De la physiologie mentale : Histoire des relations entre biologie et psychologie
154 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

De la physiologie mentale : Histoire des relations entre biologie et psychologie , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
154 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

A peine née, la psychologie suscita la rivalité de deux sciences : la philosophie et la biologie. Ce long conflit entre matérialisme et spiritualisme, qui se poursuit aujourd'hui sous d'autres formes, a sans doute été le principal moteur de ses progrès. Ce que nous savons aujourd'hui de l'esprit résulte de cette histoire. Biologie et psychologie s'y sont mutuellement façonnées. Il est impossible de saisir l'imbrication actuelle de ces deux disciplines, ni ce que l'on sait aujourd'hui du cerveau et de l'esprit, sans comprendre cette genèse commune. Marc Jeannerod retrace ici ce long affrontement. Avec érudition et clarté, il nous montre comment des questions comme celles de la nature des réflexes, de l'unicité de l'esprit , de la localisation de l'intelligence (ou, pour la biologie, de la "localisation des facultés"), du développement de la pensée, ou encore du statut des déviances et des pathologies, se sont constituées à travers cette querelle. On verra dans ce livre s'affronter les savants et les disciplines, réapparaître des questions qui semblaient résolues, mais se déplacent ou sont reformulées dans d'autres contextes. On verra, surtout, comment, après deux siècles de cette querelle de l'esprit, est rendue possible la tentative moderne d'instauration d'une véritable physiologie du mental. Marc Jeannerod est professeur de physiologie à l'Université Claude Bernard et directeur à Lyon, d'une unité de recherche Inserm en neurophysiologie. Il est l'auteur du Cerveau-machine, et, avec Jacques Hochman, de Esprit où es-tu ? (Éditions Odile Jacob, 1991)

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 1996
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738173201
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© ODILE JACOB , AVRIL  1996 15, RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-7320-1
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Ce travail a bénéficié de l’aide et des conseils de nombreux collègues. Je remercie particulièrement Jacques Gasser, Jacques Hochmann, Georges Lantéri-Laura, Jean-Noël Missa, Claes von Hofsen. Je remercie également le professeur Jean-Jacques Dreifuss pour m’avoir invité à donner une série de conférences à l’Institut universitaire d’histoire de la médecine et de la santé publique de Lausanne sur les thèmes abordés dans ce livre.
Introduction

