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Acheter, vendre, consommer est sans doute la plus grande banalité de nos sociétés occidentales.
L'habitude est tellement une seconde nature, que peu s'aperçoivent d'un processus qui marche mal. Nous voulons ici prendre conscience de paradoxes inouïs mais occultés qui rendent la vente schizophrène. Loin des manuels de technique de vente, cet ouvrage fait le point sur l'évolution des métiers de la vente au cours de ces 30 dernières années et propose des solutions pour que ces métiers perdurent. Un véritable éloge de la vente!
A SIMON, A GUILLAUME
Le métier de vendeur
Bernard Ibal
Dominique Ballot
Le Code de la propriété intellectuelle du 1 er juillet 1992 interdit expressément la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique s’est généralisée dans les établissements d’enseignement supérieur, provoquant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée.
© Éditions EMS, 2008
Nous rappelons donc qu’il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement sur quelque support que ce soit le présent ouvrage sans autorisation de l’auteur, de son éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) 3, rue Hautefeuille, 75006 Paris (Code de la propriétéintellectuelle, articles L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2).
9782847690972
Sommaire
Page de titre Page de Copyright PRÉFACE INTRODUCTION - 3 PARADOXES QUI CRÈVENT LES YEUX I - LE VENDEUR AU CENTRE DE LA NOUVELLE CULTURE DU TRAVAIL II - FONCTIONS ET QUALITÉS DU VENDEUR III - LE MANAGEMENT OPÉRATIONNEL DES VENDEURS IV - LES VENDEURS DANS LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE
PRÉFACE
Lorsque nous étions dans une société de production – d’abord agricole, puis industrielle et ensuite progressivement tertiaire – , il n’y avait guère de souci de vendre. Ainsi, le commerçant était-il chargé d’écouler les produits et les services auprès d’une clientèle généralement maintenue en état d’infériorité, de l’autre côté du comptoir . Puis vint le début de la société de consommation. Elle est indissociable de la révolution du pouvoir d’achat qui se fit en Europe Occidentale quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le client devint un consommateur presque subventionné pour pouvoir acquérir la multitude d’objets nouveaux qu’on lui proposait, « les choses » comme disait déjà Georges Perec.
A cette époque, le progrès consista à supprimer tout intermédiaire dans la transaction. Grâce au libre-service, les consommateurs faisaient leur choix par eux-mêmes. Le terme de commerçant fut relégué et remplacé par celui de distributeur et l’on inventa ainsi d’abord le supermarché puis l’hypermarché. Il n’y avait plus de vendeurs.
Il fallu attendre la deuxième phase de construction de la distribution moderne quelques années plus tard - celle du développement des grandes surfaces spécialisées : Darty, Fnac, Castorama, etc. - pour que l’on réintroduise du personnel dans les rayons. Possédant un savoir technique indispensable, les vendeurs réapparaissent à grande échelle. Leur devoir était de fournir une prestation purement fonctionnelle. Avec les caissières, ils étaient en quelque sorte l’autre maillon de la chaîne quasi-taylorienne de la transaction commerciale moderne. Pour casser la froideur et la répétitivité de leurs missions, on décida parfois de les badger de leur prénom pour faire semblant d’humaniser leurs tâches. Mais dans beaucoup d’enseignes, cela ne dura guère tant la démarche était artificielle puisqu’en réalité on attendait d’eux une prestation calibrée à l’avance, quasi interchangeable d’un vendeur à l’autre.
Tandis que le commerce traditionnel était fondé sur l’entreprenariat individuel, la grande distribution moderne a consacré au contraire l’entrée à vive allure du salariat dans la vente aux particuliers. Pourtant, toute cette histoire contemporaine avait déjà connu des prémices au cours du siècle précédent y compris en ce qui concerne le statut de vendeur. Il est utile de revenir quelque peu en arrière : vers le milieu du XIX e siècle plus précisément.
