la Faculté de droit, membre de l’Académie royale de Belgique et membre honoraire de la Commission bancaire et financière.

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Publié par
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EAN13 9782803104482
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE MARCHÉ BIEN TEMP ÉRÉ
X D AVIER IEUX
Le marché bien tempéré
Académie royale de Belgique rue Ducale, 1 - 1000 Bruxelles, Belgique www.academieroyale.be
Informations concernant la version numérique ISBN : 978-2-8031-0448-2 © 2014, Académie royale de Belgique
Collection L’Académie en poche Sous la responsabilité académique de Véronique Dehant Volume 49
Diffusion Académie royale de Belgique www.academie-editions.be
Crédits Conception et réalisation : Grégory Van Aelbrouck, Laurent Hansen, Académie royale de Belgique Illustration de couverture : Frans Hals,Young Man and Woman in an Inn (‘Yonker Ramp and His Sweetheart’), New York, Metropolitan Museum of Art, Bequest of Benjamin Altman, 1913 (14.40.602)
Publié en collaboration avec
Bebooks - Editions numériques Quai Bonaparte, 1 (boîte 11) - 4020 Liège (Belgique) info@bebooks.be www.bebooks.be
Informations concernant la version numérique ISBN 978-2-87569-161-3 A propos Bebooks est une maison d’édition contemporaine, intégrant l’ensemble des supports et canaux dans ses projets éditoriaux. Exclusivement numérique, elle propose des ouvrages pour la plupart des liseuses, ainsi que des versions imprimées à la demande.
L’ÉCONOMIE DE MARCHÉ EST-ELLE JUSTE ? LE PROGRAMME DES SIX LEÇONS DU COLLÈGE BELGIQUE Ce que nous appelons « la » crise, celle qui a débuté en 2008, a sans doute plus que d’autres suscité cette question : l’économie de marché est-elle JUSTE ? Ou, au contraire, porterait-elle en elle-même les inégalités, le chômage de masse, la pauvreté, en un mot, « l’horreur économique » ? Le Collège Belgique a proposé une session de six conférences ayant pour ambition de cultiver ce jardin du bien et du mal et de fournir à ses auditeurs une sorte de « boîte à outils » leur permettant de se forger leur propre opinion. LAPREMIÈRELEÇO,Nquifaitlobjetdecevolume,poseraenfaitlaquestiondelavraie nature du marché. On montrera comment, dans certaines conditions, le marché peut arriver spontanément à un équilibre et que cet équilibre a des propriétés étonnantes, notamment du point de vue de la justice sociale. Mais que signifient-elles vraiment ? On s’interrogera également sur les critères de cette justice : au fond, qu’est-ce que la vie bonne, celle qui, dit-on, « mérite d’être pleurée » ? Cependant, il suffit d’observer l’histoire ou l’actualité économique pour se rendre compte que, loin d’être stable, l’économie est en fait une suite de déséquilibres. Deux des causes essentielles de ces déséquilibres sont l’innovation et les crises. LA DEUXIÈME LEÇONquestionnera donc le phénomène de l’innovation et ses agents les plus actifs : l’entrepreneur et l’entreprise. Fondamentalement destructrice, en ce sens qu’elle bouleverse l’ordre éternel des choses, l’innovation est le moteur de la vie économique. Les entrepreneurs, ceux qui « volent le feu aux dieux », ne seraient-ils pas, comme les héros des mythes grecs, voués à la malédiction ? Et, pour l’éviter, comment (re)donner un sens à ce qui, depuis deux cents ans, a initié le progrès ? Dans LA TROISIÈME LEÇO,Non s’interrogera sur les causes et l’histoire des crises ainsi que sur les remèdes qui ont été proposés. L’économie n’est pas une science exacte ; elle s’apparente plutôt à l’art de l’ingénieur, où il s’agit d’utiliser différents CORPUS pour construire un ouvrage. Dans ce