Deux fées, la biologie et la philosophie, se penchaient sur le berceau de la psychologie. L’une et l’autre cherchaient à se concilier les grâces de la nouvelle venue : « elle me ressemble », disait la biologie ; « c’est mon portrait », répondait la philosophie. Le nouveau-né se montra vite rétif et ingrat, prompt à renier ses aînées. Ce livre retrace l’histoire de cette naissance prometteuse et de cette difficile quête d’individualité et d’indépendance.
Il s’agit donc d’un retour critique sur les principaux concepts de la psychologie. Non que les idées aient véritablement une histoire… Les oppositions entre matérialisme et spiritualisme, entre inné et acquis, pour ne citer qu’elles, sont éternelles. Qu’on se rassure donc : aucun des problèmes évoqués ici n’a, à ce jour, trouvé de solution ; aucun de ces débats n’est clos. L’intérêt d’une analyse historique des débuts de la psychologie est justement que ces vieilles idées sont reprises dans un contexte nouveau, celui de la naissance de la science moderne au début du XIX e  siècle. Les techniques nouvelles permettent alors de franchir les barrières du visible, la méthodologie devient garante de la validité des faits, les arguments perdent leur caractère scolastique : on entre en pleine modernité. Le regard historique n’est pas tourné vers le passé. Il reconstruit la trajectoire de nos idées et nous évite l’erreur qui consisterait à n’en considérer qu’une partie, celle qui émerge dans le présent, dont on aurait oublié les points de passage et les inflexions.
Les cinq thèmes abordés ici n’épuisent certes pas le vaste sujet de la naissance de la psychologie. Mais ils ont en commun de mettre en lumière la proximité (pour ne pas dire la promiscuité) du cerveau et de l’esprit, les deux pôles entre lesquels se construit ce qui voudrait être une physiologie mentale. Biologie et psychologie ont en effet entretenu depuis le début de bien curieuses relations. La première, le plus souvent, cherche à dominer la seconde qui, tantôt cède à ses exigences, et tantôt les repousse. Les découvertes et les idées qui ont marqué le cours du XIX e  siècle ont joué, et jouent encore, un rôle essentiel dans la structuration du champ conceptuel de la psychologie des dernières années du XX e  siècle. À l’émergence, dans les années 1850, des recherches sur le cerveau qui ont marqué la psychologie naissante, fait écho, cent ans plus tard, le développement rapide des neurosciences et des sciences cognitives, dont on ne mesure pas encore tout l’impact sur la psychologie moderne. Les termes du débat sont bien connus : d’un côté, le refus d’une naturalisation du psychisme et la crainte d’une perte de contact avec la réalité subjective conduisent les psychologues à un rejet de la biologie pour ce qu’elle comporte de matérialisme réducteur et d’impérialisme scientiste. De l’autre, le désir de rationalité, le combat contre l’obscurantisme, la prétention à l’efficacité de la médecine accréditent chez les biologistes l’idée que la psychologie ne serait en définitive qu’une solution d’attente ou une discipline de transition…
Les premières tentatives d’appropriation de la psychologie par la biologie sont à rapprocher de l’émergence, perceptible dès les premières années du XIX e  siècle, d’une société civile désireuse de se construire indépendamment du dogme et du pouvoir religieux. Iatromécaniciens, Matérialistes et Idéologues, tous cherchaient depuis longtemps déjà à édifier une logique de l’esprit qui fût soumise aux contraintes d’une causalité rationnelle et compatible avec les nouvelles données empiriques fournies par la redescription de l’anatomie du cerveau et des effets de ses lésions. Il est significatif que ces tentatives se soient heurtées, dès le début, aux défenseurs de l’indivisibilité de l’esprit. Vouloir diviser l’esprit en facultés et, plus encore, attribuer à chacune d’entre elles un siège cérébral défini, c’était en effet le réduire à une collection de fonctions plus ou moins indépendantes les unes des autres, solution incompatible avec son fonctionnement unitaire. C’était, du même coup, priver le sujet de la relation privilégiée avec son Créateur et, plus prosaïquement, le libérer de sa sujétion (de sujet, précisément) vis-à-vis d’un pouvoir temporel qui se voulait de droit divin. Les cours impériales, à Vienne, Paris et Saint-Pétersbourg, toléraient mal une remise en cause aussi radicale du centralisme : un pouvoir central fort s’oppose naturellement au fédéralisme et cherche toujours à restaurer l’unité. Ce pouvoir n’aura d’ailleurs pas manqué, et chez les biologistes eux-mêmes, de soutiens toujours prompts à proposer des solutions unitaires pour le fonctionnement du psychisme et à les parer de métaphores anatomiques et physiologiques. La démarche qui consiste à attribuer des fonctions globales, comme l’intelligence ou la conscience, à des structures nerveuses particulières relève de cette recherche d’une instance unique de nature à préserver l’unité du moi.
La psychologie, il est vrai, est née d’une difficile séparation d’avec la philosophie et la métaphysique. En entrant dans le cercle des sciences expérimentales, ne risquait-elle pas de trahir son objectif premier, la connaissance de l’homme et de ses motivations profondes ? L’étude scientifique de la subjectivité, phénomène qui par définition résiste aux explications objectives, n’est-elle pas un piège ? Car si l’on peut accéder à la connaissance de l’organisme par la biologie, la connaissance de l’homme, elle, serait d’ordre privé, donc philosophique. On a reproché à la psychologie, pour avoir méconnu cette différence, d’avoir abandonné sa véritable identité. Elle serait ainsi devenue une simple « psychophysique », cherchant à élaborer une physique du sens externe à partir de la mesure des sensations, et une problématique science du sens interne à partir de l’observation des réponses à des stimulations extérieures. Ce faisant, elle devenait une biologie des aptitudes, prête à être utilisée pour la sélection des individus et, au-delà, pour leur asservissement. Cette critique, il est vrai, est surtout celle d’une psychologie, dominante à la fin du XIX e  siècle et au début du XX e , qui a tenté de faire siennes les méthodes de la biologie et de s’approprier ses concepts.
La question qui reste posée est donc bien celle de savoir si une psychologie dégagée de la métaphysique peut éviter pour autant de devenir un satellite de la biologie. En d’autres termes, la question est de savoir s’il existe un espace scientifique purement psychologique qui soit distinct à la fois de la philosophie et de la biologie : cette psychologie-là est-elle capable de fournir l’explication des phénomènes qu’elle décrit, sans avoir recours à un autre ordre de concepts ? On peut certes analyser l’esprit comme on analyse les performances d’une machine sans se soucier ni de sa fonction réelle ni de la façon dont elle a été conçue et construite. Mais l’esprit appartient à un organisme vivant et non à une machine. Il résulte d’une longue adaptation au milieu, et sa structure comme son fonctionnement dépendent étroitement de la structure et du fonctionnement de son substrat. On constatera d’ailleurs que la plupart des théories psychologiques, y compris parmi les moins biologiques, n’ont pu éviter de faire référence aux mécanismes cérébraux. C’était le cas de la théorie des réflexes conditionnés qui valut à Pavlov, de la part de ceux qui critiquaient son matérialisme, l’accusation, en l’occurrence justifiée, de « nervisme ». Les béhavioristes évoquaient, eux aussi, des processus cérébraux sous-jacents aux mécanismes psychiques, même s’ils ne représentaient plus qu’une référence lointaine et quasi métaphorique. La psychanalyse enfin, qui s’en défend maintenant, a longtemps cru à l’enracinement biologique des processus psychodynamiques.
Si psychologie et biologie devaient exprimer des réalités distinctes, où passerait la frontière entre les deux ? L’opposition habituelle entre la réalité du contenu mental, dont la psychologie décrirait les règles et les productions, et celle du « véhicule » cérébral, pour utiliser la terminologie anglo-saxonne, dont la biologie décrirait la structure et les mécanismes, traduit-elle vraiment l’existence de deux réalités différentes, ou s’agit-il plutôt de deux niveaux de description de la même réalité ? La distinction, souvent réaffirmée, entre Sciences de l’Homme et Sciences de la Vie, n’entretient-elle pas une illusion ? On n’imagine pas l’homme sans la vie, pas plus d’ailleurs qu’on ne peut concevoir, au point où nous en sommes arrivés de l’évolution des espèces, la vie sans l’homme. Ni Freud ni Chomsky n’ont pu échapper à cette réalité, n’en déplaise à ceux des partisans de la psyc

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents