Etre chômeur aujourd'hui

Bernard Legrand

Description

À travers des situations authentiques très diversifiées, cet essai nous révèle le gouffre qui se cache derrière ces mots tristement célèbres : chômage, sous-emploi, emploi précaire. Il nous fait vivre le parcours difficile de ceux que notre économie laisse au bord du chemin et pointe les dysfonctionnements de Pôle emploi, son manque de moyens et de formation, et la politique de radiation qui lui est imposée. Il met en évidence les erreurs politiques, les fausses bonnes idées, les discriminations et aussi les lacunes de notre système éducatif.

Sujets

• entreprises
• Gestion
• Management

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 janvier 2012
• Nombre de lectures: 72
• EAN13: 9782296479432
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Être chômeur aujourd’hui
Questions Contemporaines
Collection dirigée par J.P. Chagnollaud,
B. PÉQUIGNOT ET D. ROLLAND

Chômage, exclusion, globalisation… Jamais les « questions contemporaines » n’ont été aussi nombreuses et aussi complexes à appréhender. Le pari de la collection « Questions Contemporaines » est d’offrir un espace de réflexion et de débat à tous ceux, chercheurs, militants ou praticiens, qui osent penser autrement, exprimer des idées neuves et ouvrir de nouvelles pistes à la réflexion collective.


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Bernard LEGRAND


Être chômeur aujourd’hui
Témoigner est important. Nous savons qu’il reste dans ce livre des
imperfections ; nous prenons cependant l’option de le faire circuler, à petit
tirage, remerciant d’avance tous ceux qui nous aideront à le perfectionner
dans les tirages successifs. (L’éditeur.)


© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’École polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
[e-mail]
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ISBN : 978-2-296-56928-7
EAN : 9782296569287

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
À Lilas,

mon amie,
ma boussole ;

à mon regretté Paul,
et à Jean-Michel

qui m’ont tendu la main
quand j’étais au plus bas ;

à celles et ceux

qui cherchent un emploi
ou une lumière dans le noir ;

