Révéler l autre à lui-même
152 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Révéler l'autre à lui-même , livre ebook

-

152 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Directeur fondateur de l'ITIAPE, première école d'ingénieurs par l'apprentissage en alternance, et créateur d'une école de la 2e chance, l'auteur a mis en oeuvre une ingénierie pédagogique innovante inspirée de l'A.P.P (Apprentissage Par problèmes, UQAM de Montréal) et articulée autour d'une pratique du coaching avant la lettre. Dans cet ouvrage il remonte aux sources de son histoire personnelle pour redécouvrir pas à pas le chemin de la réussite.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2009
Nombre de lectures 183
EAN13 9782336251899
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296101098
EAN : 9782296101098
Sommaire
Page de Copyright Page de titre 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Épilogue Remerciements
Révéler l'autre à lui-même
L'aventure d'une pédagogie innovante

Pierre Baillon
1
Ce 23 mai 2008, quand j’ai remis leur diplôme d’ingénieur à mes étudiants, j’ai vu un parterre de trois cents personnes se lever d’un même mouvement à la fin de mon discours. Cette longue ovation m’a atteint en plein cœur, même si je ne suis dupe ni de l’admiration ni de l’affection de mes pairs. Mes dernières années à G. Formation et à l’ITIAPE (Institut des Techniques de l’Ingénieur en Aménagement Paysager de l’Espace) que j’ai créé il y a 20 ans, ont été des années de combat. Je suis heureux de ce que j’ai réalisé, j’ai permis à environ 20 000 personnes de prendre pied dans la vie, on ne peut pas me l’enlever, mais je ne pourrais pas jurer de la suite. Que deviendra le projet pédagogique que j’ai porté si longtemps ? Quelle en sera la transmission ? Que feront mes successeurs ? La « guerre idéologique » aura peut-être eu raison de ma singularité, de mon « anomalie » au sens de l’Évangile.
Je ne peux pas dire que je sorte vainqueur aujourd’hui du conflit majeur entre la maïeutique et le « professeur » (on a tué Socrate), entre l’orthodoxie bien-pensante de l’Éducation nationale et ma « folie » de pourfendeur de l’autorité consacrée. J’avais une vraie cohérence, un projet pédagogique puissant et clair. En mettant les apprenants au centre du dispositif, je bousculais les règles de la classe dominante, je dérangeais, je semais la circonspection, je parlais chinois.
J’ai été un homme dangereux, d’abord insoupçonnable, ensuite incontrôlable. Interdite devant le succès de l’entreprise et l’importance grandissante d’une structure qui avait monté en puissance précisément parce qu’elle était portée par « l’anomalie », l’autorité de tutelle s’est mise à ruer dans les brancards. Pour la simple raison qu’elle tremblait pour son propre pouvoir (le pouvoir de l’institution, le pouvoir des enseignants) : j’ai suscité des violences terribles.
Je n’étais pas le maître, le prof, mais l’accoucheur ; mon audace m’imposait, mon refus de l’autorité me donnait de l’autorité auprès des formateurs et des jeunes a priori écartés du système scolaire et que j’ai aidés à aller plus loin. Que peuvent-ils bien comprendre  ? s’interrogent les tenants de l’enseignement traditionnel, les formateurs formatés, les forts en thème mono-disciplinaire. Nous avons un référentiel en béton armé, celui qui ne suit pas est un fainéant, adieu le diplôme, personne ne sort du cadre, restons entre nous.
Mai 68, c’était il y a quarante ans et je m’agace de voir les médias entonner l’antienne de la libération des sexes et des mœurs. Je l’ai dit dans mon discours du 23 mai 2008 : engagé dans les mouvements d’Église de 16 à 25 ans, j’ai été marqué par la guerre d’Algérie et la guerre du Vietnam dont nos élites, nos maîtres, nos profs, nos évêques prétendaient, au nom de la civilisation chrétienne, que ces guerres étaient justes. Mais qu’est-ce qu’une guerre juste, la guerre en Irak, en Afghanistan ? Pour moi et ceux de ma génération, tout ce qui évoquait l’autorité, nos profs, nos curés, nos pères, devait être d’abord contesté. Nous voulions comprendre par nous-mêmes. À l’époque, il suffisait qu’on me dise : « tu vas faire une idiotie » pour que me vienne l’envie irrésistible de l’expérimenter pour me faire mon idée. De là est né mon doute profond à l’égard des élites, moi qui m’engageais alors pour le Tiers Monde dont je m’apercevais qu’on allait le piller.
