Voyage au bout d une nuit monétaire
44 pages
Français

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Voyage au bout d'une nuit monétaire , livre ebook

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Description

L’origine étymologique latine du mot « monnaie » corres- pond au verbe monere, qu’on traduit par « avertir ». La monnaie ramène aussi au temple de la Moneta où les pièces étaient frappées à Rome. La légende véhicule que ce temple, dédié au culte de Junon, archétype de la mère cosmique et déesse de la fécondité et de la reproduction, fut bâti à l’endroit où les oies du Capitole, qui prévinrent de l’inva- sion de Rome par les Gaulois au quatrième siècle avant Jésus-Christ, étaient parquées. Junon reçut le surnom de Moneta (qui « avertit ») car elle aurait averti les Romains d’un tremblement de terre.

La question monétaire se ramène peut-être à cette interrogation sémantique : de quel cataclysme la monnaie, ultime convention socio-étatique, avertit-elle, tandis que sa circulation et sa fécondité sont conditionnées par sa propre reproduction ? Cet opuscule rassemble plusieurs textes concernant cette interrogation.

Bruno Colmant est ingénieur commercial et Docteur en Sciences de Gestion. Il enseigne l’économie appliquée dans plusieurs institutions universitaires belges et étrangères. Il est membre de la Classe de Technologie et Société de l’Académie royale de Belgique.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782803103287
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

VOYAGE AU BOUT D'UNE NUIT MONÉTAIRE
Bruno Colmant
Voyage au bout d’une nuit monétaire
Académie royale de Belgique
rue Ducale, 1 - 1000 Bruxelles, Belgique
www.academieroyale.be
Informations concernant la version numérique
ISBN 978-2-8031-0328-7

© 2012, Académie royale de Belgique
Collection L’Académie en poche
Sous la responsabilité académique de Véronique Dehant
Volume 11
Diffusion
Académie royale de Belgique
www.academie-editions.be
Crédits
Conception et réalisation : Grégory Van Aelbrouck, Laurent Hansen, Académie royale de Belgique
Publié en collaboration avec
L'Aurore - Editions numériques
rue de Verlaine, 12 - 4537 Seraing-le-Château (Belgique)
contact@laurore.net
www.laurore.net

Informations concernant la version numérique
ISBN 978-2-87569-024-1

A propos
L’Aurore est une maison d’édition contemporaine, intégrant l’ensemble des supports et canaux dans ses projets éditoriaux. Exclusivement numérique, elle propose des ouvrages pour la plupart des liseuses, ainsi que des versions imprimées à la demande.
John Law [ inventeur de la monnaie papier moderne ] avait un caractère agréablement mitigé d’escroc et de prophète.

Karl Marx, Le Capital


La religion est la fausse monnaie du désespoir.

Maurice Chapelan
Avertissement
Cet opuscule n’a d’autre ambition que de refléter quelques considérations éparses rassemblées lors d’une conférence commise à l’Académie royale de Belgique. Je l’ai intitulé, en référence aux égarements de Ferdinand Bardamu, le héros de Céline, « Voyage au bout d’une nuit monétaire ».
Le sujet du phénomène monétaire est, en effet, obscur. Il est même ténébreux. En rédigeant ces quelques pages, j’ai même été saisi par l’effroi de sa vacuité.
Qu’y a-t-il derrière ce dernier ? Le pâle reflet d’imparfaites et éphémères conventions humaines ? Une tentative de mesure dégradée du temps ? Une hallucination collective choisie ? Le néant, une plongée dans son côté sombre ou plutôt une tentative de maquillage de ses ténèbres ?
Dans les évangiles, Jésus range l’argent parmi les puissances qui asservissent l’homme. Un nom démoniaque est donné dans l’évangile de Matthieu à l’argent : Mammon. Jésus avance que « Nul ne peut servir deux maîtres... Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Matthieu 6, 24).
Cette affirmation rappellerait-elle que Dieu et la monnaie sont peut-être de fragiles équivalents sociologiques ou, au contraire, des formulations antagonistes ?
La monnaie serait-elle la déclinaison humaine indispensable à la divinité, puisque toute religion est fondée sur la charité et le don… de monnaie ?
Dieu et la monnaie ne seraient-ils finalement que deux artefacts ? La monnaie véhiculerait-elle les esprits ou inversement ?
C’est parce que j’ai eu peur de découvrir l’inanité du phénomène monétaire que je me suis dit que les monnaies ressemblaient aux dieux : elles n’existent que le temps de rassembler des adeptes. Et qu’il faut mourir assez tard avant de savoir que Dieu n’existe peut-être pas, et assez tôt avant de savoir que la monnaie ne vaut peut-être rien.
Un refet de l'ordre social
La monnaie représente un moyen de transaction mais aussi de thésaurisation et d’emprunt.
Ces fonctions de la monnaie permettent de reporter dans le temps, ou au contraire, d’anticiper la consommation. C’est d’ailleurs pour cette raison que la stabilité de la monnaie, c’est-à-dire le maintien de son pouvoir d’achat, est un objectif affirmé par nos gouvernants, puisqu’elle n’est désormais plus garantie par un étalon métallique, tel l’or, mais... par la confiance qu’on attribue à ces mêmes gouvernants et aux instituts d’émission.
Par ailleurs, la monnaie possède un statut original. Elle est spontanée dès que l’échange devient multilatéral (ce qui consomme la rupture du troc primitif) et géographiquement dispersée (ce qui correspond à l’absence de coïncidence des désirs ou nécessités d’échange), sauf à considérer une économie fondée sur le don (certains auteurs contestent d’ailleurs la séquence qui consiste à subordonner la monnaie à la disparition du troc, au motif qu’il est possible d’imaginer la coexistence de monnaies multiples s’inscrivant dans un système de dons et contre-dons).
La monnaie devient alors consubstantielle à l’acte d’échange : on met en rapport des choses à la place des hommes.
Au travers de l’étalon monétaire, une marchandise est mesurée par son prix, ce qui correspond à un phénomène de transsubstantiation. Ce dernier explique la juxtaposition des notions de dettes et de monnaie. Sans monnaie, il n’est souvent pas possible d’honorer une dette sauf à mettre sa force de travail à la disposition de son créancier. La monnaie est née au rythme de la disparition de l’esclavage puisqu’elle permet de dépersonnaliser le paiement d’une dette.
La formulation du signe monétaire a évolué dans le temps. Originellement, la monnaie fut marchandise (ou monnaie primaire), c’est-à-dire un bien intermédiaire sui generis . Le passage de la monnaie-marchandise à fiduciaire consomma la transition d’un bien non consommé à un bien non consommable. à ce moment, la monnaie ne fut plus valeur mais représenta la valeur au travers d’un phénomène de désubstantialisation. La monnaie formula la simplification de l’échange.
Concomitamment, sa valeur sui generis a progressivement disparu au profit de son étatisation et de sa monopolisation. La monnaie est alors devenue facteur de normalisation collective. Ce phénomène correspond à une modification géométrique de la vision de la monnaie. Cette dernière a perdu sa verticalité d’un stock par rapport à une référence de marchandises ou de métaux pour devenir un flux horizontal, en suspension sur lui-même.
La monnaie est désormais fondée sur l’intensité d’un rapport collectif qui crée une relation entre les hommes au travers des choses. Elle est devenue un langage social qui permet un rangement des hommes. Pour cette raison, certains économistes qualifient la monnaie d’« équivalent général ». Elle devient un phénomène plus ou moins conscient d’adhésion forcée, portant sur la crédibilité politique de l’étalon monétaire et la qualité des échanges mis en œuvre dans l’économie réelle.
La monnaie s’est imposée au rythme de la division du travail, c’est-à-dire lorsque le troc ne permettait plus d’assurer un fonctionnement des communautés marchandes. Au cours de l’histoire, elle a revêtu de nombreuses formes. Progressivement, son monopole a été capturé par les pouvoirs publics, car la monnaie est un des attributs de l’autorité et permet de payer l’impôt. Les droits de lever l’impôt et de battre monnaie correspondent d’ailleurs aux deux privilèges régaliens.
La monnaie est aussi une convention. C’est l’étalon, exprimé par les é tats et validé par les flux de commerce successifs, qui formule un rôle transitif dans les échanges, en paramétrant la loi de l’offre et de la demande. Dans cette logique, la monnaie n’a pas de valeur intrinsèque, mais uniquement une valeur conventionnelle, fondée sur la confiance… que la monnaie gardera sa fonction d’échange, raison pour laquelle on qualifie la monnaie de « fiduciaire ».
La complexité du phénomène monétaire a conduit à susciter autant d’Écoles qu’il y a d’époques et de communautés d’économistes, dont chaque adhérent tente de trouver ses marques dans les prescrits des Écoles physiocrates, mercantilistes, keynésiennes, quantitatives ou néo-classiques, sans oublier Marx (1812–1883), Ricardo (1772–1823), l’École de Lausanne et les marginalistes. Même la psychiatrie s’est chargée de formuler une théorie aussi générale que celle que Keynes (1883–1946) avait esquissée.
Dans cet immense dédale conceptuel, l’origine étymologique du mot « monnaie » constitue un indice intéressant. Le mot « monnaie » vient du verbe latin monere , qui signifie « avertir ». La monnaie ramène aussi au temple de la Moneta où les pièces romaines étaie

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