à celles et ceux

qui les accompagnent
avec respect et dans la dignité.
Remerciements
Je remercie tous les contributeurs qui m’ont apporté leurs précieux témoignages. Je ne puis les nommer de crainte de les mettre en difficulté, mais ils se reconnaîtront aisément à la lecture des pages qui suivent. Ils ont droit à toute ma gratitude.
Je remercie également tout spécialement Odile, Alain et Dominique pour leurs précieux conseils, dont la pertinence s’est imposée à moi.
Merci à Colette, ma compagne, dont les intuitions m’ont aidé à structurer et donner du sens à bien des chapitres.
Introduction
Officiellement il y aurait selon les mois entre 2,5 et 3 millions de chômeurs inscrits à Pôle emploi.
En réalité cette valeur, la seule qu’il soit possible de présenter au journal télévisé de 20 heures sans affoler l’opinion publique, ne représente qu’une faible partie du nombre réel de chercheurs d’emploi. Sur les cinq catégories (de A à E) utilisées par Pôle emploi pour comptabiliser les chômeurs, on ne présente au grand public que les effectifs de la seule catégorie A. Les spécialistes savent bien que le total des 5 catégories se monte à 4,5 millions environ et nous découvrirons dans les pages qui suivent qu’il y a environ un demi-million de chercheurs d’emploi totalement cachés, que nul ne comptabilise jamais. On le voit, entre l’affichage réservé au grand public, environ 2,5 millions et la valeur réelle, environ 5 millions, l’écart est considérable.
Tout le monde s’en doute mais peu de gens le disent, ce qui fait que plus personne n’a confiance dans les chiffres présentés par le gouvernement, et tant pis pour notre cohésion sociale.
Chaque mois on nous annonce une variation du nombre de chômeurs, qui est le plus souvent comprise entre 0,5 et 1%. Or sans être un grand mathématicien il est aisé de voir que ce pourcentage représente de 15 à 20.000 chômeurs, en plus ou en moins ; c’est la population d’une ville comme Bayeux, Guéret, Longwy, Courcouronnes, Sainte-Maxime ou Le Raincy ! Ainsi, bon an mal an, l’économie joue à la roulette russe avec des dizaines de milliers de destins individuels ; on imagine sans peine la casse sociale que cela engendre. Quelquefois, trop souvent hélas, mari et femme travaillaient dans la même entreprise et se retrouvent tous les deux jetés à la rue par une brutale fermeture d’usine ou un plan de sauvegarde de l’emploi {1} (PSE).
Que vont-ils dire ce soir à leurs enfants ?
Et demain ?
Et dans un an ?
Car le chômage dure parfois longtemps, très longtemps !
Tous ces destins brisés sont entre les mains d’une nébuleuse d’organismes dont le plus visible, Pôle emploi, regroupe l’ex-Assedic (devenue Pôle emploi Indemnisation ) et l’ex-ANPE {2} (devenue Pôle emploi Placement ). Faute de personnel, faute de compétence, soumise à des consignes ubuesques, cette dernière structure est désormais dans l’incapacité d’accompagner dignement vers l’emploi un nombre de chômeurs qui ne cesse d’augmenter ; les premiers à le dire et à en apporter les preuves étant les employés de Pôle emploi eux-mêmes. Alors faute de pouvoir aider les chômeurs à retrouver un emploi, on a mis en place un système de contrôle, certains disent de flicage, destiné à en radier le plus grand nombre possible.
La mission de l’ex-ANPE n’est plus de résorber le chômage, mais de le dissimuler !
Naturellement, en période électorale, nos hommes politiques, de droite comme de gauche, nous servent le même discours, qui se résume toujours plus ou moins à la même incantation : « Le chômage doit faire l’objet d’une véritable grande cause nationale, en particulier le chômage de longue durée, celui des jeunes, celui des seniors, et je m’engage solennellement devant vous à y consacrer tous mes efforts. » Le temps et les élections passant, on constate que rien ne change et que les chiffres du chômage restent stables, à quelques variations épisodiques près. Rien de bien surprenant à cela, un gouvernement n’a pas vocation à être un employeur et la clé de l’emploi se trouve chez des entrepreneurs privés sur lesquels un gouvernement a peu de prise.
Alors, le chômage perdurant, le discours gouvernemental se fait soudain incisif, menaçant, ouvertement populiste. Au fond, toutes ces personnes qui reçoivent de grasses indemnités de chômage ne se complairaient-elles pas dans leur inactivité ; ne seraient-elles pas simplement des fainéants et des profiteurs ? Ce discours agressif se retrouve dans la bouche de nos élus, jusqu’aux plus hautes strates de l’État et trouve un écho dans les pulsions les plus viles d’une partie de la population qui ne protesterait pas bien fort si on décidait d’exiler tous ces fainéants très loin dans un quelconque désert. Naturellement, bien à l’abri du chômage, ceux qui tiennent ces discours ferment pudiquement les yeux sur ceux qui dans leur entourage pourraient s’y trouver durablement englués.
Ces chômeurs, que la société tout entière rejette à ses marges, que vivent-ils, que ressentent-ils, et que peuvent encore espérer ceux d’entre eux qui par miracle ont encore la force d’espérer ? Traités de fainéants, parfois par leurs proches, ignorés par l’État, soumis aux pressions constantes de Pôle emploi qui aimerait leur faire accepter n’importe quel emploi pour n’importe quel salaire, les chercheurs d’emploi ne parviennent plus à se faire entendre. Ils ont le sentiment de servir uniquement de réservoir de main-d’œuvre, utile uniquement à exercer une pression à la baisse sur l’ensemble des salaires.
Pour bien comprendre comment se noue le cercle vicieux du chômage de longue durée, il faut croiser et confronter les points de vue du chômeur , de l’ employeur et du recruteur professionnel. J’ai personnellement vécu toutes ces situations et j’ai tenu à conforter mon témoignage par les expériences authentiques de personnes très diverses, de tous âges et de tous niveaux, que j’ai eu l’occasion de rencontrer et qui, les unes et les autres, éclairent ce tableau sous des angles différents. Ce kaléidoscope d’expériences vécues vaut bien toutes les études ministérielles sur les raisons du chômage.
Les facteurs qui conduisent à notre gestion lamentable de l’accès ou du retour à l’emploi sont mul