Quand j’ai créé l’ITIAPE en 1991, lieu de formation axé sur un projet pédagogique inédit, j’ai mis en action, de la même façon qu’à G. Formation, ma fidélité à trois convictions nées de mon engagement en mai 68. La première est la nécessité pour moi d’accueillir toute personne (jeune ou moins jeune) à qui on a dit de taire son ambition, dont on a découragé l’appétit d’apprendre et d’emprunter l’ascenseur social. Tout jeune a droit à une place non dictée par l’échec, à un diplôme, à un métier qui nourrit ses talents. Mon boulot de formateur est de lui faire découvrir cette vérité dynamique pour lui et son avenir, en innovant sur le plan pédagogique, en cherchant avec lui les bonnes solutions et non en lui imposant un modèle préétabli.
Chaque année, j’ai été fier que cinq ingénieurs de l’ITIAPE soient issus de la filière Bac Pro. Jamais je n’ai baissé les bras devant les blocages d’un jeune, je me sentais comme ce médecin qui veut que son patient guérisse, comme ce chercheur qui passe toute sa vie à travailler sur un mal incurable. Toute mon énergie, toutes mes capacités devaient être mises en œuvre pour découvrir la méthode qui permettrait à ce jeune de sauter la barrière. J’ai découvert que 15 % de mes étudiants - volontaires, intelligents - étaient dyslexiques. Combien en ai-je vu presque honteux de ne pas être « comme les autres » et cependant heureux d’être entendus !
Ma deuxième conviction est qu’il faut mettre en contact le monde de la formation et le monde professionnel, autrement dit faire venir le monde agricole dans nos amphis. J’ai été heurté de constater que la réalité de la vie n’avait pas le droit d’y entrer. Ce choix de l’interpénétration des mondes est même devenu une obsession quand j’ai vu les dégâts provoqués par certains ingénieurs agronomes. Ceux-là mêmes qui estimaient que les paysans les empêchaient d’avancer, à l’instar des ingénieurs de chez Renault qui mettaient la faute sur le dos des ouvriers. J’étais du sérail, même formation, même référentiel ; notre peu d’attention au savoir-faire, à l’expérience des agriculteurs, nous a conduits à porter la responsabilité aujourd’hui du gâchis de la pollution, des déséquilibres écologiques, des méthodes actuelles d’alimentation de nos élevages.
Jeune chercheur à l’INRA, j’étudiais les causes du faible rendement de la betterave sur un plateau de 10 000 hectares en Algérie. À cette époque, les techniciens trouvaient de bon ton de couvrir de quolibets ces Algériens incompétents qui s’étaient mis en tête de cultiver la betterave. En démontrant que ce faible rendement était dû à la forte teneur en sel de l’eau d’irrigation dans un sol argileux (la terre se durcissait comme de la pierre), nous ne faisions qu’admettre notre propre erreur. L’alternance, l’apprentissage permettent ce va-et-vient entre la réflexion et la mise en pratique, encadrées d’une part par un formateur, de l’autre par un maître d’apprentissage. De cette confrontation entre la connaissance et la complexité de la vie naissent le doute et néanmoins la prise de décision, avec la pleine conscience des risques que nous prenons.
Ma troisième conviction est qu’il faut casser la toute-puissance de celui qui sait ou qui croit savoir. Mettre le jeune au centre de la formation c’est essayer d’éveiller son désir d’apprendre en comprenant son langage, ses attentes, ses représentations, ses croyances. Lui donner la parole c’est prendre le risque que ce qu’il attend ne corresponde pas à ce que j’avais préparé. Accompagner, ce n’est pas laisser faire. Je suis un accoucheur, mais ce n’est pas moi qui fais l’enfant. À l’intérieur du cadre posé par le formateur, l’étudiant ou l’apprenti est obligé de se confronter à ses croyances, il les modifie et les enrichit ; il acquiert une rigueur dans la réflexion.
Mon doute sur la légitimité intellectuelle des élites m’a amené en 68 à mettre en cause les concours, les modes de sélection. En lien avec cette interrogation sur l’autorité, je me demandais en quoi je faisais partie de l’élite, pourquoi l’élite serait-elle condamn

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents