Manager en Guadeloupe : un pari impossible ?
72 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Manager en Guadeloupe : un pari impossible ? , livre ebook

-

72 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Cet ouvrage s'interroge sur le malaise qui règne dans certaines entreprises guadeloupéennes et tente de comprendre les causes de l'échec de nombreux managers confrontés à une réalité qu'ils ne maîtrisent pas. Il propose des pistes viables, et à terme des solutions, des pratiques nouvelles et adaptées à un contexte spécifique de relations humaines. Une réflexion, mais aussi un débat, malheureusement trop longtemps gardés en suspens.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2011
Nombre de lectures 52
EAN13 9782296475816
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0424€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MANAGER EN GUADELOUPE : UN PARI IMPOSSIBLE ?
© L’HARMATTAN, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-56611-8
EAN : 9782296566118
Fatima PY
MANAGER EN GUADELOUPE : UN PARI IMPOSSIBLE ?
Héritage culturel et ressources humaines en Guadeloupe
L’Harmattan
En couverture :
« A BINO » de Goodÿ
(Octobre 2010, Collection Péyi la ,
Technique mixte sur toile, 145x135cm)
Gilleseugene@yahoo.fr
INTRODUCTION : L’impasse d’une société postcoloniale héritière de l’esclavage ?
L’héritage colonial et l’esclavage sont encore ce que l’on connaît le mieux du passé de la Guadeloupe, en Guadeloupe. Ces deux éléments viennent la plupart du temps justifier les attitudes des Guadeloupéens dans telle ou telle situation, dans les relations sociales et notamment celles du travail. Ces deux termes – héritage colonial et esclavage, peut-être trop souvent évoqués à tort, renvoient bien, néanmoins, aux fondements des relations de travail en Guadeloupe. L’esclavage existe en effet dès l’arrivée des premiers colons en Guadeloupe, au XVIIème siècle. Les premiers colons français seraient venus de Saint-Christophe accompagnés des esclaves noirs qu’ils possédaient déjà sur l’île voisine. Un autre type de relation de travail se développe à la même époque : il s’agit de l’engagisme : des hommes s’engageaient pour trente six mois ; passé ce délai ils pouvaient racheter leur liberté et exploiter leur propre lopin de terre. Il s’agissait alors d’Européens, mais ce système n’étant pas assez rentable pour l’industrie sucrière qui prendra son essor au XVIIIème siècle, on lui préférera l’esclavage massif des Africains. Le développement de l’esclavage, en Guadeloupe, mais aussi en Martinique, voit la naissance d’un véritable système social, au cœur de microsociétés que sont les habitations 1 ou exploitations sucrières, où vivent maîtres et esclaves. Ceux-ci se constituent en corps de métiers, séparés entre les esclaves de plantation et les esclaves de maison, situation considérée comme la plus enviable. Les esclaves âgées soignent et accouchent les plus jeunes. Il s’instaure une hiérarchie, notamment chez les esclaves de plantation, laquelle est dominée par le commandeur, garant de l’autorité du maître sur la plantation.
Les premières relations de travail du XVIIème au début du XIXème siècle en Guadeloupe sont donc basées sur l’exploitation de la ressource humaine : le système esclavagiste considère qu’une portion de la population n’existe qu’en tant qu’elle est main d’œuvre, il est d’ailleurs consacré par le Code Noir de 1685, article 44 que cette fraction a le statut de biens « meubles ».
L’abolition définitive de l’esclavage, le 27 Mai 1848, ne verra pas la fin du travail forcé. Au contraire, le « vagabondage » et la mendicité sont lourdement punis. Dès 1852, des décrets vont imposer des livrets de travail aux nouveaux libres, signés par leur employeur. En outre, ils doivent être porteurs de « passeports intérieurs » pour circuler sur l’île 2 . D’autre part, en dépit de cette répression, les nouveaux libres sont rejetés du marché du travail et les exploitants vont faire massivement appel à une main-d’œuvre étrangère, venue d’Afrique, de Chine, d’Inde, du Japon… Cette main-d’œuvre, qui reprend le système de l’engagisme, sous-payée, travaillant dans des conditions très difficiles, subira un régime de travail parfois comparé à un « second esclavage 3 », et sera parfois elle-même amenée à se révolter. Le Code de l’indigénat , imposé en 1887 à l’ensemble des colonies françaises, qui distingue les citoyens français (originaires de la métropole) et les sujets français, d’origine africaine, ou immigrés, imposera, jusqu’à la départementalisation, en 1946, le travail forcé à tous ces sujets français.
Ainsi, le travail forcé, d’abord régulé par le Code Noir puis le Code de l’indigénat se définit, jusqu’à une date ancienne de seulement soixante quatre ans, comme la norme en termes de relation de travail en Guadeloupe. Ce qui signifie que le souvenir en est encore récent, qu’il peut être relaté par la population la plus âgée. Il semble donc évident dans un tel contexte et sans vouloir faire d’analyse psychologique hâtive, que les relations de travail soient biaisées, qu’il existe une suspicion quant à celui qui, s’il ne détient pas un fouet, n’en est pas moins, dans l’inconscient collectif, une sorte de commandeur dignitaire d’un pouvoir colonial, et non un manager, un cadre ou simplement un employeur 4 .
Si on définit la culture à la fois comme l’ensemble des connaissances acquises permettant de développer le sens critique, le goût et le jugement, mais aussi les aspects intellectuels propres à un groupe et les formes de comportement acquises par une société 5 , l’héritage culturel semble en effet peu disposer les Guadeloupéens à des rapports professionnels apaisés.
Ainsi, l’héritage culturel guadeloupéen constitue-t-il un obstacle à la mise en œuvre d’une gestion des ressources humaines efficace sur le territoire? Peut-on véritablement parler d’une impasse réduisant à néant toute tentative ou, au contraire, ne serait-il pas possible d’instaurer en Guadeloupe une gestion des ressources humaines qui prenne en compte ces spécificités locales ?
Dans un premier temps, nous étudierons les difficultés que rencontre l’instauration de la fonction RH en Guadeloupe. Nous verrons que si la fonction RH est bien développée dans les structures les plus importantes, elle se heurte à certaines problématiques inhérentes justement à l’héritage culturel : les rapports raciaux entre des chefs d’entreprise descendants de colons et des employés descendants d’esclaves qui ne sont pas encore apaisés, ou encore un « Etat colonial français » toujours présent dans l’imaginaire collectif des agents des organismes publics les plus importants. Nous verrons en outre les difficultés, voire l’impossibilité que rencontrent la plupart des structures, à passer de la fonction personnel à la fonction ressources humaines, ces structures étant soumises aux aléas des relations sociales dans les petites collectivités territoriales et dominées par l’aspect familial des PME et le paternalisme de leurs dirigeants.
Dans un second temps, nous tenterons une ébauche de résolution aux deux grandes problématiques que rencontre la gestion des ressources humaines en Guadeloupe, à savoir la gestion des ressources humaines dans les PME et la gestion du conflit. Nous verrons que les difficultés inhérentes au cadre culturel actuel peuvent être dépassées par le développement d’une fonction ressources humaines adaptée aux PME, en diminuant les inconvénients liés à une gestion des hommes familiale et paternaliste par la professionnalisation de celle-ci, mais également en maîtrisant le risque social, en instaurant une culture d’entreprise solide et adaptée au contexte. Nous définirons ensuite dans quelle mesure le conflit social en Guadeloupe est aussi un conflit sociétal, afin de déterminer l’intérêt et les limites d’une pratique endogène du management des ressources humaines sur le territoire.
1 On les appelle aussi en Guadeloupe les bitasyon.
2 Oruno D. Lara, Guadeloupe : Faire face à l’histoire , L’Harmattan, Paris, 2009, p.37 : « Police du travail ».
3 Ibidem, p.44 : « Le recours aux travailleurs sous contrats recrutés en Afrique et en Asie ».
4 Les sociologues André Lucrèce, Louis-Félix Ozier-Lafontaine et Thierry L’Etang, dans leur analyse du mouvement social de 2009 en Martinique, dont la culture présente de nombreuses similitudes avec la Guadeloupe, décrivent « la construction de la Martinique, société post-esclavagiste et postcoloniale » comme « un éternel sociodrame historique bâti comme une longue chaine traumatique fixé obsessionnellement à l’esclavage » ( Les Antilles en colère. Analyse d’un mouvement social révélateur. L’Harmattan, Paris, 2009).
5 Le Petit Robert , février 2001, p.589.
I - Une fonction RH qui peine à s’imposer en Guadeloupe
Le développement encore hésitant de la fonction ressources humaines en Guadeloupe s’explique généralement par le faible développement des entreprises, très majoritairement de petites structures. Néanmoins, quelques sociétés disposent de services de ressources humaines de qualité, voire compétitifs. Pourtant, le malaise social qui règne en Guadeloupe et qui s’est particulièrement manifesté lors du conflit du début d’année 2009 aussi surnommé du nom du collectif à l’instar duquel il s’est déroulé : « conflit LKP 1 », rem

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents