La reconversion des hommes et des territoires
292 pages
Français

La reconversion des hommes et des territoires , livre ebook

-

292 pages
Français

Description

La fermeture de l'usine Metaleurop Nord en 2003, sans préavis ni plan social, sans participation financière à la dépollution ni contribution à la reconversion du territoire, a suscité une grande émotion. Ce cas illustre le "scénario catastrophe" de la mise au chômage de salariés relativement âgés dans un bassin déjà frappé par la désindustrialisation et les problèmes d'emploi. Reposant sur un suivi des événements de janvier 2003 à décembre 2009, ce livre analyse le processus de fermeture et ses conséquences.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2010
Nombre de lectures 158
EAN13 9782296253278
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Je remerciechaleureusementles anciens salariés de Metaleurop
Nord quiont bien voulu répondreà notre questionnaireetnous
recevoirpour la réalisation des entretiens .
Merci également aux membres de l’association des anciens
salariés « Chœurs de Fondeurs »: Farid Ramou, Bernadette
Szlapka, Jean-Louis Martin, Christian Rodziewicz, Albert Lebleu ,
Denise Goubelle .
Toute magratitude à Stella Duneufjardin, Jean Cogéet Josiane
Bret pourleur concours.
Merci aux collègues et étudiantsquiont participéà
laconfection du questionnaireet de l’enquête: Dominique Duprez,
Dominique Mosbah, Hubert Cukrowicz, Blandine Mortain, Claude
Bonnette-Lucas, Marion Villez, Samy Garbaa .
Ce travail n’aurait pas pu aboutir sans lacontribution de Carine
Laurent .« "Onne sait pas de quoi il est mort" dit quelqu’un.
"Savais-tu de quoi il vivait ?" repartit une voix moqueuse » .
Roger Martin du GardIntroduction générale
La fermetured’une grande entrepriseest un événement qui
défraie lachronique. Les médiasparlent de «drames »,de«
catastrophes»etprésentent les fermetures d’entreprisecomme le signe
1d’une récession majeure. Lesplans sociaux scandent l’actualité
économique etpressent les plus hautes autorités de l’État à
intervenir. Ladisparition d’uneentreprisedegrande taille, c’est
dessalariés au chômage, dessous-traitants en difficulté ou encore
en faillite, unpatrimoineet dessavoir-faire qui périssent.
Les grandes entreprisessont apparues avec la révolution
indusèmetrielleetont été le théâtredes grandesluttessociales du XIX et
èmedu XX siècle. C’est enleur sein que la société salariale s’est
2construite, que les conventions collectives etlespremiers droits
sociaux sont nés. Lieu de promotionsociale, de sécuritéde
l’emploi et de régulation collective des conflits sociaux, les
grandes entreprises ont représenté la « vitrine» du progrès
économique etsocial. Ellessont devenues de véritables
institutions,dans lesquelles des générations se sont succédé. Les usines
ont meublé lesterritoires par legigantisme de leursinstallations ,
ont été deslieux d’identification et de vie, de construction
d’identités collectives,debrassages culturels et ethniques. Sila
fragilitédes PME est considérée comme unphénomène normal, les
entreprises degrande taille sont censéesrésister aux turbulences
desmarchés et assurerla stabilitédu systèmeéconomique .
Dès lors, leur fragilisationinquiète, leur disparition est
1Ainsi un grand quotidien, pourillustrerla récession économique qui débute en
2008, titre« Lesplans sociaux se multiplient à un rythme jamais vu », Le Monde ,
le 15 décembre 2008 .
2Castel R., 1995 .Lesmétamorphoses de la questionsociale: unechroniquedu
salariat, Paris, Fayard .interprétée comme une menace pourl’édifice construit pendant les
« Trente Glorieuses », comme un ébranlement du centrede la
3société et du salariat : la «déstabilisation desstables» et, par
ricochet, le renvoi desmoins protégés dans une précarité plus
massiveen découleraient. Chaquefermeture semblealimenterle
chômage, lesprocessus d’exclusion sociale, malgré les efforts du
Service publicde l’emploi et des acteurs du reclassement. Les
fermetures degrandes entreprisesmettent enlumière les effets
négatifs de la mondialisation économique incontrôlée qui se
matérialise par une recherche permanentede réduction des coûts et
de rentabilitéà courtterme, par une gouvernance de plus enplus
actionnarialedes entreprises.
