Intimités amoureuses à l’ère du numérique
354 pages
Français

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Intimités amoureuses à l’ère du numérique , livre ebook

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Description

Internet et les mondes sociaux en ligne sont devenus de véritables médiateurs des intimités contemporaines. Le présent ouvrage est le fruit de quatre années d’enquête sur Second Life, dispositif qui propose de vivre une «seconde vie» dans un univers virtuel développé par les utilisateurs. Il plonge dans les usages de cette plateforme pour comprendre l’expérience de ceux qui disent y vivre une relation amoureuse. À travers l’analyse des pratiques et récits des internautes ainsi que de la plateforme elle-même, deux questions sont explorées : comment les outils communicationnels participent-ils à l’organisation des échanges intimes ? Qu’est-ce que ces relations révèlent de l’expérience amoureuse d’aujourd’hui ? Cette approche met en lumière la diversité et l’ambiguïté des intimités contemporaines. Elle révèle comment l’individu amoureux est tiraillé entre un modèle romantique et des réflexions personnelles qui remettent en question plusieurs aspects de ce modèle. Cette intimité, bien qu’elle se « joue » en ligne, est inextricablement liée à la vie hors-ligne des partenaires. Si pour certains elle promet des changements biographiques, elle permet à d’autres d’éviter de telles transformations. S’appuyant sur la sociologie du couple et des émotions et sur la sociologie des techniques et de ses usages, cette recherche considère Second Life à la fois comme révélateur et comme opérateur des intimités contemporaines. Elle aborde un sujet au coeur de l’actualité et analyse des pratiques relationnelles encore peu étudiées.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 10
EAN13 9782889300518
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0165€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
A MARANTA C ECCHINI


I NTIMITÉS AMOUREUSES À L’ÈRE DU NUMÉRIQUE
L E CAS DES RELATIONS NOUÉES DANS LES MONDES SOCIAUX EN LIGNE













É DITIONS A LPHIL -P RESSES UNIVERSITAIRES SUISSES
Copyright






© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2015
Case postale 5
2002 Neuchâtel 2
Suisse



www.alphil.ch
Alphil Diffusion
commande@alphil.ch


ISBN 978-2-88930-051-8


Ce livre a été publié avec le soutien :
– du Fonds national suisse de la recherche scientifique dans le cadre du projet pilote OAPEN-CH.


Photographie de couverture : fotolia.com


Responsable d’édition : Inês Marques
R EMERCIEMENTS
Ma profonde gratitude va aux personnes qui ont accepté de dévoiler quelques tranches de leur vie slienne , à celles et ceux qui ont partagé un peu de leur intimité contre ma seule parole.
De l’autre côté de l’écran, le plus souvent…
Je remercie vivement mon directeur de thèse François Hainard qui m’a accompagnée tout au long de cette recherche, ainsi que les membres du jury Olivier Voirol, Olivier Glassey et Fabrice Clément dont les questions ont donné un nouvel élan à ce travail. Je tiens aussi à exprimer ma vive reconnaissance à mes collègues Kerstin Duemmler, Patrick Ischer, Hugues Jeannerat, Delphine Guex et Joëlle Moret pour leurs conseils et surtout leur amitié.
Toute ma gratitude va aussi à mes proches. À Juliette, à Léonore et à Cédric pour leurs encouragements, leur humour et leur joie de vivre. Enfin, à mes parents pour avoir constamment nourri ma curiosité face au monde et pour me rappeler Kairós – l’instant opportun.
R EMARQUE PRÉLIMINAIRE
Les conventions typographiques suivantes ont été utilisées tout au long de cet ouvrage : les citations d’ouvrages scientifiques ont été placées « entre guillemets » et les citations de mes informateurs « entre guillemets et en italique » ; quant aux termes rédigés en italique sans guillemets , ils concernent soit des termes techniques, soit des termes dont j’ai voulu souligner l’importance dans le texte. Par ailleurs, les citations de mes informateurs ont été délibérément intégrées dans le texte telles qu’ils les ont écrites. Leurs libertés ortho­graphiques rendent compte d’un rapport décomplexé aux normes rédactionnelles qu’il m’a semblé judicieux de respecter dans la mesure où il est une expression culturelle des sociabilités numériques.
En ce qui concerne les images, elles sont des captures d’écran. Leur qualité n’est par conséquent pas élevée, ce qui explique le flou sur certaines d’entre elles.
I NTRODUCTION
« Second Life, février 2011. Superficie : deux millions de kilomètres carrés. Nombre d’habitants : inconnu. Je n’y suis jamais allé, mais ça me paraît grand, immense. Ça ne ressemble à rien de ce que je connais : un monde parallèle avec ses codes, ses histoires et ceux qui les vivent. J’ai envie d’y entrer, de faire de nouvelles rencontres, parler à des gens que je ne verrai peut-être jamais ailleurs. Être moi-même, tout simplement. »
Tout au long de son exploration de Second Life, le spectateur sera guidé par Maxime. Il s’y incarne dans l’avatar 1 MacSim, qu’il façonne d’abord à son image. Avec lui, il découvre l’environnement de ce monde « virtuel », fait des rencontres, bavarde et découvre le climat particulier, à la fois intime et distant, curieux et désabusé, qui règne parmi ses habitants. Après quelque temps, le narrateur transforme son avatar pour lui donner l’apparence d’une femme jeune et séduisante – comme presque toutes les résidentes de Second Life . MacSim rencontre alors EricVirtuel, un avatar masculin. Par écrit, ils échangent quelques banalités, dansent une valse puis se baladent en montgolfière. Son avatar allongé, la tête reposant sur l’épaule de son compagnon, Maxime lit les mots qui s’affichent sur son écran à mesure que ce dernier lui écrit : « voilà, j’en profite pour te faire un bisou ». Il lui répond « c’est agréable », avant de lui demander s’il « emmène souvent des filles ici ».
Ce premier dialogue donne le ton. Maxime commente les échanges répétés au cours des jours suivants : « J’ai l’impression que lui aussi est dans son rôle de séducteur, un peu comme moi je peux l’être dans celui de la femme séduite ». Les dialogues prennent une tournure intime, érotique, puis explicitement sexuelle. Maxime et son partenaire commencent à communiquer par voice 2 – c’est-à-dire oralement – et leurs discussions deviennent de plus en plus personnelles. Un jour, le narrateur annonce à son compagnon s’être procuré une webcam. Ils conviennent de communiquer par Skype , se connectent le jour dit et enclenchent la caméra : « Tu me vois ? » demande Maxime. Sans un mot, son partenaire coupe son micro. Maxime explique les raisons de son travestissement. Son interlocuteur lui répond par écrit, dit sa déception, l’accuse d’avoir joué avec ses sentiments, puis raccroche : « on ne sait jamais sur qui on tombe ». Dans l’épilogue, de retour dans Second Life, Maxime, toujours avec son avatar féminin, conclut :
« À force de jouer ce rôle je crois que j’ai un peu oublié ce que j’étais venu chercher ici. Je n’ai pas réussi à faire de vraies rencontres dans Second Life. Quand j’ai choisi de me faire passer pour une femme, je pensais qu’il ne pouvait pas y avoir de vrais sentiments. Alors du coup j’ai simulé les miens. Je me suis pris au jeu et j’ai joué. Mais je ne pense pas qu’Éric soit vraiment honnête. Lui, il s’était attaché à l’image qu’il se faisait de moi… Nous sommes le 5 mai 2011, je me demande quel temps il fait dehors. »