Tous les analystes s’accordent à reconnaître que le Bon Marché d’Aristide Boucicaut a été le premier grand magasin du monde. La révolution commerciale qu’il inaugurait ne comportait pas seulement la vente à prix bas, mais aussi d’autres caractéristiques toujours d’actualité un siècle et demi plus tard : vente par correspondance, expédition franco de port, expositions temporaires, soldes et même ventes d’occasion. Mais le changement le plus important, facteur de confiance, tient à l’affichage en magasin de prix fixes. Jusqu’alors, il fallait demander au vendeur le prix de vente de chaque objet que celui-ci établissait bien souvent « à la tête du client ». C’est devenu, depuis, une contrainte réglementaire pour tous les commerces, même si le prix affiché est de moins en moins souvent celui qui est appliqué, du fait des réductions successives, des négociations possibles… ce qui instaure à nouveau un climat de défiance. Cette révolution du même prix pour tous donnera les grandes chaînes de magasins populaires bien connus par la suite, toutes au nom synonyme : Uniprix, Prisunix, Monoprix , dont désormais seule la dernière subsiste .
La philosophie du créateur du Bon Marché inspirée par le christianisme social s’est exprimée également dans une politique salariale avant-gardiste : création d’une caisse de prévoyance alimentée chaque année par une ponction sur les bénéfices de l’entreprise destinée, selon les propres termes de Boucicaut, à « assurer à chacun de nos employés la sécurité d’un petit capital qu’il puisse retrouver au jour de la vieillesse ou qui, en cas de décès, puisse profiter aux siens. Nous avons voulu en même temps leur montrer d’une manière effective quelle est l’étroite solidarité qui doit les unir à la Maison. Ils comprendront mieux que l’activité de leur travail, le soin des intérêts de la Maison, l’économie du matériel mis à leur disposition, sont autant de devoirs qui tournent au profit de chacun » 1 . C’est un condensé de participation aux bénéfices, de capitalisation pour la retraite et d’assurance vie, et cela, il y a plus de 150 ans ! C’est dès l’origine du Bon Marché que se met en place également une gestion du personnel qui permet à chaque employé de devenir peu à peu second, puis chef de comptoir, en fonction de ses mérites propres. Parti de 12 personnes en 1852, la société en comportait 1788 à la mort d’Aristide Boucicaut en 1877.
Aujourd’hui, on oscille encore pour savoir si les vendeurs sont les victimes contemporaines des formes les plus pernicieuses du salariat déshumanisant qui s’exprime en particulier par l’imposition d’horaires décalés et du temps partiel contraint, ou bien si – dans la suite de Boucicaut – il s’agit d’un métier qui recèle de forts potentiels notamment en matière de promotion sociale. Aujourd’hui encore, beaucoup de patrons de commerce ont commencé au bas de l’échelle et la direction d’une grande structure commerciale ne nécessite pas l’obtention d’un diplôme supérieur de très haut niveau.
Dans cet ouvrage, Bernard Ibal et Dominique Ballot ont bien raison de creuser en profondeur tous les paradoxes de ceux qui exercent un « métier » - et ce n’est pas rien -, celui de vendeur. Ce n’est pas un hasard si leur livre est écrit à une époque ou à nouveau les contradictions en tous genres semblent s’intensifier. Parce que l’obsession du pouvoir d’achat est ce que l’on sait, on vient de décider de favoriser l’implantation de surfaces de hard discount pour vendre moins cher. Mais sait-on que dans ces magasins, il y a moins de vendeurs et qu’ils disposent en général de salaires et d’avantages sociaux inférieurs à ceux des autres chaînes de distribution. Sur un autre plan, le développement du commerce électronique consacre une dimension du consommateur entrepreneur , celui qui serait capable de tout faire par lui-même. Comme les auteurs, je ne pense pas que cette nouvelle forme de distribution puisse se substituer aux magasins dont il existe déjà de nombreuses formules. Je crois néanmoins qu’ils agissent comme une raison supplémentaire pour accroître la pression sur les formes de ventes traditionnelles.
Pour bien comprendre ce qu’est un vendeur, il faut aimer cette profession. C’est mon cas et cela depuis mon plus jeune âge je dois l’avouer. Je me rappelle ces longs moments de bonheur que je passais, enfant, à écouter les camelots sur ce marché parisien, face à la sortie du métro, à deux pas de la boutique que tenait ma mère. Je crois que je découvrais alors, sous cette forme si particulière du commerce ambulant, l’ambivalence de l’acte d’achat, son caractère souvent ordinaire mais jamais banal. La rhétorique souvent si brillante, dans son genre, des camelots de l’époque établissait un rapport de séduction avec leurs publics derrière lequel je sentais se bâtir des espoirs, s’échafauder des projets. Les hésitations de la ménagère la rendaient souvent dure à convaincre, cela nécessitait de recommencer des dizaines de fois la même démons