Les plans sociaux, qui accompagnent ces mouvements de
maind’œuvre, apparaissent commedes « modessocialement organisés »
de redistribution dessalariés en emplois statutaires vers des
4emplois moinsstables etmoins bien rémunérés .
L’usine Metaleurop Nordétait une fonderiede plombet de zinc
installée à Noyelles-Godault (Pas-de-Calais) depuis lafin du
ème 5XIX siècle. Le 17 janvier 2003, la maison mère (Metaleurop
SA) décide de ne plus octroyer de capitaux supplémentaires à sa
filiale. C’estlafermeture. Cetteannonce brutale, sans préavis, sans
plan social ni participation financière à ladépollution, ni
contribution à la revitalisation du territoire, afait les grandstitres
desmédiaspendant de longs mois tellement l’émotion futintense .
Les termes de« lâchage»,de« dépeçage », de « patron voyou »
ont été mobilisésjusqu’au sommet de l’État, par le président de la
République de l’époque. L’activitéde l’actionnairede référence–
Glencore– était directement visée: ne possédant pas 33 % du
capital de Metaleurop SA, il ne pouvait êtreconsidérécomme le
3Le tragiquedes fermetures et deslicenciements collectifsinspire la littérature:
Bon F., 2004 .Daewoo ,Paris, Fayard. Mordillat G., 2004 .Les vivants etlesmorts ,
Calmann-Lévy,coll. Le Livrede Poche. Fajardie F., 2003 .Metaleurop. Paroles
ouvrières, Paris, Milleet Une Nuits. Etmême unebande dessinée: Loyer J.-L. ,
Bétancourt X., 2006. Noirmétal, au cœur de Metaleurop, Delcourt, Coll. Mirages.
4 Chassey (de) F., 1992. « Reconversion:demande sociale etsociologie ;
quelques figures etréflexions », in Villeval M.-C.(sousladir.) ,Mutations
industrielles etreconversion dessalariés, Paris, L’Harmattan, pp. 152-162 .
5
http://www.choeursdefondeurs.com/album/album.php, pour une
visualisation de l’usine .
12propriétaire de l’usine mais n’en assuraitpasmoins lecontrôle
économiqueet financier. Le «dépeçage» etle« lâchage» de
l’usinede Noyelles-Godault ont été deux moments d’un processus
qui adébuté par la perted’actifs rentables au profit de filiales
6contrôlées majoritairementpar Glencore. Les pertes qui
circulaient dans lachaînede valeur déployée à l’échellede la
planète ont finiparseconcentrer sur le« maillon faible» que
représentait l’usinede Noyelles-Godault parmitoutesles filiales
détenuesparl’actionnaire suisse. Le «dépeçage» aabouti in fine
au « lâchage» qui, loin de venir de nulle part, relevait d’un
« scénario bien ficelé»:après avoirtransféré les actifs les plus
profitables, il ne restait que les activités obsolètes etpeu rentables.
L’usineaccumulait les déficits; le« lâchage» de lafiliale par la
maison mèreest venu bouclerlaboucle .
L’association des ancienssalariés a demandé l’extension de la
liquidation de l’usineau groupe,faisant valoir qu’elle n’étaitpas
une filiale autonomeetn’avait pas la maîtrisede ses décisions sur
le plan économique; qu’il y avait « confusion de patrimoine»
entre la maison mère (Metaleurop SA) etl’usinede
NoyellesGodault (Metaleurop Nord), que la première s’était comportée
visà-vis de la seconde comme s’ils’agissait d’un établissement tout en
la« lâchant»comme une filiale. La justice n’afinalement pas
validé la «confusion de patrimoine»,et du mêmecoup le schéma
«dépeçage/lâchage», mais a reconnu lesirrégularités etles
manipulations d’information sur les marchés financiers. La
référence au « patron voyou» n’a passuffipaspour expliquer la
fermeturedecette grande usine. Les facteurs sont nombreux :
obsolescence technique, épuisement d’unmodèle organisationnel
peu adaptatif, affaiblissement dessoutiens extérieurs (population ,
élus locaux) en raison d’une pollution historique. La
reconnaissance d’uneextension possible de liquidation d’unefiliale à sa
maison mèreaurait abouti à une fragilisation générale des
7groupes .
6« Comment Glencorea peu à peu dépecé Metaleurop », Le Monde, le 1 mars
2003. « Comment Glencoreafait main basse sur Metaleurop », La Tribune, le
30 janvier 2003 .
7« Les grands groupes ont échappéau pire. Ils sont passés àcôtéd’une redoutable
menace quise tramait devant lestribunaux avec l’affaire Metaleurop. Ils
n’auraient paspu continuer àgérer à leur guise leurs relations avec leurs filiales
13La

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