Maxime Moriceau est le réalisateur et le narrateur (en voix off ) de En apparence 3 . Ce documentaire – un récit initiatique amoureux et sexuel en contexte digital – prend pour décor Second Life, un univers dépeint comme vaste, mystérieux et qui promet la concrétisation d’un rêve d’authenticité : être soi. Filmé dans l’environnement en ligne, il a reçu le Prix du Jeune public au festival international du film documentaire Corsica.doc à Ajaccio en 2011.
La trame narrative de cette production est exemplaire d’un script amoureux archétypique des mondes sociaux dits « virtuels ». De manière presque caricaturale, elle illustre les plus grandes peurs et les plus grandes tentations qui, dans l’imaginaire de Second Life, caractérisent les rapports intimes : la simulation des sentiments et la dissimulation de soi, l’intensité et au contraire le ­détachement émotionnels, ou encore la matérialisation (digitale) des rêves et des fantasmes. Le documentaire en expose certains mécanismes ­interactionnels, ­relationnels et affectifs : l’idéalisation, la projection sur autrui des attentes intimes, la ­dialectique ambiguë entre révélation et invention de soi, entre rapports ­affectifs et ludiques et, enfin, le passage progressif au « réel » par le dévoilement de la voix puis du visage. À divers degrés et dans des formes nécessairement variées, ces éléments sont constitutifs des expériences amoureuses analysées dans cette recherche.
Mais l’intérêt de ce récit dépasse sa valeur illustrative. Il est un des ingrédients du répertoire culturel hétéroclite dans lequel les usagers de Second Life puisent pour interpréter leurs expériences amoureuses : une histoire à laquelle ils s’identifient ou qu’ils rejettent, dans laquelle ils se reconnaissent ou dont ils se distinguent. Les réactions et les débats que ce documentaire a suscités parmi eux, sur différents blogs et forums, attestent de son intégration dans un ensemble de récits, d’images et de symboles qui composent l’imaginaire amoureux des mondes sociaux en ligne. C’est à l’analyse de ce répertoire, et plus précisément des pratiques et des discours intimes des acteurs de ces relations, qu’est consacré cet ouvrage.
Cette recherche vise à saisir les éléments constitutifs de l’expérience amoureuse dans les mondes sociaux sur internet. Comment les intimités amoureuses en ligne sont-elles construites ? Et que nous disent-elles des dynamiques, des enjeux et des contradictions qui caractérisent les intimités contemporaines ? Ces interrogations, qui ont servi de fil rouge à la réalisation du travail de terrain et à l’analyse des données, soulèvent des défis à la fois théoriques et méthodologiques.
Il s’agit tout d’abord de conjuguer les approches théoriques et conceptuelles de deux champs de recherche distincts : la sociologie de l’intimité, du couple et des émotions d’un côté et, de l’autre, la sociologie de la communication et des techniques. Alors que classiquement, les médias de masse posaient la question de la communication dans la sphère publique, les plateformes relationnelles du web 2.0 soulèvent celle d’échanges à la fois publics et privés entre des usagers interconnectés. Comme l’illustre ce travail, associer la sociologie de l’intime et la sociologie des techniques est devenu une entreprise incontournable à une époque où les relations sociales, y compris les plus personnelles, sont de plus en plus médiées par des interfaces digitales et où intimité ne rime plus seulement avec secret mais avec communication, mise en scène et dévoilement de soi.
En questionnant les relations d’intimité amoureuse, cette recherche aborde une thématique qui, si elle n’est pas totalement inédite, a été relativement peu investiguée par les sociologues. Leur réticence témoigne, entre autres, d’une conception des affects fondée sur le postulat de leur « intériorité » – ceux-ci relèveraient de la psychologie. Or, les émotions sont aussi des éléments qui « circulent » dans les échanges interindividuels et collectifs (Ahmed 2004) et qui sont intégrés dans des cultures et des idéologies particulières (Hochschild 1979) . En d’autres termes, les expériences émotionnelles et leurs manifestations pratiques et discursives sont intrinsèquement liées à des contextes sociaux spécifiques, qu’il s’agit de décrire et d’analyser (chapitre 1). L’amour « amoureux » désigne non seulement un ressenti intérieur mais une construction à

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