domaine, rien n’est univoque et l’on présentera les choix que la pratique a retenus et ceux qu’elle a disqualifiés. Mais ce qui fait notre époque, c’est « la mondialisation » de l’économie : l’extension du domaine de l’entreprise et l’effacement des États nationaux. Or ceux-ci ont notamment pour mission de fixer des normes (juridiques, sociales, environnementales, morales) pour l’exercice de l’activité économique. LA QUATRIÈME LEÇONdira si, dans le village global, il y a des raisons de penser qu’une nouvelle « fabrique de normes » est en cours de constitution et sous quelles formes elle pourrait assurer une nouvelle régulation. La production de normes est une chose, leur respect et la sanction des manquements en est une autre. Comment la philosophie et la pratique du droit doivent-elles évoluer pour tenir compte de ce nouveau champ et de ces nouveaux signes ? Le triptyque droit-morale-marché nous invite-t-il à revisiter les fondements mêmes de notre manière de juger ? Par exemple, l’usage de la propriété peut-il ou doit-il être limité pour éviter un hiatus entre « Wall Street » et « Main Street » ? Ce sera l’objet de LA CINQUIÈME LEÇON. Enfin, LA SIXIÈME LEÇON se demandera si l’économie ne ferait pas elle aussi l’objet d’un phénomène que l’on observe parfois dans d’autres sciences sociales et qu’on appelle la performativité : ou, pour le dire simplement, l’économie éprouve-t-elle « le poids des mots » ? En effet, il est des situations où le simple fait de nommer un phénomène le fait naître à la vie et d’autres non. Le discours économique façonnerait-il parfois lui-même sa propre réalité ?
AVERTISSEMENT
Le présent opuscule est le cinquième d’une série de six reproduisant les leçons présentées au Collège Belgique (session 2013/2014) sur un thème général proposé par Jean-Pierre Hansen : L’économie de marché est-ellejuste? Il est le fruit d’une collaboration amicale avec celui-ci et avec les autres intervenants : mes collègues de l’Académie Bruno Colmant, Philippe de Woot, Alain Eraly et Benoît Frydman. Le juriste a souvent scrupule à s’aventurer sur le terrain des idées générales. Dans le cas présent, je n’avais pas le choix. Les leçons présentées au Collège Belgique, lieu de partage du savoir, doivent être accessibles aux non-spécialistes. Grâce aux travaux que nous conduisons au sein de la Classe Technologie et Société, une certaine expérience nous est venue de la « transdisciplinarité ». Que tous ceux qui restent hostiles à cette approche, parce qu’elle peut comporter un risque d’imprécision, me pardonne ce qu’ils considéreront comme un écart de conduite ; que les autres m’excusent de n’avoir sans doute pas toujours su me libérer de la langue du droit. Adressée à un juriste, la question posée par Jean-Pierre Hansen évoquait les limites ou, pour mieux dire, les ajustements que le droit peut apporter au principe de liberté auquel l’économie de marché s’identifie. L’exercice du pouvoir au sein des sociétés anonymes, actrices principales de l’économie de marché et, plus singulièrement encore, au sein des sociétés ouvertes aux marchés financiers, s’est ainsi présenté comme un sujet d’attention naturellement pertinent, d’autant plus que la crise de 2008 a été, à tort ou à raison, imputée au comportement de certains de leurs dirigeants. Parallèlement à la préparation de cette leçon pour le Collège Belgique, je préparais et présentais à l’Université catholique de Louvain, dans le cadre d’une Chaire Francqui, cinq conférences sur des thèmes voisins. Certains passages du présent opuscule sont communs au texte de la leçon inaugurale présentée dans cet autre contexte.
1. Justice et droit
C’est une bien vieille question que celle de l’identité ou de la dichotomie — voire de l’antagonisme — entre la justice et le droit. Et d’ailleurs, pourquoi distinguer les deux si l’une et l’autre n’étaient que deux expressions de la même idée ou de la même « chose » ? Justice et Droit : couple fusionnel ou infidèle ? Un couple inséparable — dirons-nous — qui s’accommode de l’infidélité, dans une dynamique de reconquête en perpétuel mouvement. Inséparable, parce qu’au moins le droit est-il censé fournir à la justice, c’est-à-dire à la conception que l’on s’en fait à un moment et à un endroit donnés, les moyens « juridiques » de sa réalisation. C’est à cette conception du droit, ancillaire en quelque sorte — et, bien sûr, nous ne parlerons ici que du droit économique — que Jean-Pierre Hansen se réfère lorsqu’il évoque le rôle de l’État en tant que gardien du respect de la parole donnée dans une économie 1 de marché fondée sur la notion d’échange librement consenti . Ancillaire et pourtant indispensable au développement et à la pérennité du système, abstraction faite, au demeurant, de tout jugement moral, même si la sacralisation de la parole donnée paraît en procéder. Car si renier son engagement peut être vu comme une sorte de mensonge rétrospectif, « moralement » blâmable en d’autres termes, c’est dans l’ordre de l’utile que, du point de vue de l’action économique, s’inscrit le respect de la parole donnée. Ce qu’il s’agit avant tout de protéger, en effet, c’est l’anticipation par le créancier qu’un engagement dont l’exécution est le plus souvent différée dans le temps sera exécuté. Et sa légitimité, qui justifie que le droit s’en saisisse, cette anticipation la trouve dans le « fait », de nature économique, qu’elle contribue à la dynamique des échanges et en accélère le rythme. Le célèbre multiplicateur du « crédit » — expression dont la polysémie est riche de consonances multiples — n’est, en somme, qu’une variante forte de cette idée première. On se trouve en présence d’une logique d’efficacité. Le droit, gardien de la sécurité des échanges, apporte à la question à laquelle il répond de la sorte (faut-il protéger les échanges et stimuler les anticipations qu’ils postulent ?) une solution « juste », mais au regard seulement des impératifs dont le système, de nature économique, procède. Le principe de la force obligatoire des contrats, le rejet, de principe lui aussi, c’est-à-dire sauf exceptions et les exceptions existent — on le verra bientôt, d’un contrôle par le juge de l’équivalence économique des termes de l’échange, ou encore le refus — commandé par le même principe — de toute exonération du débiteur par l’effet de la survenance de circonstances imprévues bouleversant l’équilibre de la transaction sans pourtant en rendre l’exécution impossible (théorie de l’imprévision), constituent autant d’illustrations de la version « utilitariste » du contrat, qu’une longue tradition juridique a transformées en véritables « lieux communs ». Ceci, on l’a compris, ne dit pourtant rien encore de la question de savoir si le système, quant à lui-même, est « juste ». Et que le droit, ou l’État (dans une conception de la juridicité dont Benoît Frydman a établi l’obsolescence), lui apporte sa caution n’exonère de la question que dans une conception autoritaire du monde. Or, précisément, si, dans cette partie du monde au moins, le système et le « modèle » juridique dans lequel il se traduit et s’illustre, ont pu s’imposer depuis si longtemps, c’est également parce qu’il bénéficie de l’adhésion, au moins passive, de la société tout entière, exprimée par la majorité de ses membres selon les mécanismes, « politiques » cette fois, qui associent économie de marché et démocratie. Le système trouve là un premier critère de justice d’inspiration rousseauiste : de fait, dans le soutien deMain Street ; de droit, à sa source formelle ancrée dans les termes d’un contrat social imaginaire. Un critère de justice qui n’épuise toutefois pas le sujet : la volonté générale est une image fuyante et la loi du nombre, on le sait aussi depuis longtemps, peut se révéler scélérate ou, moins violemment, arbitraire, fût-elle validée dans les formes du droit public. Alors, l’idée ne serait-elle pas,...
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